Icones bulgares au chateau de Vincennes

On reparlera ici plus longuement du Chateau de Vincennes lorsque sa majesté Sarkozy Premier aura bien voulu indiquer son arbitrage sur le lieu d’implantation de son fumeux projet de Musée de l’Histoire de France. Plus que jamais ce site mérite un grand projet. On en reparlera

En attendant l’exposition sur les icônes bulgares (voir l’article du Monde avec son amusante coquille ci après) est l’occasion de revisiter une autre pièce majeure du chateau, la Sainte Chapelle (qui n’est sans doute pas le joyau du chateau comme le disent certains, le donjon me parait bien supérieur). L’exposition vaut largement la visite, elle n’est évidemment pas très facile, sauf pour les spécialistes, un peu comme une partie de la peinture primitive italienne. Mais certaines pièces (un Saint Apotre évoquant tant l’art de Rome) ne manque pas de toucher.

David Dornbusch

“Après trois ans de restauration, la Sainte-Chapelle du château de Vincennes a rouvert ses portes au public

Paradoxalement, ce n’est pas le moment idéal pour aller s’extasier sur l’oeuvre des architectes Raymond du Temple et Philibert de l’Orme, achevée en 1552.

Le Centre des monuments nationaux a en effet profité de l’espace retrouvé mais vide de signes majeurs de piété pour y présenter, jusqu’au 31 août, “Les trésors des icônes bulgares”, une exposition exceptionnelle consacrée à l’art religieux bulgare, en coproduction avec la Galerie nationale des beaux-arts de Bulgarie. Son directeur, Boris Danaïlov, en assure le commissariat.

L’exposition du mont Athos, (Le Monde du 25 avril 2009) au Petit Palais à Paris, avait permis aux brebis égarées dans la complexité de l’histoire récente des Balkans de retrouver les sentiers de l’histoire. A la Sainte-Chapelle, une centaine de chefs-d’oeuvre, dont quatre-vingts icônes, retracent près de quinze siècles de création (du IV^e au XIX^e siècle).

Ils sont présentés dans une muséographie de Frédéric Casanova, qui ne s’est pas encombré de mimétisme avec la chapelle, imaginant d’improbables avatars d’une architecture bulgare en bois, pour partie religieuse, navale ou paysanne et susceptible d’accueillir toutes les époques. L’espace y est compté, comme dans de minuscules chapelles, et les visiteurs doivent attraper une lumière volontairement réduite - ce que peuvent supporter ces oeuvres fragiles.

Répondant naturellement à cette mise en espace pittoresque, les oeuvres, très diverses, opposent une force partagée, une unité posée tranquille.

Du célèbre Saint Théodose, hiératique et inspiré - plaque de céramique du X^e siècle retrouvée au monastère de Patleyna (Preslav) - l’icône des Quarante Martyrs au sort clairement peu enviable (Musée national de Sofia), en passant par la Nativité étonnamment architecturée de la Galerie des beaux-arts de Plovdiv, le choix des oeuvres présentées révèle un arsenal imaginatif au-delà des codes et usages.

Faut-il y voir l’effet d’un syncrétisme persistant ? “Bien qu’associée à la communauté byzantine, la Bulgarie développe une culture chrétienne spécifique, résistant aux aspects mondains de l’art byzantin mais sensible à ses valeurs orthodoxes, nous souffle le catalogue. En raison de la vitesse à laquelle s’accomplit la conversion au christianisme, une partie du clergé ne possède qu’un niveau de formation assez peu élevé.” Deux cultures vont cohabiter : l’une liée à la pratique liturgique quotidienne, l’autre issue de l’élite slave et proto-bulgare qui, à l’image de l’élite byzantine, est très instruite.

Le XIX^e siècle et son enseignement tend à effacer définitivement cette heureuse cohabitation pour imposer des canons plus mièvres et pourtant plus sûrs d’eux. Dans le domaine religieux, cette mutation n’est pas spécifique à la Roumanie (Note de David Dornbusch: l’auteur pense vraisemblablement ici a la Bulgarie..) . Ici, on aura tendance à revenir vers les périodes les plus reculées d’un Moyen Age aux vues lumineuses.

Frédéric Edelmann”