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Duras, comme personnage de roman

Publié le 19 septembre 2009 par Perce-Neige
Duras, comme personnage de romanEcrire, souvent, c’est douter du monde. Les regards que l’on croise, dans le métro ou ailleurs, semblent parfois n’avoir d’autre existence que celle que l’on prête aux êtres qui peuplent nos rêves. Comment définir un texte de fiction et quel degré de réalité lui attribuer ? Et puis, surtout, plus renversant : se peut-il qu’une fiction finisse, effectivement, par engendrer du réel ? C’est, à l’heure d’internet, à ces questions – parmi d’autres – que la littérature d’aujourd’hui doit s’efforcer de répondre. Marguerite Duras avait, en son temps, décidé d’abolir la frontière entre le roman et la réalité. Dominique Noguez, dans « Duras, toujours » (Ed. Actes Sud), écrit ceci : «

A la conférence de presse du Festival de Cannes, en 1975, on l'a ainsi entendue longuement parler d'Anne-Marie Stretter comme si c'était une personne existante. Plus tard, en 1979 - l'année des courts métrages où elle invente le personnage d'Aurélia Steiner -, elle m'écrit, sur une carte postale de Trouville : "Ici tout est calme. Rien n'arrive sauf la chaleur, forte. Pas de vent. Les voiliers sont arrêtés. Il n'y a pas de couleurs. Je tente de retrouver Aurélia Steiner. Elle, elle ne sait pas que j'existe et ça m'est très difficile de faire qu'elle ne le sache jamais." Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la fin de cette dernière phrase. Mais le début veut clairement dire que son personnage finit par avoir plus de réalité ontologique qu'elle. Comme si Galatée avait plus d'existence que Pygmalion. Aurélia Steiner existe en dehors d'elle, autonome, capable, à sa guise, de l'ignorer ou de la rencontrer. Vrai renversement copernicien : c'est l'auteur qui tourne autour du personnage, non J'inverse. Ou, si l'on préfère, c'est la lune Aurélia Steiner qui éclaire le soleil Marguerite Duras. La force particulière de Duras, c'est qu'elle ne se contente pas de croire à ses fictions mais réussit à nous y faire croire.

» Que l’on comprenne bien : tout ceci n’a rien de littéraire et ne renvoie à aucun dispositif esthétisant. Non, il est simplement question de notre existence quotidienne… Les voiliers, la chaleur, le vent. Aurélia Steiner, aussi, naturellement. Vous voyez ce que je veux dire ?

Illustration : La table de travail de Marguerite Duras, aux Roches Noires à Trouville, en 1991


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