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Limites, dangers, droits et devoirs du jury populaire

Publié le 13 octobre 2007 par Kalvin Whiteoak

Limites, dangers, droits et devoirs du jury populaireOn apprend avec stupéfaction le verdict de condamnation de Jean-Maurice Agnelet à 20 années de prison pour assassinat (en français, meurtre avec préméditation) et ceci pour des faits dont la presse parle depuis des années mais qui ont eu lieu il y a trente ans maintenant. La fameuse affaire du Casino Ruhl à Nice et la disparition d'Agnès Le Roux.

Cette condamnation a été prononcée par un jury populaire de la Cour d'Assises d'appel des Bouches-du-Rhône, et se trouve être conforme aux réquisitions de l'avocat général.

Pourquoi ce billet: non pas pour prendre position pour ou contre Agnelet, on ne le connait pas, on connait l'affaire à travers les médias, mais surtout ce que l'on sait c'est qu'au moment de la rédaction de ce billet, personne n'est en mesure de dire s'il y a une victime dans cette affaire, le corps ou la trace de quelque délit que ce soit n'ayant jamais été retrouvés.

Les juges au pénal adorent se draper dans leur intime conviction (pas besoin de justifier ni d'expliquer pourquoi ils condamnent, une sorte de pouce tourné vers le bas à la manière de César). Il en va de même de jurés, à qui on explique ce que c'est, à savoir qu'ils doivent mesurer la culpabilité éventuelle en leur âme et conscience, sur la base d'un dossier et des débats.

Traduit en langage simple, le juré de base comprend qu'il est tout à coup investi du droit de vie et de mort sur l'accusé, sans que ce même juré ait à justifier en quoi que ce soit son vote, puisqu'il s'agit d'un vote pur et simple qui conduit à l'acquittement ou à la condamnation et qu'il n'a pas plus qe le juge l'obligation de s'expliquer.

On ne connait pas l'âge des jurés dans cette affaire, mais certains n'étaient surement même pas nés au moment des faits. Agnelet a bénéficié d'un non-lieu, puis d'un acquittement aux assises en première instance et c'est sur la base de quelques tours de passe-passe juridiques que la famille plaignante a réussi à le faire rejuger. Et là, coup de théâtre, il est soudain complètement coupable….. mais personne ne sait et ne saura pourquoi car on peut faire confiance au greffier rédacteur pour n'indiquer qu'une chose dans son arrêt : "la Cour a acquis l'intime conviction qu'Agnelet était coupable et donc l'a condamné sur la base d'un faisceau d'indices concluants" ça ne veut strictement rien dire, mais point à la ligne.

Personne ne saura jamais pourquoi, car il n'y a pas de pourquoi justifiable et défendable dans de telles circonstances. On a tué l'accusé sans cadavre, sans preuves, sans aveu, mais sur la base de différents indices qui laissent à penser qu'il aurait pu avoir quelque chose à voir avec la mort de son ancienne maîtresse, à condition que l'accusation en apporte au moins quelques débuts de preuves matérielles, ce qu'elle n'a visiblement pas fait non plus.

Un jury populaire a le droit de juger, il en a aussi le devoir. Mais ce même jury a le devoir absolu de respecter les principes généraux du droit: en particulier que lorsqu'un doute existe, ce dernier doit impérativement profiter à l'accusé, même si ce doute est minime. Or dans cette affaire tout est douteux, à commencer par le fait que la victime n'est peut-être pas morte … ça fait quand même un peu léger pour enfermer quelqu'un pour 20 ans, aussi antipathique puisse-t-il paraître.

Et c'est tout un enseignement et une pratique que de juger sur la base d'une intime conviction, ce n'est pas simplement un exercice facile. Laisser ainsi aux mains de Monsieur ou Madame tout le monde le sort d'un acccusé est un non-sens juridique, que l'on soit en France ou en Suisse. Au lieu d'avoir avec cette institution une vraie justice du peuple, on obtient une simple mais gravissime curée people. Ce n'est pas le sens de la loi qu'il faut impérativement changer.

Enfin, le concept d'intime conviction quant à lui doit disparaître du droit positif et de la jurisprudence. Il est trop flou et ouvre la porte toute grande à n'importe quel excès.


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