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Conduire à Buenos Aires

Par Anned

Conduire à Buenos Aires

crédit photo : alex-s

Conduire à Buenos Aires s’avère un exercice infiniment pittoresque ou carrément effrayant, selon que l’on soit d’un naturel philosophe ou non. Pour ma part je m’illusionne avec obstination dans le genre Robin des Routes, qui entend rééduquer le chauffeur argentin Lambda à grands coups de klaxon.

Il faut dire que la priorité à droite semble une vue de l’esprit et les feux rouges sont optionnels. Pour ce qui est des panneaux de limites de vitesse, ils ne servent qu’à la décoration. Les piétons n’ont aucun droit, même quand un feu leur donne apparemment la priorité. Quant aux vélos, ils n’ont ni droit ni devoir. Ils roulent en général à contre sens ou du mauvais côté de la route, et souvent les deux à la fois.

Il vaut mieux ne pas compter sur la police dont les véhicules enfreignent régulièrement les règles les plus élémentaires du code de la route. Et lorsque sous la pression subite et éphémère du pouvoir politique, elle organise des opérations de répression, les agents se positionnent dans la circulation de manière à créer un danger encore plus grand que celui auquel ils entendent remédier.

C’est que l’Argentin moyen confond, au volant comme dans la vie quotidienne, mettre des limites et réprimer. De même qu’on peut faire une soirée dansante, sono à fond, dans son jardin jusqu’à 5h du matin ou laisser son chien aboyer toute la journée dans une maison vide, on renfile les sens interdits et on bouscule les piétons. A la décharge des Argentins, l’histoire leur a souvent démontré que non seulement ils ne pouvaient faire confiance à leurs pouvoirs publics pour les protéger, mais encore qu’il était sage de s’en méfier. Cela me saute très concrètement aux yeux chaque fois que je passe par ce grand rond-point tout près de chez moi.

Comme sur les nôtres, sont sensés avoir la priorité ceux qui roulent sur la chaussée circulaire autour de l’îlot central. Or, malgré l’abondante signalisation en place, les véhicules rentrent sur le rond-point sans regarder, pour piler net à la hauteur de l’entrée suivante et laisser la priorité aux nouveaux entrants. Le résultat est imparable : sensé fluidifier la circulation, le rond-point crée un embouteillage pire encore que des feux tricolores classiques. Quant à ceux qui comme moi autrefois tentent de respecter la signalisation en place, ils se font putear (traiter de tous les noms). Maintenant j’évite ledit rond-point, c’est mieux pour ma santé nerveuse, et ma santé tout court.

Sur l’échelle du pire, les petites voitures noires et les grosses 4x4 sont proches du sommet. On sent que leurs conducteurs ne se situent pas au même niveau que le commun des mortels. Ce sont eux qui grillent les feux rouges, bousculent les piétons et slaloment à grande vitesse d’une file à l’autre sur les avenues encombrées.

Mais, plus surprenant, j’ai maintes fois vérifié qu’une autre catégorie de chauffards, de chauffardes devrais-je dire était à redouter : les vielles dames distinguées qui conduisent sans lunettes, par coquetterie j’imagine. La poitrine plaquée contre le volant de guimbardes à peine plus récentes qu’elles, elles klaxonnent tout ce qui bouge en faisant de brusques écarts, incapables qu’elles sont d’évaluer correctement les distances.

Dans ce pays, la notion de bien commun n’existe pas. Alors pour le concept de mise en danger d’autrui, prière de repasser dans un siècle ou deux !


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