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Les pipeauteurs politiques

Publié le 16 septembre 2009 par Argoul

La politique est un art difficile, il s’agit d’entraîner la majorité de ses concitoyens vers un projet collectif. Mais cela est la « grande politique » comme de Gaulle l’a appris aux Français. La « petite » politique passionne bien plus les politiciens que la grande, cette « petite soupe cuite à petit feu dans leur petit coin », que stigmatisait le même de Gaulle. Il était en cela pédagogue puisqu’à un demi-siècle de distance, on retient ses leçons. La « petite » politique, ce furent hier les débats d’Assemblée, dont est morte la IVe République – ce sont aujourd’hui les « petites » phrases médiatiques et les postures du style « retenez-moi ou je fais un malheur ». Il s’agit d’être ‘people’ (c’est-à-dire proche des gens, à leur niveau, tout comme eux), il s’agit aussi de faire le malin (à la Berlusconi ou Poutine, de jouer avec le pouvoir pour montrer sa maîtrise).

La rentrée politique nous offre cette semaine deux exemples de pipeautage politique à droite comme à gauche. Définissons le ‘pipeau’ comme cette flûte ensorcelante de Hamelin qui fascine les rats et les conduit où le joueur veut. Cette légende du moyen-âge montre que l’art du pipeautage remonte à loin : les dés étaient déjà pipés avant Nicolas ou Ségolène.

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Car le président Sarkozy fait le malin. Coup médiatique à droite : réguler l’immigration légale. Pour cela, les tests ADN afin de contrôler le regroupement familial. N’ayons pas peur des mots, il s’agit que les enfants des quatre femmes ou plus des musulmans d’Afrique soient bien du père qui réclame de les faire venir. Émoi, scandale, en bref on discute au Parlement – c’est ça la démocratie – et une majorité se dégage pour assortir les tests de conditions juridiques respectant les droits de l’homme et les principes constitutionnels français. On peut avoir son opinion sur l’établissement de tels tests, les formes démocratiques ont été respectées et c’est là ce qui compte – car une loi contraire peut défaire ce qu’a fait une loi. L’alternance, c’est aussi ça la démocratie.

Or, coup médiatique au centre-gauche : le ministre Eric Besson (après accord du président…) ne signe pas le décret d’application pour cause qu’il est inapplicable. En bonnes formes démocratique, il faudrait alors revenir au Parlement pour approfondir les critères d’application et élaborer des lois qui ne soient pas comme trop souvent des usines à gaz. Au lieu de cela, le président Sarkozy fait le malin : il déclare que de toutes façons il l’avait dit, que de tels tests seraient trop complexes pour être efficaces. Il se dédouane donc à gauche en flouant clairement ses électeurs de droite. Le Pen n’est-il pas cacochyme et son courant tari dans les sables ?

C’est dire aux Français que la politique est du pipeau intégral et que s’applique la formule de l’ineffable Chirac : « les promesses n’engagent que ceux qui les croient ». Sûr qu’après ça ils vont lui faire confiance, au président…

Vont-ils se tourner vers l’opposition ? On voudrait bien mais…  La palinodie des vrais-faux électeurs militants du PS au Congrès de Reims en fait douter. On croyait l’affaire faite, la polémique enterrée. Il suffit que deux « journalistes » écrivent un livre rappelant les faits d’il y a un an, plus ou moins avérés, pour que la Candidate s’emballe et fasse la morale à tout le monde : quoi, dans un état de droit ? quoi, au parti « socialiste » ? quoi, personne ne saisit la justice ? On allait voir ce qu’on allait voir ! Évidemment au 20h de TF1, paradoxalement sur la télé privée des « copains de Sarkozy », à qui soi-disant le président aurait fait une fleur en supprimant la pub à la télé publique (comme le réclamait d’ailleurs la gauche depuis des années…). Et on a vu… La déclaration « solennelle » (comme la communion ?) a « fait pschitt » (selon un autre mot de Chirac, expert en manipulation).

Non seulement Ségolène Royal ne fait rien – après avoir menacé de prendre toutes ses responsabilités – mais elle incite en sus la direction du PS de faire sa régulation elle-même. Comme si on demandait aux banquiers de réguler leurs bonus, ou au gamin d’ôter ses doigts du pot de confiture pour le remettre sagement au placard. Sinon quoi ? L’ogresse viendra les manger ? Mais l’ogresse ne cesse de faire flop et de rester au ras de la « petite « politique, sans présenter aucun projet collectif crédible. Toute en contradiction : morale pour les banquiers, mais pas pour les socialistes ; les premiers, il faut les réglementer, les seconds, on se contente de déplorer. Et elle fait le malin : si la première secrétaire du PS n’engage pas d’action en justice, c’est que les faits sont vrais…Petites vacheries entres amies.

C’est répéter aux Français que la politique est du pipeau intégral et que la formule de l’ineffable Chirac est donc vraie : « les promesses n’engagent que ceux qui les croient ». Sûr qu’après ça ils vont lui faire confiance, à la candidate…

Voir chez Jean-Louis « Plus de gants, on bourre les urnes »

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