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Un soufflé au bidon

Publié le 08 septembre 2009 par H16

Alors qu’une nouvelle et passionnante polémique enfle sur la taille des figurants lors des visites de Sarko dans les usines de France, Franck Louvrier va devoir communiquer. Ca tombe bien, il est payé pour ça. Mais apparemment, il ne s’en sort pas trop bien…

Si le nom de Franck Louvrier ne vous dit rien, c’est normal : il s’agit d’un des hommes de l’ombre du président Sarkozy, et à ce titre, ne fait pas (et ne doit pas faire) les gros titres de la presse. On se souvient cependant de lui suite à l’éprouvant billet d’opinion qu’il avait commis sur Hadopi, probablement dans un moment de solitude et d’ébriété, et que j’avais commenté dans ces colonnes.

Cette fois-ci, il n’est pas directement fautif du bazar qui gonfle (encore qu’il porte probablement une part de responsabilité dans l’aventure) mais il a déjà commencé à émettre quelques avis, à dire ce qu’il pense et provoquer l’inévitable appel d’air une fois qu’il a ouvert la bouche.

Toute l’affaire a en effet commencé suite à la visite par Sarkozy d’une entreprise en rase campagne, dans l’Orne. Un journaliste chafouin de la RTBF a remarqué que les employés qui se massaient derrière le président pour lui servir de décor pendant son discours avaient une homogénéité quasi-surnaturelle de taille.

Renseignement pris auprès des dits employés (pas tous de ce site, d’ailleurs), oui, effectivement, il y a bien eu tri sur des critères de taille.

OFRTP-FRANCE-EMPLOI-SARKOZY-20090903

Bon. Ségolène aurait été là, on en aurait conclu à une certaine banalitude : depuis que les conseillers de présidents comptent parmi eux des « cadors » de la com’, chaque détail est réglé au millimètre. En France, il aura fallu attendre un peu plus de temps pour en arriver là, mais ce n’est certainement pas une surprise compte tenu du caractère définitivement people du président et de l’aréopage qui l’entoure.

Mais non : il fallait absolument en faire tout un fromage. C’est que, voyez-vous, l’actualité est d’un calme plat. Sur le plan politique, enquêter sur les petites alliances et les bisbilles de partis n’est pas réellement intéressant ; les nouvelles taxes, c’est déjà vieux jeux, du réchauffé purement climatique ; l’affaire Clearstream, Karachi ou Tibéhirine, c’est d’un ennuyeux ! Les papouilles UMP-Verts, c’est sans intérêt…

Non, ce dont il faut parler, absolument, c’est de la taille des figurants dans les sorties officielles du Président.

Alors quand la RTBF embraye, Rue89 peut passer la 1ère vitesse, Le Post rajoute une couche, et le Figaro Organe Officiel se doit donc de commenter la nouvelle.

C’est ici qu’il est très amusant de constater deux optiques différentes.

La première consiste à utiliser, finement, ce nouveau non-événement pour en arriver à la profonde réflexion que le président français est un gros manipulateur, comme par exemple sur les blogs de gauche qui se jettent donc sur la nouvelle.

Même s’il est vrai qu’il est plaisant de cogner sur le petit Nicolas, il ne faudrait pas perdre de vue que ce dernier ne s’occupe pas de ce genre d’intendance. A la limite, il vaudrait mieux cogner sur Louvrier. D’abord, il est plus dans l’axe de la critique, et ensuite, ses récentes performances (tant oratoires que folliculaires) ne laissent aucun doute sur ses capacités. Le seul intérêt, dans tout ça, est que ça va probablement faire bouillir intérieurement le président, mais ça n’ira pas plus loin.

La seconde optique consiste justement à remarquer que tout ceci ne vaut pas un fromage, et à en faire un petit billet (ce qui est paradoxal, mais rigolo). Je n’échappe pas à la règle : après tout, il faut un peu de facilité de temps en temps, c’est bon pour le moral. On retrouve cette analyse chez Authueil et chez mon confrère Kiwi, le  Chafouin

Le problème, finalement, de ces pleurnicheries sur les manipulations élyséennes, c’est que leur caractère répétitif leur enlève une bonne part de pertinence.

Oui, Sarko manipule, c’est une évidence. Mais quand il le fait dans ce cadre quasiment institutionnalisé d’une visite présidentielle, le rapporter n’offre, finalement, aucun intérêt : tout le monde sait qu’il n’est pas grand, tout le monde sait qu’il aurait l’air moins visible au milieu de personnes d’une tête de plus que lui, surtout si l’un d’eux fait une grimace (même involontaire).

La manipulation, ici, n’est d’aucune importance : personne ne sera assez idiot pour en conclure que dans les entreprises française, le climat social est calme et tous les salariés sont pro-sarkozyste, en plus de ne mesurer qu’un mètre cinquante.

Maintenant, après avoir bien analysé ces poignantes questions de la taille des salariés, qui peut exactement dire ce qui ressort de la visite d’entreprise ? Personne. Mieux : tout le monde s’en fiche complètement. Et c’est finalement là que c’est très fort : le message politique est complètement occulté par les bouffonneries adjacentes.

Aujourd’hui, Il faut fouiller dans les articles du 3 septembre, perdus au milieu des railleries de la presse sur les salariés toisés, pour savoir ce qui s’est passé lors de cette visite au-delà du casting, y découvrir qu’une député s’est fracturée le poignet à cause de l’hélicoptère présidentiel (décidément, l’Elysée ne fait pas les choses à moitié), et que le président a notamment donc déclaré :

« Je sais que cela [ suppression de la Taxe Professionnelle, ndh16 ] fait débat dans la majorité, ça m’est complètement indifférent. Si on ne garde pas d’usines, on n’aura pas d’emploi« .

Et rien qu’à ce sujet, il y aurait eu fort à dire : supprimer la taxe professionnelle semble une bonne chose, mais quand on voit la taxe carbone compensation truc machin climat ou – encore pire ! – la Contribution Economique Territoriale, on conclut que le fléau fiscal va continuer de s’abattre avec toute la force que l’Etat peut déployer pour spolier les pauvres.

Si l’on y ajoute les récentes Taxes sur les Terrains Constructibles (!) et la nouvelle Taxe sur la restauration, on se trouve bien heureux de savoir que Sarkozy n’est pas là pour augmenter les impôts et trop contents de savoir que de vigilants socialistes se rendent compte des subterfuges de taille sur les figurants du podium derrière.

Ouf, j’ai bien cru que nous allions devoir payer encore des ponctions supplémentaires !


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