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Québec - Comment François d'Assise nous apprend-il à prier ?

Publié le 15 septembre 2009 par Hermas
Nous tenons à remercier le Frère Pierre Charland, ofm, de nous avoir autorisé à publier ce texte dont il est l'auteur. Nous en profitons pour vous signaler le site très attrayant des franciscains du Canada, que l'on peut consulter avec le plus grand intérêt ICI.
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Comment François d’Assise nous apprend-il à prier aujourd’hui?

La prière engage le cœur, la sensibilité, et l’ensemble des ressources intérieures de l’être humain. En ce sens, s’intéresser à la prière de François d’Assise exige que l’on se penche sur sa sensibilité particulière, pour tenter de relever des indices du chemin particulier qu’il a emprunté pour entrer en relation avec Dieu. Dans les quelques paragraphes qui suivent, j’explore trois manifestations de la sensibilité particulière de François d’Assise, qui peuvent peut-être nous inspirer une prière plus vivante, aujourd’hui.

La musique et le chant

L’un des lieux-phares qui met en lumière l’importance de la sensibilité dans la prière de François, c’est son rapport à la musique. Autant le petit pauvre d’Assise était prompt à se priver, à faire preuve de frugalité et de modération, autant il n’hésita pas à réclamer de la musique pour s’élever le cœur et l’âme.

Ainsi, étant gravement malade des yeux, il appela un jour un de ses compagnons qui avait été musicien et lui demanda de lui jouer de la cithare pour soulager sa souffrance. Or le frère refusa, craignant de sombrer dans la frivolité. Mais la nuit suivante, François veillait et priait lorsqu’une cithare fit entendre un son merveilleux qui devint une magnifique mélodie. On ne voyait personne, mais on pouvait suivre au son les allées et venues du cithariste. Un frère qui a entendu François raconter cet épisode affirme que «la douce chanson fut un tel bonheur pour le saint tendu vers Dieu de toute son âme, qu’il se crut parvenu dans l’autre monde» (1). Privé de musique humaine, François avait été consolé dans la prière par une musique céleste.

François se disait Troubadour du Grand Roi, et il contribua à populariser des chants de Noël accessibles et simples, pour encourager le peuple à proclamer les louanges de Dieu. Réunis autour de la crèche, les frères et les gens du peuple dansaient et chantaient en célébrant Noël. Pour François, la musique et le chant étaient des formes privilégiées de prière. Un de ses premiers biographes rapporte que «la très douce mélodie qui chantait dans son cœur s’exprimait au dehors sur des paroles françaises et ce que Dieu lui murmurait furtivement à l’oreille éclatait en joyeux cantiques français» (2). La musique de l’Esprit n’animait pas seulement son cœur, mais débordait par de joyeuses louanges chantées, psalmodiées ou dansées.

Prier avec la Nature

À mesure que s’est affinée la sensibilité de François, sa conscience spirituelle s’est amplifiée et il s’est découvert frère universel, lié à tous les éléments de la création. Le troubadour d’Assise se reconnaissait non seulement de la même famille que le brigand, le lépreux ou le sultan, mais aussi que le soleil, la lune, l’eau, les étoiles... Cette sensibilité particulière a trouvé son expression dans le Cantique de frère soleil que François composa au soir de sa vie alors qu’il était aveugle et souffrant. Dans cette magnifique prière, François exprime le grand élan d’amour qui habite son cœur. Sa louange célèbre la beauté du monde et s’adresse à toutes les créatures, qu’il reconnaît comme des frères ou des sœurs. La conscience qu’avait François de l’interrelation entre toutes choses a donné naissance à une prière poétique, cosmique, qui nous parle encore aujourd’hui.

Le Cantique de frère soleil témoigne d’un homme ouvert à son être total, en qui les forces de la vie et du désir sont intégrées et devenues des sources d’amour. Cette sensibilité particulière jaillit de la pauvreté que François a vécue non seulement par rapport aux biens de ce monde, mais surtout au cœur même de sa relation à Dieu. Né à son identité véritable, François a laissé Dieu être Dieu et s’en est remis totalement à Lui. Cela l’a conduit à voir dans les éléments de la création des reflets de la beauté du Créateur.


La voie du détachement

Fils d’un riche marchand, François comptait parmi la classe dominante de son temps. Son expérience spirituelle l’a toutefois conduit à se rapprocher de ceux et de celles auxquels le Christ s’est identifié de façon particulière : les pauvres, les petits, les exclus. À mesure que la prière l’a confirmé dans une identité de frère universel, il est allé vers des hommes et des femmes dont il se tenait jusqu’alors éloigné, qu’il n’avait pas voulu voir, qu’il avait exclu de son monde. Aussi, le secret de la joie qui a habité sa prière tient peut-être à son sens profond de la fraternité. Pour lui, il n’y a qu’en acceptant de faire une juste place à chacun(e) – en résistant à la tentation de juger, d’écraser, de dominer – que l’être humain s’ouvre à la plénitude de l’action de l’Esprit Saint.

Dans sa Règle de vie François écrit : «Que tous les frères s’appliquent à suivre l’humilité et la pauvreté de notre Seigneur Jésus-Christ et qu’ils se rappellent que du monde entier nous ne devons rien avoir d’autre que ce que dit l’Apôtre : si nous avons des aliments et de quoi nous couvrir, nous en sommes contents.» (3) Voilà un antidote efficace aux courses frénétiques à la première place – à notre obsession du pouvoir et de l’avoir – qui minent l’intériorité de tant d’hommes et de femmes. À partir du détachement que prône François, s’ouvre un espace, une disponibilité : un temple intérieur habité par le Seigneur Dieu Trinité.

Les écrits du mendiant d’Assise témoignent d’une prière confiante, où l’Esprit coule comme une source (4). Aussi, son exemple nous inspire aujourd’hui non seulement à nourrir notre prière de beauté et de musique, mais aussi à nous engager résolument dans la société qui est la nôtre, en solidarité avec tous ceux qui sont mis de côté par un monde avide de gains, de conquêtes, et de gloires éphémères.

Fr. Pierre Charland ofm


(1)II Cel., 126.

(2) II Cel., 127.

(3) 1 Reg 9,1.

(4) On retrouve l’ensemble des prières de François d’Assise dans le recueil Claire et François d’Assise, publié aux Éditions du Cerf (Collection «Foi Vivante», no. 255, 1991).


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