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Ado-rable !

Publié le 19 septembre 2009 par Vivreenislande @vivreenislande
Ado-rable !
« L'adolescence est une phase de la vie humaine, de transition entre l’enfance et l’âge adulte. »
N’ayant pas de dictionnaire sous la main, et cherchant désespérément des réponses à mes questions, voici l’explication que j’ai trouvée sur Wikipédia.
En fait de transition, ce changement-là m’apparaît à moi comme un espace inter sidéral, un no man’s land stratosphérique, dans lequel je flotte, indécis et malhabile, tel un astronaute en apesanteur.
Pas si simple de se positionner durant la transition en question, pour comprendre les réactions de cette étrange créature en gestation.
Car ce changement, qui s’inscrit entre le souvenir de la petite fille vive et charmante et la perspective d’une adulte heureuse et accomplie, ne ressemble-t-il pas davantage à une sorte de mutation génétique ?
Je pose juste la question.

Parce qu’il faudrait m’expliquer ce qu’il y a de commun entre ces deux stades opposés et l’ermite misanthrope dont nous avons hérité ?


« L'adolescence démarre vers 11 ans en France. »

Ah ?

La nôtre n’aura commencé sa métamorphose que vers 13 ans.
Un décalage probablement dû aux températures locales, qui auront ralenties son cycle hormonal et différées les rudes changements attendus.

Deux années de gagnées.

« Cette phase est marquée par des changements (…) affectifs (modification de la vie relationnelle) (…) et psychiques (recherche identitaire, acquisition progressive de l'autonomie). »

C’est pas faux.

La vie relationnelle de notre ado a effectivement subi des modifications. Elle s'articule désormais autour du monde clos de ses envies, besoins, désirs, attentes, caprices, états d'âme... et j'en oublie sans doute.
A l'instar du héros de Minority report qui déplace des fragments d'images sur un écran géant, l'adolescent façonne sa galaxie et son mode de fonctionnement sur l'autel de ses exigences.
Pour pénétrer la planète Adolescence et espérer converser avec son unique habitante, une disposition avérée pour la "oui attitude" est un préalable nécessaire, mais pas toujours suffisant. Car il ne faut tout de même pas prendre l'adolescent pour un idiot : s'il perçoit l'ébauche d'un sourire dubitatif sur vos lèvres lorsqu'il vous dit que ce petit bouton, là, sur son front, le défigure littéralement, alors c'est foutu. On ferme. No trepassing. Expulsion immédiate.
Quand il s'agit de lui, l'ado manque singulièrement de recul.
Ado-rable !

Et puis, il faudrait aussi m'expliquer comment entrer en contact avec ce mutant grognon, qui manifeste une opposition quasi systématique à toute forme de contrainte avec une économie inédite de pronoms personnels ?
« Chérie, as-tu mis la table ? »
« Chier ! »

« Ma puce, pourrais-tu vider la machine à laver ? »

« Marre ! »

« Mon ange, te voir sourire de temps à autre nous ferait plaisir à tous. »

« M’en fous ! »
Certains verraient dans ces échanges abrupts le signe d’une « poussée hormonale » hors du commun, ayant entraîné un déséquilibre inhabituel qu’il convient d’enrayer au plus vite.
Moi pas.

Je reste toujours positif.
Ado-rable !D’abord, ce comportement au demeurant étonnant, révèle au contraire un rare esprit de synthèse et de concision.Peut-être même est-il la preuve d’une certaine élégance.
« Fait chier » eut pu passer pour de la vulgarité. Tandis que ce « Chier ! » là, ambigu et monosyllabique, n’est pas dépourvu de panache, si ?

Si.

Ajoutons que semblable aversion pour les machines à laver, révèle une indéniable capacité à s’extraire du monde environnant et de ses contraintes matérielles, pour atteindre, avec une rare maturité, le stade envié d’un bonheur proche de la perfection.

Même s’il n’est pas partagé.

Enfin, en se ré appropriant le concept de l’onomatopée pour nous délivrer un message qui ne s’encombre pas de vaines constructions syntaxiques, dans le but louable d’aller à l’essentiel, notre ado ne démontre-t-elle pas une imagination et une franchise exceptionnelles ?

Je vous le demande ?

En revanche, je vois moins en quoi cette nouvelle forme de communication s’apparente à une « acquisition progressive de l’autonomie ».

C’est ce que nous dit encore la Libre encyclopédie.

Car il faut bien l’admettre, si l’autonomie peut se définir comme une aptitude à agir et à penser par soi-même, notre adolescent à nous me semble être davantage dans un cycle régressif qui empêche toute forme d’auto prise en charge, que dans une quelconque autonomie qui progresse.

En dépit de ses efforts quotidiens pour nous suggérer le contraire, notre fille ne fait preuve d’une totale autonomie que pour allumer son ordinateur, se poser sur un lit avec l'énergie d'un gastéropode tétraplégique, et envoyer des Points Cool et des Ondes Positives sur Facebook à longueur de journée.

Il va falloir que j'essaie, parce que question décontraction, notre fille a atteint des sommets de "coolitude".
Ado-rable !

Mais je ne me plains pas.

Je sais bien qu’étant un adulte imparfait, je ne puis être un papa exemplaire ; j’ai donc assurément ma part de responsabilité dans cette transition chaotique.

Pas facile de se lancer quotidiennement dans une tirade philosophique pour justifier
avec enthousiasme les raisons pour lesquelles il est essentiel que notre ado accepte de vider un lave-vaisselle.
Et puis, avant de s’envoler gaiement vers son destin coloré, le papillon n’est-il pas d’abord une sinistre chrysalide suspendue mollement sur une branche ?

L’intelligence et la sensibilité de notre adorable adolescente finiront bien par prendre le dessus.
J'en suis convaincu.

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