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L’uniforme, pour une bonne tenue

Publié le 21 août 2009 par Soseducation

Lors de la rentrée scolaire 2008, TF1 avait consacré un reportage au port de l’uniforme dans les écoles martiniquaises, où de nombreuses écoles, la majorité des collèges et la moitié des lycées ont adopté le principe de la tenue obligatoire. On voyait dans ce reportage des mères de famille se féliciter de l’avantage économique que cette solution représentait pour elles : « Ça revient moins cher d’acheter quelques tee-shirts, quelques pantalons pour toute l’année scolaire », disait l’une ; « Ça m’arrange au niveau du porte-monnaie, et puis il n’y a pas de discrimination à l’école au niveau des enfants, il n’y a pas de différences, c’est très bien », disait une autre.
Du côté des élèves eux-mêmes, même si deux d’entre eux avouaient préférer « s’habiller comme on veut » et « qu’il y ait des dessins, des marques » sur leurs vêtements, la majorité se montrait également favorables à l’uniforme : « Ça me permet de ne pas choisir de vêtements le matin, c’est un truc fixe », disait un garçon ; « Le matin, on ne se casse pas la tête pour aller chercher si on met ci ou on met ça », confirmait une jeune fille ; « Il n’y a pas de souci, je n’ai pas besoin de chercher quel vêtement je vais mettre demain… », ajoutait une autre.

Courant dans les Antilles et en Guyane, en France métropolitaine l’uniforme a disparu de la presque totalité des établissements scolaires publics – à l’exception de la Légion d’honneur et des six lycées de la Défense dépendant des armées de terre (La Flèche, Aix, Autun et Saint-Cyr ), de l’Air (Montbonnot Saint-Martin) et de la Marine nationale (Brest) – et de la très grande majorité des établissements privés. Il reste cependant à l’honneur dans quelques écoles hôtelières.

Lors d’un déplacement à Londres, en janvier 2009, Xavier Darcos s’était déclaré favorable à la réintroduction d’un code vestimentaire au sein des établissements : « dans certains établissements où il y a une très grande mixité sociale, de très grande disparités d’origine, on pourrait expérimenter en effet que les élèves aient tous les mêmes tee-shirts ou une tenue comparable », avait-il dit. « Si on n’appelle pas l’uniforme le retour à la blouse grise et que l’uniforme est sous forme d’un tee-shirt signe qui signale l’appartenance à l’établissement, je pense que ça met tous les élèves dans une situation d’égalité les uns par rapport aux autres. »
Cet argument, qui revient régulièrement dans la bouche ou sur la plume des partisans de l’uniforme scolaire, doit être complété. S’il est vrai, comme l’écrit l’ethnologue Yves Delaporte, directeur de recherche au CNRS, que « Dans toutes les sociétés, les hommes ont, à des degrés divers, fait usage du costume comme moyen de communication » (1), il est logique que l’adoption de l’uniforme ait des conséquences sur les rapports qu’entretiennent les élèves entre eux et avec les adultes, partant sur la discipline et la paix scolaires.

L’uniforme est en effet un facteur de concorde pour plusieurs raisons.
En évitant que les élèves ne se jugent par rapport aux vêtements et aux marques qu’ils portent, l’uniforme est un facteur de concorde et d’unité entre les élèves, d’autant plus puissant qu’il développe l’esprit de corps.
Pour les mêmes raisons, il réduit les vols et les violences au sein des établissements : on est davantage tenté de voler un vêtement de marque à la mode, qu’une pièce d’uniforme que l’on porte soi-même. De même, l’effacement des signes distinctifs de richesse limite les risques de racket.
Il contribue à différencier l’école du monde qui l’entoure. Cette « coupure » avec l’environnement – que critiquent d’ailleurs les adversaires de l’uniforme – est particulièrement bénéfique lorsque cet environnement est instable ou violent.
Il pacifie aussi les rapports entre les élèves de sexes différents, en évitant le port de tenues qui n’ont pas leur place au sein d’un établissement scolaire.
En cas d’intrusion extérieure, il permet d’identifier immédiatement les élèves qui n’appartiennent pas à l’école.
Il favorise la concentration des élèves en contribuant à créer une ambiance de travail.

Les élèves en souffrent-ils ? Daniel Faivre, Professeur à Courbevoie et syndicaliste du SNES, ne le pense pas : « J’ai participé à un jumelage scolaire entre le Lycée Paul Lapie de Courbevoie et le Lycée Sissowath à Phnom Penh », racontait-il dans la revue Medium à l’été 2006. « La comparaison était confondante : au Cambodge, les visages étaient joyeux, rieurs et les uniformes simples (pantalons et jupes bleu marine, chemises et chemisiers blancs) ajoutaient encore à cette impression de bonheur d’apprendre et de vivre. Les visages fermés, aux expressions désabusées, les allures traînantes, comme dégoûtées, le corps avachi, l’écoute ironique ou indifférente et enfin, pour couronner le tout (il est vrai qu’en France c’était l’hiver), vêtements unisexes, pantalon blouson, noir en majorité, tout laissait à penser aux Cambodgiens qu’un drame profond frappait la France ! Eh bien, oui… la « modernité », issue de la fameuse révolution des moeurs, allie à la fois, à l’école, un égalitarisme sexuel moralisateur et misandre et un laisser-aller disciplinaire (encore un mot interdit !), ainsi que vestimentaire. Rien d’heureux dans les visages, les allures, les paroles. Mais une névrose agressive qui court. Oui, un drame profond frappe les écoles en France. Certains de nos jeunes Courbevoisiens souriaient même avec condescendance de la naïveté, de la simplicité – être heureux d’aller à l’école! – de la « ringardise » des élèves cambodgiens. »
Certes, l’uniforme ne fait pas le bonheur, mais il semble qu’entre les enfants des survivants du génocide mis en œuvre par les Khmers rouges dans les années 70 et ceux des libertaires de 68, les plus heureux de vivre et d’apprendre ne soient pas les seconds !

Le Cambodge est délivré depuis longtemps de la tyrannie des Khmers rouges et les jeunes Cambodgiens ne se sentent pas plus enrégimentés que les élèves sud-coréens, philippins, malais, singapouriens, japonais, mexicains, australiens, néo-zélandais, américains, canadiens, irlandais, anglais, qui portent couramment l’uniforme. Au Canada et aux Etats-Unis, où l’uniforme restait majoritairement choisi par les écoles privés, il tend à se répandre dans les établissements publics, qui préféraient jusqu’à présent édicter un code vestimentaire.
Pourquoi ce qui est couramment et parfaitement admis dans de si nombreux pays serait-il inconcevable en France ? Reste à savoir à quoi pourrait ressembler un uniforme ou plus simplement un code vestimentaire, conçu pour une école publique française.

Si l’on considère les exemples privilégiés à l’étranger, en Australie, les garçons portent un pantalon ou un short, avec un pull, une chemise ou un tee-shirt, les filles une jupe ou une robe ainsi qu’un chemisier ou un tee-shirt. Peuvent s’y adjoindre un blazer, une cravate et un chapeau.
Au Japon, dans les établissements qui n’imposent pas l’uniforme traditionnel (gakuran ou saillir fucus), la tenue se constitue d’une chemise blanche, d’un pantalon, d’une veste et d’une cravate pour les garçons ; d’une jupe plissée, d’une veste, d’un pull sans manches et d’une cravate ou d’un nœud pour les filles.
En Grande-Bretagne, les élèves portent un blazer, une chemise bleue ou blanche, un pantalon ou une jupe noire ou bleu marine, un pull de même couleur, la cravate de l’école, des chaussures noires.

Il est également possible de s’inspirer des modèles français, comme celui adopté par le lycée technologique de Bonneveine, à Marseille : chemise, cravate, pantalon et chaussures de ville pour les garçons, tailleur gris pour les filles ; ou celui du collège privé Hautefeuille à Courbevoie : chemise ou polo blancs, pantalon gris ou noir, pull vert bouteille avec l’écusson du collège, chaussures de ville, cravate du collège ; ou encore le type d’uniformes en usage à la Martinique : tee-shirt blanc avec le logo de l’école, jupe écossaise pour les filles, pantalon en jean bleu pour les garçons.
Chaque établissement devrait rester maître de définir lui-même l’uniforme qui lui convient, en interdisant par ailleurs les tenues négligées (piercings, maquillage, coiffures à l’iroquoise, etc…) et en précisant les types de chaussures autorisés (pour éviter le port de chaussures de sport en dehors des heures consacrées à l’éducation civique).


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