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Les bonus : face émergée de l’iceberg des hauts revenus

Publié le 03 septembre 2009 par Monthubert

Depuis plusieurs années, les scandales sur la rémunération de certains dirigeants d’entreprises, ou traders, se succèdent. On pointe du doigt ceux qui empochent des sommes mirobolantes en quittant une entreprise qu’ils ont menée au bord de la faillite, ceux qui s’enrichissent au moment où la crise est un désastre pour ceux qui perdent leur emploi, se retrouvent au chômage technique, perdent leur logement… On s’épouvante de l’immoralité de ceux qui se distribuent des bonus dans les banques avec l’argent qui a été donné par l’Etat. Et Nicolas Sarkozy est trop heureux de pouvoir jouer les Zorros, à grands coups de menton, sommant les uns et les autres d’adopter une attitude morale, de signer des chartes, et de convoquer les banquiers à l’Elysée. Ciel, cela doit être effrayant d’être banquier face à un tel justicier !

Cette manière d’aborder le problème est du pain béni pour ceux dont la politique a favorisé ces pratiques. Car elle élude une question plus large : comment réduire les inégalités de revenus aberrantes que nous connaissons aujourd’hui ?

Le problème des bonus ne se pose pas seulement parce que l’Etat a dû renflouer les banques. Le problème de la rémunération des patrons ne se pose pas seulement quand ils ont échoué. Ces problèmes sont ceux du niveau de rémunération maximal : est-il légitime que certains individus, quelles que soient leurs qualités ou faiblesses, gagnent en un mois plusieurs années de SMIC ? Souhaitons-nous une société où les écarts de revenus explosent ? C’est évidemment une question gênante pour le pouvoir actuel, qui a légitimé les hautes rétributions en mettant en place le bouclier fiscal car il considère comme injuste (sic) que quelqu’un puisse avoir, après impôt, moins de la moitié de ce qu’il a gagné.

La réponse de la droite n’est qu’un écran de fumée : en convoquant les banquiers à l’Elysée, Nicolas Sarkozy les a fait s’engager à ce que les bonus des traders tiennent compte en partie de la solidité de leurs résultats dans le temps. La belle affaire ! C’est quand même avec l’argent public que les banques se sont renflouées, et des rémunérations de plusieurs millions d’euros resteront courantes dans ce milieu ultra-riche. Et on pourra inventer tous les systèmes de régulation qu’on voudra, on montera des usines à gaz auxquelles personne ne comprend rien, pour éviter de parler de la mesure efficace, qui concerne enfin l’ensemble des rémunérations excessives : l’impôt.

Car pour réduire les inégalités, ce qui est l’objectif des socialistes, l’impôt sur le revenu s’impose comme l’outil de référence. A tel point que pendant la campagne électorale présidentielle, de nombreux économistes avaient lancé un appel en faveur de l’impôt sur le revenu.

La fameuse réforme fiscale sans cesse évoquée, et sans cesse reportée, doit enfin être définie. Elle doit permettre une nouvelle répartition de la fiscalité en abaissant la fiscalité non-progressive au profit de la fiscalité progressive. Elle doit exprimer ce que la société accepte comme rémunération maximale. Il est frappant de constater que dans les dispositifs complexes mis en place dans plusieurs pays pour limiter les bonus, la somme de 500 000 euros par an constitue un plafond symbolique commun. Alors proposons de considérer qu’au-delà de 500 000 euros par an (ce qui est déjà énorme !) le taux marginal d’imposition soit de 90 à 100%. Ainsi, la question des surrémunérations disparaîtra d’elle-même : soit les entreprises limiteront ces rémunérations, car elles ne profiteront plus à leurs destinataires au-delà du plafond, soit elles continueront et l’argent ira dans les caisses de l’Etat ce qui permettra d’assurer la redistribution nécessaire.

Cette idée n’est ni neuve, ni révolutionnaire. Roosevelt a très fortement augmenté le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu comme le rappelle l’économiste Thomas Piketty. Mais pour être efficace, il faut l’adopter au niveau européen. D’où la nécessité de la mise en place d’un début de règles fiscales communautaires. Nicolas Sarkozy s’est vanté du bilan de la présidence française de l’UE, mais on n’a rien vu de neuf sur les terrains importants – c’était une présidence de communication, pas de reconstruction.


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