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Histoire de la famille Tata (3/3)

Publié le 05 septembre 2009 par Olivia1972

Ratan N Tata sera (né en 1937)

Ratan N. Tata, né en 1937, président actuel du groupe, est le fils du premier mariage de Naval H. Tata.

Histoire de la famille Tata (3/3)
En dix ans, il a formaté Tata Group pour partir à l'assaut des marchés étrangers. Il a modernisé, multiplié les revenus par sept sans jamais perdre de vue sa vocation : vendre à une clientèle à faibles revenus et s'investir dans les économies des pays du Sud. Ce n'est pas un hasard s'il a lancé un projet de voiture à 2 200 dollars ou s'il a une forte présence au Bangladesh et en Afrique.


Et pourtant l’histoire de Ratan ne fut pas simple et n’était pas écrite d’avance.

Ratan a grandi dans la demeure de Bombay. Après la séparation de ses parents, il est élevé, avec son petit frère Jimmy, par sa grand-mère. A l'époque, il est conduit à l'école en Rolls-Royce par un chauffeur britannique. Sa grand-mère lui transmet les valeurs du pays. Puis il part étudier à l'étranger et obtient une licence d'architecture à l'université américaine Cornell, avant de revenir au business familial en 1962. Dans les années 70, il complétera sa formation par un Master Business Administration à Harvard.

Ses débuts dans deux filiales du groupe sont laborieux. Du coup, lorsqu’en 1991 il prend la place tenue durant un demi-siècle par JRD, sa légitimité est contestée. On le juge trop effacé, trop hésitant. Dans une Inde qui s'est lancée à corps perdu dans les réformes économiques, Ratan Tata semble mal à l'aise. A la fin des années 90, Tata Steel et Tata Motors sont en crise. Le groupe est la cible de violentes critiques, Ratan Tata est caricaturé. En 1998, le lancement de l'Indica n'attire que des sarcasmes. « Quand il est arrivé avec cette voiture du peuple, tout le monde pensait que ce serait la fin », commente Shekhar Gupta, rédacteur à l'Indian Express. Contre toute attente, pourtant, l'Indica puis l'Indigo vont faire la fortune de Tata Motors.

Et les succès de s'enchaîner, à l'image de Tata Consultancy Services, leader asiatique des

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services informatiques, qui fait un malheur. Le vrai tournant remonte à 2000, avec le rachat, pour 407 millions de dollars, de Tetley Tea, symbole de l'ancien Empire britannique. Tata devient alors le deuxième vendeur de thé au monde. C'est le début d'une série d'acquisitions à l'étranger, du fabricant de café américain Eight O'clock Coffee au sud-coréen Daewoo Commercial Vehicle. « Partout dans le monde, Ratan Tata veut se sentir comme à la maison. » Résultat : avec un chiffre d'affaires de 17,5 milliards d'euros, Tata opère dans 54 pays et génère 30 % de ses revenus à l'étranger. Une dynamique qui vient de culminer avec le rachat par Tata Steel de Corus pour 6,4 milliards d'euros. Une somme jamais déboursée par une entreprise indienne pour reprendre une société étrangère, à l'exception de Mittal pour Arcelor.

«Le Ratan Tata sobre, doux et introverti est désormais perçu comme un businessman agressif et ambitieux », commente Alam Srinivas, du magazine Outlook . Il est vrai que Tata ne perd pas une occasion de vanter sa « stratégie globale ». Sans pour autant ne s'intéresser qu'au business. Car il reste un homme très attaché à un certain humanisme économique et croit à la participation au développement : le holding Tata Sons est détenu à 65,8 % par des organismes de charité. Quant au salaire de Ratan Tata, il est loin derrière ceux des grands patrons indiens. Tata ne leur ressemble pas. Discret, ce célibataire fuit les extravagances. Sans héritiers, il vit seul dans son appartement de Bombay, avec ses deux bergers allemands. Et s'offre parfois un plaisir en faisant une promenade en bateau dans la baie de Bombay. « Pour réfléchir. »

La vision sociale du groupe Tata ou le paternalisme indien

Le développement de ce groupe fut marquée par une forte correspondance entre les intérêts des entreprises et l’intérêt collectif d’un pays sur la voie de l’indépendance. Le cas de Tata est à ce titre exemplaire : proche des élites indépendantistes du Congrès, la famille Tata a voulu inscrire son empire industriel dans le projet d’une nation indépendante et prospère. Cette fibre sociale se concrétisa dans le soutien financier au mouvement indépendantiste, ainsi que par des activités philanthropiques importantes, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et du développement des zones rurales. Jusqu’à la fin des années 1990, environ 12% des profits générés par Tata Steel étaient réinvestis dans des activités sociales. Aujourd’hui, les ONG créés par Tata possèdent 65,8% du capital de Tata Sons et siègent au comité de direction du Groupe. Par ailleurs, Tata adopta dès le départ un modèle de gestion paternaliste, fournissant aux familles de ses ouvriers tous les services de base que l’État n’était pas en mesure d’assurer à ses citoyens (hôpitaux, écoles, bourses d’étude, etc.), appliqua la journée de 8 heures dans ses usines dès 1912, et instaura d’autres avantages sociaux qui furent repris plus tard dans le droit du travail indien.

L’histoire de Tata est loin d’être isolée ; bon nombre d’entreprises qui figurent aujourd’hui parmi les plus importantes en Inde ont été créées avec pour objectifs de servir les intérêts du pays autant que ceux de leurs propriétaires. Ainsi, on compte aujourd’hui environ 200 000 organisations caritatives créées par des entreprises privées en Inde, dans la plupart des cas avant l’accession à l’indépendance en 1947.

En 75 ans, Tata Steel n'a jamais connu un jour de grève. Tata Group, à l'instar de sa filiale, tient à mener une politique sociale au-delà de tout reproche, se sentant toujours investi d'une mission de développement du pays. Le groupe ne se contente ainsi pas de financer écoles et hôpitaux, notamment ceux de sa ville nouvelle Jamshedpur. Quand, dans les années 90, Tata Steel s'est résolu à réduire ses effectifs de 78.000 à 45.000 employés, les 38.000 salariés furent loin d'être laissés sur le carreau. Le groupe s'est engagé à leur payer leur salaire jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de la retraite !

Voilà l’histoire de cette famille qui donna naissance à un des premiers groupes indiens. Des débuts jusqu’à aujourd’hui, le groupe n’a jamais connu d’histoires de famille et il n’y a pas eu de ruptures qui aient mis en danger l’unité du groupe, comme c’est actuellement le cas avec les deux frères Ambani. En revanche, on ne sait pas encore qui reprendra les rênes du groupe car Ratan Tata n’a pas d’héritiers.


Plusieurs observateurs pensent cependant que celui qui succèdera à Ratan Tata sera Noël Tata, le fils de Naval et de Simone. Noël Tata, 52 ans, dirige la branche "commerce de détail" du groupe, branche qu'il a su redresser. Diplômé de l'INSEAD il s'est totalement investi dans les affaires, n'occupant cependant aucun poste de responsabilité important au sommet du groupe.

L’histoire du groupe Tata est profondément liée à l’histoire de l’Inde et c’est sans doute cela qui explique la très forte popularité de la marque. Tata fait partie de la mémoire collective et chaque indien se reconnait dans ce groupe qui symbolise une grande réussite indienne.


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