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Et si Gordon Ramsay était informaticien ?

Publié le 19 septembre 2009 par Abouchard

Depuis quelques temps je ne rate pas un épisode de l'émission Cauchemar en cuisine, qui est diffusée sur plusieurs chaînes télévisées françaises de la TNT ou du câble.

Le concept de cette émission est assez simple : Gordon Ramsay, un chef cuisinier écossais renommé, vient en aide à des restaurateurs au bord de la faillite. Là où ça devient amusant, c'est que Gordon n'a vraiment pas sa langue dans sa poche ; il n'hésite pas à s'énerver très fort quand il le faut, pour faire prendre conscience aux gens qu'il sont sur la mauvaise voie.
Bon, la traduction française a tendance à édulcorer son langage. Ainsi, la phrase «I will smash this plate on your fuking head» est devenu «Je vais casser cette assiette sur ta tête de bois»...

Au fil des épisode, on peut voir des cuisiniers sans talent, des gérants à l'égo stratosphérique, des restaurants complètement vides, des engueulades à côté des clients, ...
Gordon goûte les plats, regarde comment fonctionne l'organisation du personnel, étudie les comptes financiers. Il met ensuite les responsables − le propriétaire, le gérant de salle, le chef cuisinier − face à leurs lacunes, leurs faiblesses, leur fainéantise, leur désorganisation. Quand les problèmes ont été compris (au bout de quelques bonnes engueulades hautes en couleur), il met en place un plan de bataille qui permet de remonter les résultats du restaurant.

Il utilise souvent les mêmes recettes (au sens figuré du terme, désolé je n'ai pas pu m'en empêcher) d'un restaurant à l'autre, mais à chaque fois avec des résultats différents. Ce qui est vraiment intéressant, c'est qu'il met en application des principes qui tiennent plus de l'entrepreneuriat que de la restauration. Il y a beaucoup d'inspiration à trouver là pour une équipe technique.

L'étude de marché

À chaque fois, Gordon fait un petit tour dans la ville où il est tombé. Il fait attention aux autres restaurants existants, et essaye de trouver le type de restauration qui n'est pas représenté. Il regarde aussi la clientèle existante (ou ce qu'il en reste), et à partir de tout ça il invente un nouveau visage au restaurant pour lui faire trouver une nouvelle clientèle.
Cette nouvelle identité est souvent mal vécue par les patrons qui voient leurs habitudes remises en question. Le menu est complètement revu (je vais y revenir), le restaurant est redécoré, parfois même renommé. Mais ce nouveau positionnement est gagnant, et l'augmentation des bénéfices lui donne toujours raison.

N'importe quelle entreprise doit appliquer les mêmes principes. Avoir une bonne idée de produit ou de service ne veut pas dire qu'on va pouvoir le monétiser suffisamment bien pour que cela vaille la peine de créer une entreprise. Il faut donc être pragmatique et se confronter à la réalité du marché et − sans sombrer dans l'immobilisme pour autant − se renseigner sur les réelles opportunités qui s'offrent à nous.
Par la suite, il faut penser qu'un concept peut être valable à une époque, mais ne plus l'être par la suite. Il faut savoir se remettre en cause. Garder le même cap contre vents et marées n'est pas une preuve de force, mais d'obstination imbécile. Au contraire, être capable d'évoluer quand il le faut − sans devenir une girouette − est une preuve d'adaptabilité.

La communication et l'organisation

Le monde de la restauration a ceci de particulier qu'il y a une dualité systématique : d'un coté l'équipe de salle est au contact des clients, recevant les pourboires (quand tout va bien) et les critiques (quand tout va mal) ; de l'autre côté, les cuisiniers œuvrant dans l'ombre pour préparer les plats. Quand les rouages viennent à se gripper d'un côté ou de l'autre, cela se passe toujours pareil dans les restaurants en difficulté : les deux équipes ne communiquent plus. Au lieu de travailler efficacement ensemble pour résoudre les problèmes, au lieu de compenser quand il le faut, les deux équipes se rejettent la faute et finissent par s'engueuler.

Les serveurs doivent prendre les commandes, les cuisiniers doivent les traiter rapidement, les serveurs doivent ensuite les servir dans le bon ordre. Cela semble simple, mais il suffit que les cuisiniers se sentent débordés par le nombre de commandes pour que les problèmes s'empilent. Les serveurs finissent par attraper le premier plat qui vient, les tables sont servies à moitié, ce qui ajoute au stress en cuisine.

La plupart des problèmes d'organisation en entreprise prennent leur source dans un problème fondamental en communication. Des équipes qui ne se parlent pas ne peuvent pas travailler efficacement ensemble. Quel que soit l'activité, quand il n'y a pas d'esprit d'entreprise cela fini en querelles de clochers, chacun rejetant la faute sur les autres. Et quasi-invariablement, quand on ne communique pas bien entre les équipes, cela veut dire que l'information ne circule pas bien à l'intérieur des équipes.

La simplicité

Un des soucis récurrent dans la plupart des restaurants visités par Gordon Ramsay, c'est que le menu offre un choix bien trop fourni. Pour des raisons diverses, certains proposent une liste de plus de 100 plats différents. Évidemment, il est impossible de tenir le rythme en cuisine quand on doit être capable de préparer autant de plats différents. La spirale infernale s'amplifie quand les cuisiniers tentent d'être plus rapide en utilisant des produits congelés ou en conserve ; quand la qualité baisse, tout s'écroule.

Donc l'une de ses premières actions est de réduire le menu, et d'y mettre des plats simples et de bonne qualité. Le chef et son équipe peuvent se concentrer sur des compositions qu'ils connaissent bien, qu'ils peuvent préparer rapidement et avec tout le soin nécessaire. Les commandes ne s'entassent pas, le service en salle est fluidifié. Les plats étant préparés à partir de produits frais, ils sont appréciés par les clients.

Ce type de principe de simplicité est à reprendre à tous les étages. Il vaut mieux avoir une ligne de produits ou de services qui soit réduite mais d'une qualité irréprochable. Il est plus facile de se faire connaître comme étant LE spécialiste d'un domaine particulier, plutôt que comme un généraliste qui fait un peu de tout, jamais très bien, perdu au milieu d'un grand nombre de concurrents.

En informatique, il faut avoir la même approche. Ne pas se lancer dans un long développement inutile qu'on aura du mal à faire évoluer par la suite. Ne pas faire de choix technologiques complexes.

Le personnel et la formation

Quand Gordon reprend une cuisine en main, il a souvent affaire avec une brigade démotivée. Sans passion pour ce qu'ils font, les cuisiniers bâclent le travail n'importe comment.
Quand on découvre un nouvel épisode, on se dit immédiatement qu'il ferait mieux de virer tout le monde (ou au moins le chef cuisinier). Mais Gordon réussit presque à chaque fois à rallumer la flamme de la passion que l'équipe en place avait perdu. Il fait parfois quelques ajustements de personnel, en plaçant les personnes là où elles seront les plus compétentes ; on a ainsi vu des jeunes plongeurs se retrouver à faire les grillades composant le plat principal du restaurant, le gérant de salle repasser derrière les fourneaux, ou le propriétaire de l'établissement forcé de lâcher complètement les rênes. À chaque fois, l'idée n'est pas de brimer les employés, mais de les aider à faire éclater leur plein potentiel.

Reprendre en main une équipe décomposée repose aussi sur la formation et la discipline. Gordon prend toujours le temps de revoir avec eux les bases de la cuisine ; il les ramène aux fondamentaux du métier et les accompagne jusqu'à la réalisation de nouvelles recettes réussies. À côté de cela, il fait aussi comprendre qu'il n'est pas possible de faire tourner une cuisine fonctionnelle sans que l'équipe entière ne suive les directives d'un chef d'orchestre. La discipline ne sert jamais à gonfler l'égo d'une personne, mais de s'assurer que tout le monde suive le même objectif et avance au même rythme.

Des collaborateurs ne peuvent pas garder leur motivation s'ils ne sont pas correctement formés aux méthodes et outils, et si leurs connaissances ne sont pas régulièrement "aiguillonnées" par l'envie de se dépasser. Et si personne ne donne la direction et le tempo, chacun fini par faire son travail dans son coin, à sa façon, sans cohésion ni efficacité.

La propreté

Il est toujours amusant − et un peu dégoûtant − de voir que Gordon jette un regard aiguisé sur la propreté des cuisines qu'il visite. Et deux fois sur trois, il oblige les cuistots à tout nettoyer de fond en comble tellement c'est dans un état épouvantable.

Cela fait sourire de voir ça. Mais un chef cuisinier qui oublie qu'une cuisine propre est aussi fondamentale que des produits frais a sûrement raté quelque chose à un moment donné de sa carrière.

À tous les niveaux d'une entreprise, on peut appliquer cette vision. Du code propre, refactoré lorsque c'est nécessaire, sera plus facile à maintenir. Des procédures simples et claires, tenues à jour et expliquées à tout le monde, permettent de travailler efficacement en groupe.
Très basiquement, un environnement de travail propre et sain fait partie des nécessités non négociables.


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