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Le procès Clearstream va-t-il générer une communication à contre-courant de nature à créer une mode Villepin à l'opposé de la volonté présidentielle ? La question se pose progressivement avec une acuité forte.
Ce procès présente 5 caractéristiques majeures qui le rendent particulièrement imprévisible.
1) Dans l'opinion, l'image de marque de la Justice est désormais altérée a fortiori lorsqu'elle intervient pour juger des "puissants". Il est donc probable que l'ancien Premier Ministre ne parviendra pas à voir son innocence reconnue comme il peut l'espérer. Mais tout autant, il est aussi probable que le Président ne parviendra pas à obtenir une reconnaissance de culpabilité aussi forte que ce qui peut le motiver dans des circonstances aussi extraordinaires.
2) Mais, il ne faut pas confondre la marque et le packaging. Le packaging (la procédure) sera complexe, contradictoire donc avec une faible lisibilité à terme. En revanche, la marque (Dominique de Villepin) va pouvoir s'installer avec une valeur ajoutée forte : être reconnu comme le rival le plus redouté du pouvoir. L'évolution des jeux de pouvoirs a conduit l'opinion à installer de nouveaux rôles : la victime supposée d'hier est le tout puissant d'aujourd'hui alors que le puissant d'hier est la victime d'aujourd'hui. Le potentiel de compassion est donc inversé.
3) Par ce procès, en institutionnalisant son rival, Nicolas Sarkozy clarifie l'embouteillage des offres. Il consolide la " marque " de son rival puisque le propre d'une marque c'est d'être capable de faire vivre une différence. Là, il installe Dominique de Villepin comme la référence de l'anti-sarkozy. Ceux qui demain voudront se démarquer du Chef de l'Etat, le sanctionner, sauront que le choix le plus efficace pour manifester leur opposition c'est de soutenir Dominique de Villepin. Comme hier, les électeurs déçus de Jacques Chirac se sont rangés derrière Nicolas Sarkozy pour offrir un chemin au changement alors souhaité.
4) Dominique de Villepin va bénéficier d'une tribune pour montrer son courage, pour exposer ses principes. Il la saisira avec talent parce que personne ne peut contester un talent hors du commun. C'est l'indifférence qui était l'arme la plus redoutable face à une personnalité aussi talentueuse. Ce n'est pas l'exposition. S'il devait être condamné, presque chacun est déjà pour partie convaincu que la décision ne serait pas le "pur produit" d'un dossier exclusivement juridique que d'ailleurs plusieurs autres protagonistes ont déjà efficacement (volontairement ou pas ?) contribué à rendre plus rocambolesque que réellement préoccupant.
5) Une élection se gagne désormais par des profils totalement clivants. Si le pouvoir présidentiel est populaire, il est reconduit. Si le pouvoir présidentiel est impopulaire, la victoire va au profil le plus clivant. Or l'ambiance face au bilan présidentiel évolue significativement. Presque toutes les initiatives présidentielles sont désormais rejetées par l'opinion comme si la mode était maintenant d'être contre même au point où les solutions techniques contre la grippe sont rejetées parce que la parole officielle elle-même est prise ... en grippe.
Si ce procès intervenait dans le droit des affaires, ce serait probablement le moment pour acheter des "actions Villepin" car la tendance au rebond est inscrite dans le positionnement des deux marques en présence.