
Las, ce ne sont que fracas de guerre et de violences, tueries, meurtres, viols, et même, parfois, insolences. Il est des fois où le poids de l’âge vous semble bien léger à porter, et la retraite, une bénédiction. J’apprends avec horreur que mes compatriotes sont touchés à nouveau par une terrible épidémie de grippe espagnole, telle que je l’ai connue, bambin. Je n’en ai nul souvenir, mais ma nénène (paix à son âme bienveillante) m’a raconté, enfant, les ravages que cette terrible maladie causât à notre chère patrie créole (bien qu’il semble que cette fois-ci, la maladie ait un rapport avec le cochon. De mon temps, on mangeait peu de viande, et nous ne en portions pas plus mal).
On se demande bien ce que le gouverneur attend pour agir, tandis que s’amoncellent dans les rues les linceuls, les cadavres noircis que même les forçats n’enterrent plus.
J’en appelle, du haut de ma modeste expérience de vieux créole, ingénieur des usines à cannes à la retraite, aux autorités pour enrayer ce terrible fléau.
Il n’est qu’à rouvrir les lazarets de la Grande-Chaloupe, pour y abriter les malades contaminés, et ainsi protéger des miasmes funestes la population encore épargnée. En quelques heures, cette action salvatrice pourrait prendre effet. D’autre part, il convient, dès maintenant, de mettre les navires qui abordent en baie de Saint-Paul ou au Port des galets en quarantaine. Afin d’empêcher que des passagers contaminés n’ajoutent à notre malheur. Enfin, il faut, mesure énergique mais nécessaire, réquisitionner les prisonniers du pénitencier pour qu’ils passent à la fumée tous les lieux contaminés. Trois décisions à mettre en œuvre au plus vite. Monsieur le gouverneur, vous qui avez avec vigueur mis un terme aux barrages de route par les charretiers, prenez aussi vos responsabilité face à l’épidémie. Dont, j’en suis sûr, notre chère colonie se relevera, meurtrie mais fière, comme elle s’est relevée de tant de cruelles épreuves.
Le Vieux Papangue