Il est toujours délicat de se voir confier la relecture du manuscrit d'un proche. A chaque fois la même appréhension. Etre, autant que faire ce peut, juste. Et puis, parfois, ce petit miracle : découvrir sous l'amie d'autrefois l'écrivaine accomplie, la poétesse. Ne pas en revenir. Le talent. Le savoir-faire. Comment elle entre dans l'âme orientale pour mieux s'en défaire, comment elle s'en défait pour mieux la pénétrer. Avec ce qu'il faut de retenue, d'ambiguité, de solaire ironie, de nietzschéène radicalité - celle de ses vingt ans bien sûr, dont j'ai gardé intact le souvenir, mais ici épurée jusqu'à la plus stricte nécessité. J'en ai lu, des manuscrits, du temps où j'étais lecteur pour Viviane Hamy. Aucun n'avait cette fermeté, cette force vibrionnante qui n'appartient qu'aux coeurs qui cognent, vivants, qui poussent éternellement les murs pour vivre plus fort encore ; dans des espaces qu'on ne soupçonnait pas avant que ce soit là, écrit, noir sur blanc. Ne pas dire le nom encore : il s'imposera de lui-même.