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L'enthousiasme est une grossièreté

Publié le 18 août 2009 par Achigan
L'enthousiasme est une grossièreté.
L'expression de l'enthousiasme est, par-dessus tout, une violation de nos droits à l'insincérité.
Nous ne savons jamais quand nous sommes sincères. Peut-être ne le sommes-nous jamais. Et même si nous sommes sincères aujourd'hui, nous pouvons très bien l'être demain pour un motif opposé.
En ce qui me concerne, je n'ai jamais eu de convictions mais seulement des impressions. Je n'aurais jamais pu détester un endroit où j'aurais vu soleil couchant scandaleux.
Extérioriser nos impressions, c'est bien plus nous convaincre que nous les éprouvons que les éprouver réellement.

FERNANDO PESSOA. Intranquillité.
En cela, je suis l'être le plus grossier qui existe. Je ne peux ne pas me pâmer devant le dais bleu que fait le ciel, devant l'odeur frappante de l'humus en montagne. Les contradictions abondent dans un monde de sensations qui se renouvellent perpétuellement. Rien ne tient en balance, car la girouette tourne avec le vent.
Les juges de la moralité, ceux-ci me regardent avec une moue méprisante face au constat de mon inconstance. Tant pis ! Qu'on me prenne avec le printemps, ou mieux encore, tout mûr, dans les dernières longueurs du mois d'Août. Et qu'importe si je change, si je me cramoisis.
Demain, je roulerai sur la terre avec les autres, comme un beau fruit mûr, et j'adorerai le monde qui m'accueille dans son sein.
Je touche de mes mains sensible un dos immense, déployé, une aile orientale, une autre au Ponant. Le rapace étendu sur mon lit vert, dort, en plein milieu du jour. Et comme la lumière vrille à travers l'air tout liquide de chaleur, elle éclaire d'une manière bizarre dans un instant l'homme ensommeillé, que je ne reconnais plus soudain. Je suis à des lieues de lui, par-delà l'océan où il n'y a plus d'amarres possibles.
Était-ce un tour ? Les fées sont-elles entrées avec la brise et m'ont emmené avec elles ? Que penser ? Que croire ? Je ne peux me résoudre à ne plus me reconnaître.
Voilà ce qui se passe lorsque la réalité cligne ses grands yeux sensationnels. J'envoie donc paître tous les moralisateurs qui décrieront mon enthousiasme. Car si le jour peut s'abattre d'un coup sur votre tête et vous enlever le regard, je veux crier tout le long ce que je vois quand je vois, ce que je sens quand je sens et ce que je goûte quand j'ai goûté.
La vie n'a qu'une seule couleur véritable, et c'est celle qui passe sur vous avec ce dernier mot.

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