Magazine

Revue de livre : "Le fardeau de l'homme blanc"

Publié le 17 septembre 2009 par Unmondelibre

Revue de livre : Le 17 septembre 2009. Voilà un livre qui ne peut laisser indifférent, et il est heureux qu'il ait été traduit en français. Au contraire de beaucoup d’ouvrages sur le développement qui proposent une solution miracle, le dernier opus de William Easterly intitulé Le fardeau de l’homme blanc : l'échec des politiques occidentales d'aide aux pauvres (Ed. markus Haller 2009) a pour objectif de montrer qu’il n’y a pas de solution miracle au développement, en dehors sans doute de la liberté.

Dans la tradition du penseur autrichien Friedrich Hayek, l’auteur critique le constructivisme social, c'est-à-dire l’idée que l’on puisse faire table rase du passé et construire de toutes pièces une société prospère. Cette politique a échoué avec le socialisme soviétique, elle a échoué avec le socialisme appliqué dans les pays en développement. Les pays qui ont appliqué la théorie du « Big Push », c'est-à-dire un investissement massif et simultané dans plusieurs secteurs clés, ont échoué. La planification centralisée n’est donc pas une panacée bien au contraire ! Elle a fait perdre des générations de croissance économique et de développement.

Revue de livre :
L’auteur n’est pas beaucoup plus tendre à l’égard de cette nouvelle version du constructivisme qui tend à vouloir imposer la « démocratie de marché ». S’il est vrai que le marché est un mécanisme puissant pour se sortir de la pauvreté – en réalité le seul mécanisme, il ne peut s’exporter, au même titre que la démocratie, sans prendre en compte les institutions locales. Imposer le libre marché et la privatisation dans un contexte où ne règne pas l’état de droit débouche généralement sur une prise du pouvoir par des mafias. Cette autre version du constructivisme social, comme la première, a donc eu des conséquences inattendues négatives.

Le fil rouge du livre se décline dans le clivage entre l’attitude des « Planistes » et celles des « Essayeurs ». Les premiers pensent savoir quoi faire et comment le faire. Et généralement ils pensent en grand. Face à ce manque d’humilité typique de l’hubris du constructivisme – quel qu’il soit, les « Essayeurs » raisonnement plutôt « petit », tentant d’amener des ajustements qui se mettent en place peu à peu, et de manière symbiotique avec le terreau institutionnel local. Cette approche, plus humble, est beaucoup plus en phase avec l’évolutionnisme.

Les deux versions du constructivisme se heurtent à un problème de connaissance : connaissance des institutions locales (le fonctionnement de la prise de décision collective dans telle ou telle tribu), connaissance des contraintes locales (en matière de sols dans l’agriculture par exemple). Mais c’est surtout le feedback de la part des intéressés qui est généralement absent, de même que le fait d’être tenu pour responsable de telle ou telle politique, ce que les anglophones appellent « accountability ». En effet, le problème des agences d’aides, comme dans toute bureaucratie, est qu’elles se concentrent sur « ce qui se voit » et sur ce qui peut leur être directement attribué comme succès, ce qui, bien souvent, ne correspond pas aux besoins réels des populations. Par ailleurs les mécanismes d’aides passent par les kleptocraties locales qu’on maintient ainsi au pouvoir par l'interventionnisme de l'aide.

Face à l’utopisme de nombre de politiques du développement, Easterly peut sembler quelque peu pessimiste sur les possibilités d’intervention. Mais il demeure pour autant optimiste quant au développement lui-même. Le salut viendra de la liberté, et en particulier de la liberté économique. Seule celle-ci permet de faire émerger l’entrepreneuriat, une société de « Essayeurs », qui sous-tend réellement le développement. Les politiques de développement ont justement bien souvent entretenu le manque de liberté, même quand elles l'ont placé comme objectif. En stoppant cette interventionniste plus inhibiteur que salvateur, la liberté reprendra tôt ou tard ses droits. Et le développement suivra.

Emmanuel Martin

William Easterly :Le fardeau de l’homme blanc : l'échec des politiques occidentales d'aide aux pauvres. Edition Markus Haller 2009. William Easterly est professeur à l’université de New York. (Cette revue avait déjà été publiée à propos de la version anglaise originale de l'ouvrage).


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Unmondelibre 432241 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte