Magazine Amérique du nord

Bel canto, buona pasta (pour Bellini)

Publié le 23 août 2009 par Olivier Beaunay

On n'entend rien à l'Italie si l'on ne comprend rien ni à l'opéra, ni aux pâtes ni, accessoirement, à la Sicile. Puisqu'il fallait un plat qui fût à l'honneur du compositeur de Catania, on inventa donc la pasta alla norma et l'on fit bien. " Je veux quelque chose qui soit tout à la fois une prière, une invocation, une menace et un délire " disait Bellini à son librettiste, Felice Romani.

Rien de délirant pourtant dans la pâte en question (et c'est en quoi il faut fuir les restaurants italiens chics, en faisant quelques exceptions ici ou là, par exemple pour Dell'Orto du côté de Notre Dame de Lorette ou encore pour la très regrettée Bauta du côté de Montparnasse). De fait, dans les éléments de base d'une bonne pasta alla norma, il faut compter des ingrédients soigneusement choisis, un peu d'application et un minimum de patience.

Pour les ingrédients, Barzini, dont les étales de fruits et légumes s'étirent sur les hauts de Broadway, fera fort bien l'affaire : on y fait non seulement ses courses tard, mais aussi d'agréables rencontres. On y trouve de magnifiques aubergines, des tomates bien rouges, de taille moyenne, venues du Canada, des oignons parfaitement dorés et des échalottes bien sûr, mais aussi, fait suffisamment rare aux Etats-Unis (tout comme en France, d'ailleurs) pour être noté, une somptueuse ricotta fraîche.

Au rang des questions majeures, celle du choix de la pâte juste pour une sauce donnée reste malheureusement trop souvent méconnue. On peut, dans le cas qui nous occupe, hésiter, entre les linguine n°7 ou n°8 de chez De Cecco : les n°8, un soupçon plus fines, conviennent à merveille en permettant une meilleure imprégnation des pâtes avec la sauce.

Les aubergines sont coupées en dés et jetées dans une poêle assez large où elles reviennent dans un fond d'huile d'olive, bientôt suivis des petits oignons. Epelées et coupées en petits morceaux, les tomates suivent. Le tout, rehaussé d'une pincée de red pepper (un équivalent américain acceptable du peperoncino), peut mijoter aisément pendant une heure -une heure et demi.

La poêle est recouverte pendant l'essentiel de la cuisson de façon à faire suffisamment fondre les aubergines. Puis l'on retire le couvercle pour permettre cette fois à la sauce, à feu vif puis de plus en plus doux, de se concentrer davantage, de perdre en jus et de gagner en sucs. Les ingrédients ont alors fusionné et l'on obtient un mélange dont le fondu, un peu lourd, de l'aubergine s'équilibre à merveille avec la fraîcheur plus vive des tomates.

Après quelques courtes minutes de cuisson, les linguine sont mélangées à la sauce. On sert le tout dans de belles assiettes à pâtes, blanches, creuses et entourées d'un large rebord, qui permettent aux pâtes de conserver à la fois leur chaleur au sortir de la cuisson et leur texture. On dépose sur le sommet de chaque assiette de pâtes chaudes deux ou trois cuillérées de ricotta fraîche. Celle-ci, d'une consistance analogue à une faisselle, finit par se dissoudre progressivement dans les pâtes. Le parmesan est naturellement tout à fait inutile avec cette pâte.

Ce plat est accompagné d'un Saint-Estèphe (Lilian Ladouis, 2003) mais, en vertu de l'axiome de l'appariement des terroirs, un Chianto classico de chez Mitchell's, plus léger, un peu plus vif et avec plus de fruit rendrait le mariage parfait.

Le bonheur gastronomique se passe fort bien de la guerre des gangs. N'en parlez pas à Little Italy qui pourrait bien, pour le coup, jalouser cette manière à la fois simple et inspirée. Le plat est un authentique régal. A faire suivre, plus tard, d'un amaretto légèrement glacé, sur l'air de Casta Diva pour retrouver, à défaut du délire, un peu de la prière qui sied aux bonnes choses.

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Les Amerloques, Upper West Side, 320 W 88th Street. Sur invitation. Note pour ce plat : 16,5.


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