Je profite de l'actualité de la semaine (la remise du rapport sur les indicateurs de croissance lundi) pour faire un petit billet sur le sujet à partir d'un exemple préçis: le cas de l'Irlande.
1) en prenant comme critère le PIB par habitant, l'Irlande apparaît comme une économie relativement prospère: les richesses par habitant exprimées en $ (en parité de pouvoir d'achat) s'élèvent à 45 500 $ par irlandais en 2005 contre 34 145 $ en France (soir 25 % de moins) (voir source ici)
2) en terme d'évolution, là encore, on retrouve cette idée à travers ces documents (les richesses par habitant sont exprimées par rapport au PIB / habitant français qui constitue donc la base 100)
La progression est spectaculaire...à tel point que l'on a qualifié l'Irlande de "tigre celtique" en la présentant comme un modèle économique (plutôt d'inspiration libérale voir source des documents). Ce qui alimente la thèse du déclin de la France...
Pourtant, en parcourant le rapport stiglitz sur les indicateurs de la croissance, je tombe sur ce graphique (page 27)
Ce n'est plus du tout la même tendance que l'on voit se dessiner !
Comment expliquer cet écart ?
L'explication provient du fait que l'on n'utilise pas les mêmes indicateurs économiques.
Approfondissons en citant le rapport en question (page 27):
"Dans un contexte de mondialisation, il peut y avoir de grandes différences entre les revenus des habitants d’un pays et les mesures de la production nationale, les premiers étant, de toute évidence, plus adéquats pour mesurer le bien-être de la population.
Nous aurons l’occasion de faire valoir que le secteur des ménages est particulièrement à considérer dans nos analyses et que pour les ménages, il est beaucoup plus approprié d’appréhender les choses en termes de revenus qu’en termes de mesures de la production. Une part des revenus engendrés par les activités des résidents est envoyée à l’étranger tandis que certains résidents perçoivent des revenus de l’étranger. Ces flux sont pris en compte par la notion de revenu disponiblenational net, agrégat que l’on trouve déjà dans les systèmes de comptabilité nationale.
Le Graphique 1.1 ci-dessous montre la baisse des revenus de l’Irlande par rapport au PIB du pays, traduisant le fait qu’une part croissante des bénéfices est rapatriée par les investisseurs étrangers. Ces bénéfices sont inclus dans le PIB mais n’augmentent pas le pouvoir d’achat des Irlandais. "
Il ne s'agit pas d'en conclure -comme certains le font trop souvent- que "les chiffres, comme on peut leur faire dire ce qu'on veut, ne sont pas fiables". Au contraire, il faut prendre le temps d'examiner les données chiffrées: que doivent-elles mesurer (la richesse des habitants ? du pays ? le bien-être ?) Comment sont-elles construites (calcul du PIB, mesure en parité de pouvoir d'achat....) ? Quelles limites font apparaître ces indicateurs (comparaison avec d'autres données, réflexion sur de nouveaux indicateurs...) ?
On le sait depuis longtemps, le PIB / habitant est très imparfait pour mesurer la création de richesses économiques (dans la prise en compte des activités non-marchandes, de la production domestique, des effets néfastes sur l'environnement...)
Pour prolonger, on peut se rendre sur:
1/ ce lien (la vie des idées)
2/ Relire des articles de SOS...SES comme par exemple:
"Oui, oui, oui, non, non....soyons mesuré"
"Sommes-nous plus riches ou beaucoup plus riches ?"
" Nous sommes plus riches donc plus heureux"
Une question que je me pose:
Lorsque je lis les 324 pages du rapport sur les indicateurs de la croissance, cette activité est-elle prise en compte:
a) dans mon activité professionnelle rémunérée ?
b) dans mon bien être personnel à titre de loisirs (c'est une externalité positive puisque les élèves verront les retombées de mes lectures sur la qualité des cours sans que j'en sois directement et économiquement bénéficiaire) ^^
c) comme une externalité négative puisque ma famille verra ma disponibilité fondre comme le revenu disponible net des irlandais en % du PIB ? ^^
Je vois...cela vous laisse sans voix ^^