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Entretien entre Pierre Lambicchi et Sophie Coignard

Publié le 12 septembre 2009 par Lamech @fmgadluinfo

9782354170608Dans l’Express, Pierre Lambicchi, Grand Maître du Grand Orient de Francen,  s’exprime sur son prochain livre “Les Loges de la République” qui doit paraître courant septembre 2009.

Et, pour l’occasion,  il se retrouve face à Sophie Coignard (auteur de “Un Etat dans l’Etat”) : interview ou entretien choc ?

L’article titré “Les Francs-Maçons en pleine  Lumière ?” se révèlent un petit brûlot entre les deux protagonistes : une sorte de petit ping-pong verbal fort intéressant :

Source : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-francs-macons-en-pleine-lumiere_786275.html

Livre contre livre! Le grand maître du Grand Orient, Pierre Lambicchi, accuse la journaliste Sophie Coignard d’utiliser des arguments fascistes en critiquant le secret d’appartenance à une obédience. Pour L’Express, ils s’expliquent.

Dans votre livre, vous accusez Sophie Coignard d’avoir utilisé dans son dernier ouvrage des arguments proches du fascisme. Pourquoi?

Pierre Lambicchi: Parce qu’elle réutilise les vieux arguments qui ont provoqué l’interdiction de la franc-maçonnerie et l’obligation pour les fonctionnaires de révéler leur appartenance entre 1940 et 1944. Lorsqu’elle écrit qu’un être est forcément malhonnête parce qu’il est franc-maçon…

Sophie Coignard:…Je n’ai jamais écrit cela, monsieur le Grand Maître…

P. L.: …Vous écrivez que lorsqu’un magistrat maçon juge un mis en examen maçon, avec un avocat maçon et un expert judiciaire maçon, le jugement sera nécessairement biaisé.

S. C.:La décision est soupçonnable.

P. L.: Vous ne pouvez pas dire que tous les maçons ne sont pas vertueux, sous prétexte que quelques-uns ne le sont pas. Votre argumentation contre la maçonnerie est celle de l’Action française et du maréchal Pétain.

LEXPRESS/Dayan

Sophie Coignard, journaliste, auteure d’Un Etat dans l’Etat, chez Albin Michel.

S. C.: C’est la première fois que je me fais traiter de fasciste! Quelle est la thèse de mon livre? On s’engage en maçonnerie à un âge adulte, c’est un acte volontaire, et l’adhésion à un réseau social ne doit pas se faire en se cachant derrière le secret d’appartenance. Ce fonctionnement est unique en France. On me cite régulièrement les catholiques, alors qu’il est possible d’entrer librement dans les églises, ce qui n’est pas le cas dans les temples maçonniques, où il faut prononcer des mots de passe pour être admis. Sans le secret d’appartenance, la franc-maçonnerie serait un réseau social comme un autre. Et vous me traitez de fasciste tout en prônant à longueur de temps la tolérance et l’écoute d’autrui!

P. L.: Je ne vous ai pas traité de fasciste, mais je critique votre conduite fasciste. Car vous reprenez les termes et les arguments des opposants de la maçonnerie depuis son existence, notamment ceux de l’Etat de Vichy. Le secret d’appartenance, chaque franc-maçon en est maître. Si vous révélez qu’Untel est membre d’une obédience alors qu’il ne le souhaite pas, c’est de la délation. Un directeur général de laboratoire pharmaceutique appartenant à une famille catholique intégriste aurait été licencié si son adhésion au Grand Orient avait été connue.

Il y a en France un antimaçonnisme qui persiste et, même, se développe. Vous nous accusez sans preuve d’avoir altéré le fonctionnement démocratique de la République. Vous ignorez la majeure partie des maçons, honnêtes, qui ne sont ni commissaires de police, ni inspecteurs du fisc, ni magistrats, ni ministres, qui ont droit à la protection de leur vie privée, de leur jardin secret. Jadis, on apprenait qu’un homme était maçon le jour de sa mort, ce que même sa femme et ses enfants ignoraient. Vous affirmez que tous les hauts fonctionnaires et les ministres francs-maçons devraient se révéler. S’ils le souhaitent, ils le font, et c’est en général ce qui se passe.

S. C.:Tous les hommes politiques maçons se déclarent avec un sens de la transparence effréné? Comment osez-vous prononcer une telle contre-vérité?

P. L.: La plupart des élus locaux ne cachent rien, car on ne peut pas fréquenter sa loge sans être vu.

LEXPRESS/Dayan

Pierre Lambicchi, grand maître du Grand Orient, publie Les Loges de la République, aux éditions du Moment (en librairies le 10 septembre).

S. C.: Etre considéré comme un réseau social et d’influence vous déplaît. Et de nombreuses affaires prouvent que le secret d’appartenance falsifie le fonctionnement de la démocratie. Par exemple, lorsque des policiers francs-maçons ne demandent pas à être dessaisis d’une affaire dans laquelle ils enquêtent sur des frères.

Il y a aussi les conflits d’intérêts dans des juridictions, notamment des tribunaux de commerce. On ne peut pas compter sur la vertu individuelle de chacun. Lorsque deux frères fréquentent la même fraternelle et sont acteurs dans la même affaire judiciaire, n’y aura-t-il entre eux aucune connivence? Pour un magistrat franc-maçon, qui va l’emporter, son serment judiciaire ou la solidarité avec ses frères?

P. L.:Vous répétez dans votre livre qu’un juge franc-maçon peut manquer d’éthique, et le grand public en déduit que c’est le cas pour tous les magistrats initiés. Comment juge un catholique? Sa vision de la vie, dans les affaires familiales notamment, ne va-t-elle pas influencer son jugement?

Pensez-vous qu’un magistrat franc-maçon doive se faire remplacer pour juger un frère?

P. L.: Si le juge est incapable de respecter les lois de la République, non seulement il doit se déporter, mais il doit changer de métier.

S. C.:Sauf qu’une telle décision n’est jamais prise.

P. L.: Votre raisonnement s’applique plutôt aux juges catholiques. Par exemple, dans une grande ville de province, une magistrate croyante juge très sévèrement les affaires de divorces.


S. C.:Mais sa religion est connue, alors que la plupart des maçons cachent leur appartenance.

P. L.: Pour une majorité de frères honnêtes, la franc-maçonnerie est un projet, un mouvement de vie, qui ne leur donne aucun ordre. Vous faites un mauvais procès à la maçonnerie, à partir de quelques déviances.

S. C.:Mais, alors, expliquez-moi pourquoi, si je demande à des ministres, des députés, des sénateurs, des hauts fonctionnaires, des directeurs d’entreprise publique, des magistrats ou des policiers de haut rang s’ils sont francs-maçons, dans 19 cas sur 20, ils mentent. Ils n’assument pas, alors qu’ils exercent une fonction de pouvoir. Ne pas mentir, répondre honnêtement ne leur nuirait pas.

P. L.:Ils ont le droit de ne pas avoir envie de répondre. Il y a bien des aspects de votre vie privée que vous ne souhaitez pas dévoiler! Si l’appartenance au Grand Orient d’un député d’une circonscription catholique de droite était connue, il ne serait pas réélu! Il m’est arrivé de ne pas être reconduit sur la liste des experts judiciaires parce que je suis maçon.

Par deux fois, la Cour de cassation a jugé que l’appartenance à la franc-maçonnerie ne relevait pas nécessairement de la vie privée.

P. L.: Nous avons le droit de ne pas être d’accord avec la Cour de cassation. Nous ne faisons pas que du droit, mais de l’humanisme. Rien ne peut obliger quelqu’un à accepter la révélation de sa vie privée. Le secret s’est imposé à nous en raison des accusations de “complot judéo-maçonnique”. N’oubliez pas que Pétain a fait voter les lois antimaçonniques avant celles contre les juifs. Dans les années 1930, l’Action française nous accusait de faire le malheur de la République.

S. C.: Nous sommes en 2009, la société a changé, elle s’est ouverte. La Ve République est bien loin du régime de Vichy. Je demande juste que les personnes exerçant des fonctions de pouvoir ne mentent pas sur leur appartenance à la franc-maçonnerie. En Grande-Bretagne, les hauts fonctionnaires et les magistrats ont l’obligation de déclarer leur adhésion à une obédience.

P. L.: La franc-maçonnerie anglo-saxonne est différente de la nôtre. Les Britanniques indiquent leur appartenance dans leur curriculum vitae depuis très longtemps. En France, employons d’autres méthodes, ne créons pas d’obligation légale de délation!

S. C.: Alors ne cachez rien s’il n’y a rien à cacher! Des frères eux-mêmes pensent qu’il faudrait en finir avec le secret d’appartenance, qui entraîne la suspicion, le conflit d’intérêts. Pour eux, le secret ne sert qu’à préserver un réseau d’influence.



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