Mon voisin l'emmerdeur

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"Vous pourriez mettre des patins sous vos chaises ?" Quand on vient frapper pour la première fois chez ses nouveaux voisins du dessus, on peut trouver mieux, comme phrase de présentation. Surtout à 8h du matin. C'est pourtant comme cela qu'un monsieur arrivé tout droit du ch'nord, avec son accent ch'ti, a choisi de venir tirer mon nez de mon bol de thé, à grands coups dans ma porte."Je suis pour le bon voisinage, et tout..." D'accord, alors tu repars chez toi, et on en rediscute quand j'aurai fini d'émerger, tu veux bien ? Non mais c'est vrai, quoi ! Si tu crois que c'est avec un enrobage aussi médiocre que tu vas faire passer le fait de venir te plaindre avant même d'avoir pris le temps de te passer un coup de brosse à dents, tu t'four'l'doigt dans l'chnoeil, mais alors jusqu'ou coud' !D'un côté, je comprends sa démarche. Il vient d'emménager, il a un bébé, et il a trouvé qu'il y avait trop de remue-ménage en fin de soirée. Du coup, dans sa ch'tête, ça n'a fait qu'un tour : "Si j'y dis pas d'emblée, ça va m'faire la java tous les soirs au dessus. La ch'tite va pas arrêter d'chouiner. Et quand j'vais y aller toquer à sa porte dans un mois, j'vais pas t'la ménager, la voisine."Mon voisin aurait donc décidé de se poser tout de suite en emmerdeur, pour éviter de passer pour carrément colérique dans un mois.En attendant, tout le monde n'a pas ma capacité d'empathie. A peine la porte refermée, j'ai dû attraper une de mes colocataires avant qu'elle n'enfile ses talons les plus hauts : "Je vais lui montrer ce que c'est, faire du bruit !"Le grand sage chinois dont le nom s'est perdu dans les méandres de l'Histoire disait : " Claquettes au dessus de la tête de ton voisin, grosse claque dans ta tronche le lendemain."Nous avons donc décidé lors de l'assemblée générale des colocataires, qu'aucune action ne serait menée pour le moment contre le nouvel arrivant.Malheureusement pour lui, nous sommes loin d'être les personnages les plus bruyants de notre vieil immeuble des années soixante... Le soir même, un match de foot lui a fait découvrir à ses oreilles hypersensibles les effusions de joies et les cris de déceptions d'un fan du ballon rond vivant cette fois, au dessous de lui. Le lendemain, ce sont nos voisins de pallier, des créoles qui laissent leur porte d'entrée grande ouverte lorsqu'ils organisent des petites fêtes, environ deux à trois soirs par semaine.Finalement, c'est ça, avoir de bons rapports de voisinage : on avale la couleuvre d'une critique injuste, et on laisse les autres nous venger ! Rien que pour ça, les autres, ils peuvent faire tout le boucan qu'ils veulent !