Apple et Nokia, 2 marques, 2 mondes

Publié le 30 août 2009 par François Némo @ifbranding

Apple, Nokia, deux stratégies qui sont des cas d’école pour analyser et comprendre la nature d’une marque. Comment et pourquoi le branding est aujourd’hui essentiel dans la stratégie d’une entreprise, quels sont ses ressorts et les liens étroits qu’elle entretient avec les évolutions du monde, pourquoi elle est en prise directe avec toutes les problématiques contemporaines : mondialisation, complexité, besoin de socialisation.


2 marques, 2 mondes

Que dire de la pub Nokia, sinon qu’elle est laborieuse, gorgée d’une multitude de signes et de messages : une rue pavée et la roue d’un vélo pour la mobilité, des jambes floues au pied d’un bar pour la jeunesse, une lumière orangée, un texte assez naïf où l’on case les mots clé tels que Facebook, le Monde, Allociné, les films en ligne, ajouté à cela une mauvaise photo de l’appareil, les infos conso et une nouvelle promesse qui tombe du ciel : « Le monde en live OVI ». Qu’est-ce que Nokia cherche à nous transmettre ? Tout et rien. Il tente laborieusement de reprendre la main.
Avec Apple le message est clair, limpide, une image soignée, quelques mots, et les ventes explosent… Une efficacité qui n’a rien à voir avec la qualité du publicitaire. Une efficacité qui sous-tend des années de labeur et de réflexion, d’observation, d’anticipation, d’exigence et de rigueur. Bref, un vrai travail de marque.


"Lorsque l’on n’a pas de pétrole, on a des idées "

Souvenez-vous de cette expression qui avait cours lors de la crise pétrolière dans les années de 80. La notion « d’idée » était alors associée à la technologie. L’objectif était simple : créer de la richesse, accéder au confort à travers la technique. Des schémas faciles, binaires, un optimisme plutôt naïf en quelque sorte. C’était sans compter sur la mondialisation et sa ribambelle « d’emmerdements ». Ce volte-face de l’histoire qui nous a plongés en direct dans les notions de concurrence (pays émergeants), de différence (multiculture) et d’échéance (préservation de la planète). Nous perdons tout à la fois notre pouvoir, nos marchés et nos repères. L’empire se fissure. Le monde devient dangereux, complexe et incompréhensible. Que faire sinon inventer de nouveaux paradigmes, une nouvelle raison d’être, de nouveaux arguments.


"Lorsque la technologie est dépassée, on a les valeurs"
Le rôle du branding est de faire émerger cette nouvelle raison d’être au sein de l’entreprise. Inventer une nouvelle relation. Répondre aux nouveaux enjeux de la mondialisation. Le rôle « technique » de la marque : donner des informations et des garanties sur des éléments transactionnels – prix, qualité, innovation, esthétique – est aujourd’hui considéré comme un acquis par le public (le monde entier sait produire de la qualité et de l’esthétique).
Ce que le public attend d’une marque, c’est qu’il l’aide à comprendre le monde (rien de moins) à travers un système de normes et de valeurs, à travers des engagements. Quel est son rôle social, son apport à la collectivité, son impact sur l’environnement, sa capacité à créer de l’emploi, de la relation, du sens ou du bien-être ? En bref, sa capacité d’offrir des repères et des pistes pour l’avenir, à rassurer. Une « révolution » que l’on retrouve au-delà de l’entreprise dans tous les modèles de société, qu’ils soient politique, économique ou culturel. A titre d’exemple, la volonté des économistes de remplacer le PIB (instrument technique jugé trop limitatif) par de nouveaux instruments de mesure alternatifs qui prennent en compte les valeurs d’une société (emploi, bien-être, natalité…). Autre argument choc en faveur de cette « révolution » des valeurs, nous redonner la main sur des pays émergeants qui sont loin de posséder l’expérience, la culture, le savoir-faire pour nous concurrencer sur ce terrain.


Apple et Nokia

Apple et Nokia sont symptomatiques de cette « révolution ». Qu’est-ce qu’Apple nous vend sinon des valeurs, un visa pour l’avenir, « Penser différemment ». Qu’importe le produit et sa technologie. Apple pourrait à terme abandonner la production d’ordinateurs pour nous livrer de nouveaux outils qui répondent à (anticipent) nos attentes sans bouleverser ses engagements.
Nokia, quant à lui, nous vend des instruments pour « connecter les gens », de la technologie. Nokia est bloqué dans son secteur. Nokia est en concurrence directe avec les pays émergeants. Ce qui explique bien sûr cette surenchère, la multiplication des messages. Une densité d’informations qui ne fait que confirmer une absence de réflexion sur le rôle et la position de l’entreprise dans le monde contemporain.