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La débâcle démocratique en Afghanistan

Publié le 01 septembre 2009 par Unmondelibre

La débâcle démocratique en AfghanistanPatrick Basham, le 1er septembre 2009. Les élections présidentielles en Afghanistan confirment que les dirigeants occidentaux ne peuvent pas emmener la culture politique afghane, là où elle ne veut pas aller. Aujourd'hui, les démocrates afghans pourraient organiser un congrès dans une cabine téléphonique.

Bien que la première présidentielle en Afghanistan (2004) puis élections législatives (2005) aient eu lieu dans une atmosphère de peur et d'intimidation massive des électeurs, la communauté internationale avait qualifié ces élections de tournant pour la démocratie afghane. Les événements sur le terrain continuent à suggérer le contraire. Selon l'ONU, le nombre de civils afghans tués a grimpé de 24% pendant la première moitié de 2009. Les craintes pour la sécurité des électeurs le jour du scrutin auraient concerné près de 10% des 7000 bureaux de vote du pays.

La sécurisation du pays exige 63.000 soldats américains et 40.500 non-américains des forces de l'OTAN pour protéger ce que beaucoup considèrent comme un scrutin truqué. L'ONU et la Commission afghane des droits humains se sont plaint à maintes reprises de l'ingérence du gouvernement du président Hamid Karzai dans l'élection.Le problème institutionnel le plus évident est que la commission électorale est remplie de partisans de M. Karzaï. C'est aussi un secret de polichinelle que la campagne de M. Karzaï a enregistré trois millions de «nouveaux» électeurs - gonflant l'électorat de 17% - en permettant aux hommes d'obtenir des cartes d’électeurs pour des parentes femmes qui n’existent pas.

Lors des élections à la mode afghane, les politiciens en campagne électorale ont été autorisés à proférer des menaces contre leurs adversaires. En campagne électorale, le candidat à la présidentielle modéré Ashraf Ghani, ancien ministre des Finances et populaire auprès des Afghans en Amérique, a vu ses affiches mystérieusement se faire arracher dès qu'elles apparaissent sur les panneaux d'affichage.

Il est de plus en plus clair que le retrait des talibans du pouvoir n’a pas retiré pour autant le plus grand obstacle local à la démocratie libérale. Le régime taliban représentait une vision du 7ème siècle de la relation entre la religion et l'Etat. Il a été vaincu par des Afghans (alliés des occidentaux) ayant une vision du 12ème siècle de la relation de l'homme à ses chefs religieux et politiques.

Par conséquent, le Président Karzaï est incapable de tenir tête à l’Ulema, le conseil religieux conservateur de l'Afghanistan, qui exerce un pouvoir politique disproportionné dans tout le pays. Les traditionalistes imposent leurs valeurs par un acte politique, dans le cas du gouvernement Karzaï, ou par la force, dans le cas des talibans. Ainsi, une nouvelle loi permet au mari d'affamer sa femme si elle refuse d'avoir des rapports sexuels, et l'oblige à obtenir l'autorisation de son mari pour aller travailler. Les magasins de musique et autres lieux de vente de produits « immoraux », tels que les DVD, sont des cibles fréquentes de la violence et de la persécution. Le Ministre de la culture du pays a traîné un réseau de télévision privé au tribunal pour mettre fin à la diffusion de ses feuilletons de Bollywood.

Pourtant les Afghans n’avaient-ils pas promulgué en 2004 une constitution de type occidental qui garantit la liberté politique et religieuse?

En fait, non. La Constitution consacre le pays comme un État islamique. Même si une clause stipule que chaque citoyen afghan a droit à la liberté religieuse – un passage souvent mis en avant pour le public occidental - un passage beaucoup plus important déclare la Charia fondamentaliste être la loi suprême du pays.

Les néo-conservateurs américains ont passé les dix dernières années à proclamer les libertés universelles dont jouissent les démocraties à travers le monde. Le problème est que la culture politique afghane ne célèbre pas du tout de telles libertés. C'est une culture non libérale qui récompense les chefs de guerre avec un poste politique, qui nécessite des quotas pour garantir la représentation des femmes au parlement, et tolère une corruption généralisée presqu’indescriptible. A ce propos, le président Karzaï préside le cinquième gouvernement le plus corrompu du monde, selon une étude de la Brookings Institution. L'an dernier, son gouvernement a réussi à «perdre» 60% de son revenu annuel, un pourcentage sidérant…

Ce qui est en train de se passer aujourd'hui en Afghanistan est un affront aux partisans de la liberté. Mais ce n'est pas un affront à la plupart des Afghans. Pendant des siècles, la politique en Afghanistan a été - et continuera d'être pour l'avenir prévisible, peu importe combien d'élections «libres» auront lieu – fondée sur l'identité ethnique et l'adhésion stricte à l'islam. Les loyautés tribales et le conservatisme religieux subordonneront toutes les autres valeurs.

Dans les mosquées de Kaboul, les fidèles écoutent leurs prêcheurs soutenir vigoureusement les politiques sociales antilibérales, y compris la citoyenneté de seconde classe pour les femmes et la persécution des homosexuels. Les prêcheurs disent ce qu'une grande majorité d'Afghans considèrent à la fois comme approprié et juste.

On ne peut tout simplement parachuter la démocratie libérale dans un pays comme l'Afghanistan et s'attendre à ce qu’elle prenne racine. L'élection présidentielle est la dernière démonstration de ce fait persistant.

Patrick Basham est analyste au CATO Institute.


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