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Crans-Montana, regard sur plus de cent ans d'histoire

Publié le 16 septembre 2009 par Danielle
Crans-Montana, regard sur plus de cent ans d'histoireLorsque Géronce Barras et Emile Bonvin, deux hommes du pays, ouvrent leur cantine sur le tout nouveau parcours de golf à Crans il y a une centaine d’années, ils ne prévoyaient certainement pas que ce «clubhouse» improvisé allait devenir le prestigieux Hôtel du Golf. En fait, plus que les habitants de la région, ce sont des Anglais qui ont donné l’impulsion au golf et au ski à Crans-Montana, deux sports qui ont assuré une reconnaissance mondiale à la station: Sir Henry Lunn est considéré comme le «père du golf», alors que son fils Arnold est à l’origine de l’épopée alpine du ski. Un autre homme a marqué les premières pages d’histoire de Crans-Montana: le Dr Théodore Stephani, qui a su promouvoir l’air pur et le soleil - les deux autres atouts de ce plateau à 1500 mètres d’altitude - dont Crans-Montana peut s'enorgueillir aujourd’hui encore. Nous vous proposons ci-après de prendre le temps de... remonter le temps.
 
 
1890: construction du premier hôtel
A la fin du XIXe siècle dans la plaine valaisanne du Rhône, les hôtes de passage en transit entre Paris et Milan sont toujours plus nombreux à s’arrêter. Là-haut, à 1500 mètres d’altitude, ce serait encore plus beau pour passer quelques moments de repos! Mais seuls le savent les vaches et les paysans du lieu, de même que les chasseurs. On raconte que ce sont justement deux chasseurs, Louis Antille et son ami Michel Zufferey qui, fusil à l’épaule, s’arrêtent un jour sur ce plateau en se disant que ce serait un endroit merveilleux pour y construire un hôtel. On pourrait le mettre là, sur cette colline surplombant les petits lacs qui ponctuent ce paysage idyllique. Sur «La pétouda de la Tza», les deux hommes vont bâtir le premier établissement hôtelier: nous sommes en 1890, la station de Montana est née. En consultant les premiers registres de l’Hôtel du Parc, les historiens ont repéré les noms d’hôtes illustres: Lord Roberts, général britannique vainqueur de la guerre du Transvaal; Louis Lépine, gouverneur de l’Algérie, préfet de police à Paris; Paul Kruger, créateur de la république sud-africaine du Transvaal; Jean Jaurès, leader du socialisme français; le comte Ferdinand von Zeppelin, constructeur de dirigeables; Alfred Dreyfus, officier français condamné puis innocenté, venu se reposer de ses péripéties judiciaires à l'Hôtel du Parc.
Pour monter sur ce haut plateau (une expression reprise comme seconde appellation de Crans-Montana, et qui dit tout de la configuration particulière de ce lieu de villégiature), il fallait entreprendre un périple que l’on a peine à imaginer aujourd’hui: l’ascension du coteau depuis Sierre durait environ quatre heures. On montait d’abord en voiture jusqu’à Corin (village au-dessus de Sierre), puis les touristes devaient continuer à pied, à dos de mulet ou en chaise à porteurs. Les bâtisseurs de l’Hôtel du Parc ont vite compris que l’essor de leur établissement dépendait d’un accès facilité: en 1896, ils construisent une route carrossable à péage. Actuellement, plusieurs routes mènent à la station, sans oublier le funiculaire qui relie Sierre à Crans-Montana en 12 petites minutes. Cette facilité d’accès est un des atouts qui a contribué au développement de Crans-Montana.
Pendant cinq ans, l’Hôtel du Parc sera le seul logis de la région, une bâtisse d’une quarantaine de chambres chauffées chacune par un fourneau à bois. D’autres établissements vont voir le jour petit à petit: l’Hôtel Forest en 1897, puis le Palace (1905) qui était dans un premier temps un sanatorium, appelé ensuite Hôtel Bellevue (et devenu aujourd’hui le Clinique bernoise). Pour ne citer que ceux-là.
 
Le ski, dès 1905
Dès sa création, Montana acquiert une réputation de station de sports de neige: la première saison d’hiver est inaugurée en décembre 1905. C’est la Compagnie Sir Henry Lunn Ltd qui amène à Montana de nombreux clients: le pasteur méthodiste créa le Public Schools Alpine Sports Club dont les membres – tous issus de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie anglaise – fréquentaient ses hôtels, notamment le Bellevue Palace à Montana. Arnold, le fils d’Henry Lunn a écrit plusieurs livres sur la méthode du ski et inventeur du slalom. Il a marqué également l’histoire de Montana puisque c’est lui qui, en 1911, a organisé la première descente, la «Kandahar», qui s’appelait plus exactement Earl Robert of Kandahar Challenge. Les dix concurrents étaient partis la veille à pied pour gagner, après six heures de marche, la cabane du Wildstrubel où ils passèrent la nuit. Le lendemain, les sportifs prirent le départ tous en même temps. Le vainqueur fut Cecil Hopkinson: l’Anglais mit 61 minutes pour relier la Plaine-Morte à la station. Cette épreuve révolutionna l’histoire mondiale du sport blanc.
 
De neige et de glace
Le ski attire toujours plus d’adeptes à Crans-Montana. En 1928, on décide d’installer des funiluges pour transporter skieurs, lugeurs et bobeurs au sommet des pentes. Le «tire-flemme» permet de faire remonter la pente à une vingtaine de personnes en même temps. En 1936, un véritable téléski monte en zig-zag en direction du Mont-Lachaux, cette piste qu’Arnold Lunn, dans un de ses ouvrages, décrit comme splendide. Le premier restaurant d’altitude est construit à Cry d’Er, grâce aux efforts d’Emile Guenat qui avait transporté les matériaux à dos de mulet jusque là-haut. En 1958, Crans-Montana inaugure son 10e remonte-pente, avec la première piste éclairée la nuit. Signalons que l’on a pu skier dans le centre de la station jusqu’en 1960, grâce au ski-lift du Bar du Lac.
Sur la neige, on ne manque pas d’imagination pour s’amuser! Les concours de skijöring se multiplient: les skieurs se font tracter d’abord par des chevaux puis, plus tard, des motos. Dans les années 30, les touristes s’amourachent des «tailing-parties»: le jeu consiste à attacher les luges, une à une, et à faire tirer le groupe par un cheval. Sur la glace du lac Grenon, on organise les premiers affrontements en patins: le HC Montana (fondé en 1929) fit vibrer le Valais tout entier en accédant en ligue nationale B en 1954. Le club, toujours existant, a joué une nouvelle fois en Première Ligue l'hiver passé, après 26 ans d’absence. Le curling, autre sport à la mode, s’implante à Crans-Montana en 1920. En plus du patinage artistique, un autre sport fait fureur à Vermala, surtout dès 1925: il s’agit du saut à ski qui devient, en effet, la grande attraction hivernale. Sans oublier le bob, un sport qui ne se pratique plus aujourd’hui mais qui faisait fureur dans ces années-là.
 
Le charme des randonnées estivales
Sir Arnold Lunn n’a pas seulement vanté dans ses ouvrages les charmes de l’hiver à Crans-Montana: il a décrit une vingtaine d’excursions et randonnées à pratiquer en été. Car, rappelons-le, les touristes venaient en Suisse d’abord en été pour escalader des sommets. Arnold Lunn en 1907 concède qu’à Montana, si l’offre en matière d’alpinisme ne peut concurrencer d’autres lieux dans les Alpes connus pour leurs sommets, la région offre des excursions idéales pour les débutants. Il ajoute que, dans des stations comme Zermatt ou Grindelwald, il faut grimper des heures entières avant d’atteindre un point de vue qui puisse, en étendue et en beauté, rivaliser avec celui qu’à Montana l’on a constamment sous les yeux.
Dans son ouvrage, l’auteur âgé alors de 19 ans décrit la jeune station comme un lieu où se trouvent seulement quelques hôtels et une clinique, avec une poste, un télégraphe, mais pas de magasin, si ce n’est un bazar au Palace.
 
Le ski en hiver, le golf en été
C’est aussi au dynamisme de la Cie Lunn que le Haut-Plateau doit son premier terrain de golf. Histoire d’attirer les hôtes anglais en été, le Palace construit un jeu de golf à proximité, neuf trous inaugurés en 1906 qui seront complétés par un dix-huit trous en 1908. C’est là, entre ces deux parcours, que se construit cette buvette qui donnera naissance en 1914 à l’Hôtel du Golf. Crans-Montana peut se targuer dès ce moment-là de disposer du plus haut golf du monde.
Aujourd’hui, ces parcours célèbres portent le nom de ceux qui les ont redessinés, Jack Nicklaus et Severiano Ballesteros, deux figures mondialement connues venues plusieurs fois à Crans-Montana disputer l’European Masters. Cette compétition de golf est une des plus importantes en Europe après le British Open; elle a lieu chaque automne. Le Golf-Club est devenu petit à petit le plus important du Valais. Son histoire a été marquée par de grands noms comme celui de son président René Payot, un journaliste dont la voix s’est fait connaître durant la Deuxième Guerre mondiale.
«Nulle part sur le continent je n’ai trouvé un gazon aussi fin qu’ici», aurait affirmé Sir Henry Lunn. Pour l’anecdote, signalons que, durant la guerre et sur ordre du Gouvernement suisse, on transforme ce beau gazon en… champ de pommes de terre! En 1919 et 1920, le golf se fait aérodrome alpestre à l’occasion d’un meeting organisé par l’armée suisse. Aujourd’hui, ce beau parterre vert se transforme dès les premières neiges en une magnifique promenade où les hôtes se baladent un peu comme sur les Champs-Elysées… Familles et adeptes de ski de fond profitent de ce plateau comme d’une immense place de jeux.
 
D’autres loisirs se développent
Les promenades autour de la station ont été aménagées après la création du golf, sur l’initiative des Anglais également. Les balades équestres se développent aussi et une première piste de chevaux est étudiée à Crans dès 1951; le manège de Montana sera construit dix ans plus tard, entre 1961 et 1963 par M. Roh et un Américain nommé Sherman. Le tennis est un autre sport qui prend de l’importance, des courts sont construits en 1930 à Crans, en 1932 à Montana. Lorsque l’Hôtel du Golf est transformé (en 1928-1930), une plage est aménagée pour les clients au bord de l’Etang Long. Aujourd’hui, c’est sur les bords d’un autre lac, La Moubra, que vont les baigneurs, en attendant impatiemment le projet de piscine publique prévue à cet endroit.
 
Soleil et air pur, gages de bonne santé
Genève, 1er mars 1899. Le Dr Théodore Stephani s’exprime devant un parterre composé de membres de la Société médicale du bout du lac. Le docteur a scrupuleusement noté les données climatiques qu’il a longuement analysées. Il affirme que «le soleil brille souvent à Montana pendant que la pluie et le brouillard règnent à Leysin», que l’on y trouve «un des panoramas les plus étendus de la Suisse, ce qui a son importance pour des malades qui le contemplent chaque jour», que cette région, «admirablement exposée au soleil, jouit d’une durée d’insolation très prolongée qui atteint près de huit heures dans les plus courtes journées de l’année», et que, comparé à Davos, janvier compte 103 heures de soleil de plus à l’actif de Crans-Montana. C’est pour ce climat extraordinaire que le médecin décide, à la fin du XIXe siècle, d’emmener des malades atteints de tuberculose sous le soleil de Crans-Montana. Ces clients en quête de santé logent d’abord à l’Hôtel du Parc, puis le Dr Stephani se fait bâtisseur: on lui doit en 1899 la fondation du Sanatorium Beauregard grâce au soutien d’actionnaires genevois. Un an près, il construit le Valaisia, puis contribue à la construction du Sanatorium genevois (1903).
Au fil du temps, la médecine progresse. Celle-ci ne nie pas les effets bénéfiques du climat pour aider les tuberculeux à améliorer leur état, mais on ne parle plus de guérison et le destin médical des établissements d’altitude s’infléchit. L’existence aujourd’hui encore de quatre cliniques (genevoise, lucernoise, bernoise et valaisanne) prouve que ces établissements ont su trouver leur voie.
 
De grands noms séjournent à Crans-Montana
L’Histoire retient de cette époque une vie de luxe, d’oisiveté et de délassement dans laquelle auraient vécu les malades. Si, dans les cliniques d’altitude, la vie ne devait toutefois guère être attirante, dans les établissements privés et chalets où viennent se faire soigner pendant de longs mois des personnalités comme Katherine Mansfield ou Paul Klee, les séjours semblaient plaisants, même si l’écrivaine avouait s’ennuyer un peu. De son balcon au chalet Les Sapins (à l’emplacement de l’actuel apparthotel Helvetia Intergolf), elle raconte ce panorama extraordinaire. Une allée, à Montana, porte aujourd’hui encore son nom.
D’un côté, des gens célèbres viennent se soigner à Montana, de l’autre, des personnalités connues viennent se divertir à Crans: on rencontre les membres des familles royales de Belgique, d’Espagne, d’Italie et de Pays-Bas, des industriels et financiers célèbres comme les Philipps et les Carnegie. A l’Hôtel du Golf, en été, on croise Jean Cocteau, André Malraux, Anna de Noailles. Entre les deux guerres, la vie mondaine sur ce Haut-Plateau est connue loin à la ronde. Aujourd’hui, on croise toujours à Crans-Montana des personnalités connues dans le monde politique ou le show business, notamment au Grand Hôtel du Golf. Sir Roger Moore et son épouse Lady Kristina vivent une partie de l’année à Crans-Montana.
Si la Première Guerre mondiale a freiné le développement touristique (de même que la crise des années 30), les deux stations ont grandi en parallèle durant toutes ces décennies pour n’en former qu’une seule aujourd’hui. Les hôtels et chalets se sont développés, les maisons de cure avec leur grands balcons où s’exposer au soleil ont donné à l’architecture un caractère particulier que l’on reconnaît aujourd’hui encore. En 1957, pour la première fois dans les Alpes, un immeuble est construit avec pour but de vendre les appartements comme résidences secondaires. La parahôtellerie était née.
 
Crans-Montana au XXIe siècle
Depuis 1898, Crans-Montana a évolué, la station a grandi au point de devenir une petite ville à la montagne, avec tous les services. Des pages d'histoire ont été écrites, dans les traces faites par les précurseurs: si la Kandahar n’existe plus, Crans-Montana a accueilli en 1987 les Championnats du monde de ski alpin. En 2008, le domaine skiable a vu à nouveau les champions dévaler la célèbre piste «Nationale», à l’occasion d’une manche de la Coupe du monde de ski. En été, Crans-Montana accueille l’Omega European Masters.
Crans-Montana reste aujourd’hui encore synonyme de ski et de golf, mais pas seulement. L’étude nationale SAPALDIA, qui a examiné en 1991 les effets de la pollution de l'air sur la santé respiratoire et cardio-vasculaire de l'adulte, a été menée dans huit régions du pays (dont Crans-Montana) et a pu prouver que l’air que l’on respire sur le Haut-Plateau est parmi les plus purs de Suisse. Et que cela contribue à la bonne santé de ceux qui y vivent et y séjournent. Les atouts relevés par le Dr Stephani sont donc là aujourd’hui encore. Quant au soleil que le médecin mettait en avant dans ses publicités, il est toujours là, comme vient de le confirmer si besoin était une étude climatologique analysant les vingt dernières années. L’étude apporte la preuve qu’il n’existe pas de saison sans soleil à Crans-Montana et que la durée d’ensoleillement varie peu au cours de l’année. Ensuite, on constate que le 90% des journées sont ensoleillées en été et presque autant en hiver, voire même plus lorsque le stratus écrase la plaine de sa grisaille. Les auteurs de l’étude estiment que la durée d’ensoleillement sur l’ensemble de l’année est supérieure de 30% aux villes de la partie Nord du continent européen. Quant aux précipitations, elles sont assez faibles pour cette région des Alpes, mais suffisantes pour assurer une bonne saison de ski sur un domaine en altitude qui ne craint guère le réchauffement climatique.
Les possibilités de loisirs ont évolué avec les décennies, mais on peut s’amuser toujours autant à Crans-Montana: luge, airboard, balade avec chiens de traîneaux, karting sur neige, acrobaties dans les arbres ou découverte de la région en montgolfière... Le choix d'activités fun est presque infini. Les pistes se dévalent à ski, bien sûr, en snowboard évidemment, comme en snowbike, snowskate ou encore snowscoot. Même en hiver, Crans-Montana propose de nombreuses randonnées balisées (63 km) à parcourir en haute et moyenne montagne. En été, le golf reste un sport très prisé, comme les parcours pédestres. Les parcours en vélo tout-terrain sont connus loin à la ronde. Le Casino Partouche de Crans-Montana propose du divertissement jusqu’au petit matin. Signalons la présence à Crans-Montana de la Fondation Suisse des Trains Miniatures, à visiter par exemple après avoir emprunté le funiculaire qui relie Sierre à Crans-Montana en douze minutes.
 
 
Sources:
  • Histoire du golf de Crans 1906 - 2006 – par Pierre Ducrey, édité par le Golf-Club Crans-sur-Sierre, diffusion Editions Monographic SA, 2006
  • Un siècle de tourisme à Crans-Montana – ouvrage collectif sous la responsabilité de Sylvie Doriot Galofaro, Editions Porte-Plumes, 2005
  • Crans-Montana, un autre regard – par Pascal Thurre, édité par les six communes de Crans-Montana, 1992
  • Crans-sur-Sierre – Montana-Vermala, par Marius Bagnoud et François A. Barras, CRA Eitions, 1980

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