Nous voici en Erythrée, plus exactement dans le désert de Danakil.
Là vient d'être effectuée une "découverte exceptionnelle", dont, au dire du commentateur de ce documentaire, l'enjeu pourrait bien être carrément "d'où venons-nous ?" (en tant qu'espèce Homo
Sapiens ).
La découverte ? Celle du crâne complet d'un Homo Erectus âgé d'un million d'années, qui "présente un mélange de caractéristiques propres à Erectus et de caractéristiques propre à notre espèce,
l'Homme Moderne".
Depuis logtemps, les préhiqtoriens se demandent comment l'être humain est devenu Sapiens à partir d'Erectus et, jusqu'alors, ils disposaient de fort peu d'indications. C'est la raison pour laquelle
ils sont désormais si enthousiastes à propos de ce crâne, qui, à leur avis, est un "maillon de la chaîne" crucial et jette un "éclairage" totalement nouveau sur notre lente
évolution.
Le vestige est, en effet "antérieur de 300 000 ans" à l'apparition "officielle" de l'espèce Homo Sapiens (la nôtre).
Pour le découvrir, il fallut lancer une véritable expédition au milieu de nulle part, dans l'une des pires fournaises qui existent sur terre..
Ce fut à Buya, un "petit village perdu" en plein milieu du rude désert de Danakil, que l'équipe internationale de chercheurs dut installer son campement de fouilles, dans des conditions, l'on s'en
doute, extrêmement austères.
Le documentaire nous fait découvrir l'aspect montagneux et pelé, fichtrement impressionnant de la région, laquelle se signale par "une splendeur magnifique et impitoyable". Son appartenance à
la faille du Grand Rift qui, dans un lointain avenir, finira par couper le continent africain en deux, lui vaut d'être le théâtre d' "une intense activité géologique", traduite, de temps en temps,
par de "violents séismes". Toutes conditions qui, d'après les savants, s'avèrent "idéales pour la recherche de fossiles"..
Il y a un million d'années, le Danakil avait un tout autre aspect que celui que l'on connait actuellement : c'était "une vallée verte et luxuriante, arrosée par un vaste fleuve" et, par conséquent,
"un cadre indispensable à l'évolution de l'Homme".
Des génétiens nous rappellent fort à propos qu'en étudiant, voici quelques années, des "séquences d'ADN" humaines et simiennes, ils ont pu déterminer, de façon certaine, que non seulement nous
partagions 98% de notre patrimoine génétique avec le chimpanzé, mais encore que la séparation entre les deux lignées de primates est intervenue il y environ cinq à sept millions d'années.
L'Homme est donc bien, pour eux, sans aucun doute, un "africain".
Il y a deux millions d'années, nous explique-ton ensuite, apparaît l'Homo Erectus, premier parfait bipède dont les mains sont donc parfaitement disponibles. Un savant fait remarquer, à ce propos,
que "l'Homme est un excellent coureur de fond" et que "les grands singes, pour leur part, ne transpirent pas". Ce fut la transpiration qui permit à leur cousin bipède de "parcourir de longues
distances dans la chaleur extrême de l'Afrique".
Mais venons-en maintenant à ce qui nous intéresse, à savoir "d'où est originaire Sapiens Sapiens ?"
"Le crâne de Buya apportera peut-être la réponse".
"Comment les hommes de Buya se nourrissaient-ils ?"
Non loin du fameux crâne, les paléontologues ont découvert les restes d'un "énorme boeuf préhistorique à très longues cornes".
Le verdict : "tout porte à croire que l'Homme, à cette époque, chassait déjà, en groupe", et "qu'ils devaient vivre en tribus, pour pouvoir survivre"..
On découvre des outils en quartz : "percuteurs, petites lames tranchantes", ainsi que des "ossements animaux portant, sans nul doute, des traces de coupe", de sorte que les savants soupçonnent
d'avoir là affaire à un "campement préhistorique". De façon catégorique, un spécialiste déclare que "la consommation de viande joua un rôle clé dans l'évolution du volume crânien de l'Homme", et
qu'elle "entraîna une réduction de l'intestin qui réduisit beaucoup l'énergie dépensée pour la digestion".
"L'Homme a besoin de beaucoup de calories" (pour alimenter son glouton de cerveau en énergie), d'où son goût prononcé pour la graisse et le sucre, qui persiste encore aujourd'hui. "Au plan
alimentaire, constate en riant quelque peu l'un des spécialistes, nous sommes toujours des chasseurs-cueilleurs du paléolithique".
A Buya, nous annonce-t-on, "les animaux étaient abondants" : on a retrouvé les traces de pas moins de "vingt et une espèces de vertébrés", parmi lesquelles, notamment, des crocodiles. Les animaux
consommés étaient : des antilopes, des hippopotames, ainsi que certains crocodiles. "La richesse alimentaire serait-elle l'un des moteurs de l'évolution ?" . Par contre, étrangement, "on ne trouve,
sur le site, aucune trace de carnassiers, en dehors de l'Homme".
On rencontre, à Buya, à même le sol, "un immense amoncellement d'outils de pierre", vestiges de multiples générations : il s'agit de bifaces, et de percuteurs. "Une telle concentration
d'outils en pierre est exceptionnelle", s'émerveillent les savants, en choeur. Et de développer : "l'outil nécessite une grande habileté et une réflexion abstraite; il faut voir les choses en trois
dimensions". De là leur exaltant constat que "ces hommes possédaient les mêmes capacités cognitives que nous".
"La période de l'enfance s'est allongée. Les femmes, de ce fait, ne pouvant plus élever leur progéniture seules, deviennent dépendantes des hommes. D'un autre côté, l'ovulation cachée, inexistante
chez les grands singes, incite l'homme à rester plus près de la femme et à avoir de plus nombreux rapports sexuels avec elle s'il veut reproduire".
Sur ces fortes paroles, nous passons à une reconstruction virtuelle de fossiles d'Homo Erectus trouvés à Dmanissi (dans le Caucase) et pratiquée par le Suisse Christophe Zollikofer. Celui-ci nous
fait remarquer que, sur les deux squelettes affichés sur l'écran de son ordinateur, on note de façon frappante que "la partie inférieure, c'est à dire les jambes, est tout à fait moderne, cependant
que le reste, le haut du corps, demeure archaïque", ce qui tendrait à prouver que "l'augmentation du volume du cerveau est un phénomène tardif". De toute façon, "il y a certainement eu beaucoup de
variétés d'Homo Erectus".
A Buya, l'aide des tribus nomades du cru s'avère très précieuse. Ce sont pourtant, paraît-il, habituellement, des gens hostiles aux étrangers, aux intrus.
Il faut savoir que l'Erythrée compte, à lui seul "100 000 sites archéologiques".
Le site de Buya, quant à lui, a été daté de un million d'années..
Le crâne trouvé à Buya n'a pas échappé à la comparaison avec d'autres crânes s'échelonnant de deux millions d'années jusqu'à l'époque actuelle. Question : "où se situerait-il ?"
La réponse ne tarde pas à fuser : "dans le vide compris entre un million d'années et 600 000 ans".
"Le crâne de Buya, martelle encore un scientifique, est unique en son genre" : il révèle une "différence dans la croissance du cerveau par rapport à Homo Erectus proprement dit". On sait cela grâce
à une analyse approfondie au scanner, suivie d'une reconstitution numérique. Cette dernière révèle "un cerveau relativement asymétrique et une vascularisation qui le rapprochent beaucoup de l'homme
actuel".
Toutefois, son volume n'était que de 1000 cm3.
Aux yeux des spécialistes, il marque "le début d'une évolution vers une plus grande complexité".
N'oublions pas, surtout, plus généralement, que "les carnivores et les animaux sociaux ont un cerveau plus gros". "L'intensité de la communication" qu'implique la vie en groupe stimule les
neurones.
Selon les paléontologues, le spécimen trouvé à Buya "pourrait être l'ancêtre direct de l'Homo Sapiens archaïque, apparu voici 200 000 ans" et "l'Afrique serait bel et bien le berceau de la
diversité humaine moderne, actuelle, laquelle aurait commencé il y a quelques 200 000 ans".
Cependant, constatent (et déplorent) les chercheurs, "de grands intervalles restent vides", vides, c'est à dire à combler. Pour que les hypothèses se confirment (ou s'infirment), pour que la
recherche avance, et gagne encore en certitudes, en précision.
Au Danakil, les scientifiques ne se contentent pas de chercher. Ils se montrent, aussi, sensibles au dénuement des populations locales et, tâchent, du mieux qu'ils le peuvent, de leur apporter leur
aide technique .
Leur conclusion : "il faut à tout prix protéger le Danakil pour répondre à la grande question : d'où venons-nous ?".
Un documentaire scientifique de grande qualité, que je salue.
Patricia Laranco.