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Cela fait du bien...

Publié le 09 octobre 2007 par Christophe Foraison
bonnet_dne.gif Dimanche, en achetant le JDD (je voulais absolument  garder un souvenir du match de samedi soir, et notamment de la deuxième mi-temps héroique des bleus ^^), je tombe sur  l'interview de Daniel Pennac, un romancier.
Son dernier livre (qui va sortir cette semaine) raconte l'histoire d'un cancre.
J'ai trouvé cet entretien particulièrement touchant, je vous livre les meilleurs passages (j'ai souligné les phrases les plus importantes)


Extraits:
Vous aviez honte d'être un cancre. "J'étais compromettant", écrivez-vous...

Je ne l'étais pas à la récré, où j'étais assez physique. Quand je formais une équipe de ballon prisonnier, on perdait rarement. Et j'étais champion du monde de polochon! 
(...) On n'envisage le cancre que par ses processus de compensation: il fait le clown, il est agressif ou complètement léthargique. Ne reste que l'image de l'élève qui déconne. Mais que ressent-il, ce cancre qui s'entend dire à longueur de journée qu'il est bête, paresseux, tricheur et coupable de "le faire exprès" ? Il finit par le croire.


Surtout quand les profs l'humilient...

Je n'ai plus aucun souvenir de mes profs, à cinq exceptions près. Deux bourreaux, dont ce crétin, en 6e, qui notait mes dictées négativement et faisait régulièrement la même plaisanterie: "- 25, Pennacchioni, ça ne se réchauffe pas !" Et trois sauveurs. Des gens que j'ai vraiment aimés: un prof de maths, une prof d'histoire et un philosophe qui m'ont sorti de ma cancrerie en me passionnant pour leur matière. C'est grâce à eux que je me suis construit. Parce qu'on ne se construit pas sous le regard méprisant ou inquiet d'adultes qui se contentent de demander: "Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ?"

(...)

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Pourquoi l'ancien cancre est-il devenu enseignant ?

Au départ, pour des raisons très banales, très statistiques: je voulais avoir du temps pour écrire, il y avait les vacances, je voulais être économiquement autonome et mettre de la distance entre ma famille et moi...
Comme premier poste, le hasard m'a flanqué dans un collège de Soissons, dans l'Aisne, avec des adolescents en classes dites aménagées. Des adolescents qui me ressemblaient au même âge.
Dès les premières heures, j'ai passionnément aimé ce métier. Je retrouvais en mes élèves tout ce que j'avais subi comme cancre, tout ce que je m'étais fait subir à moi-même. Toutes mes affabulations. Parce qu'un cancre, c'est un malheureux qui affabule, il ne cesse de justifier ses incompétences par du discours... Je savais si bien comment ils procédaient ! Pas la peine de me raconter vos salades: j'en sors et je vais vous en sortir !


Comment ?

Travailler en dédramatisant. La porte de la classe est fermée. Il y a trente élèves et moi, entre quatre murs. Nous y sommes. Théoriquement, je ne devrais qu'avoir à transmettre un savoir à des intelligences ouvertes, qui n'y résisteraient pas. C'est une vision idéale de l'enseignement.
L'élève est aussi un adolescent avec ses états d'âme, ses faiblesses, ses rejets... Je dois régler ces problèmes, sinon, je fais quoi ? Je fiche le camp ? Peu m'importe à moi, professeur de français, les raisons pour lesquelles untel fait tant de fautes. Je suis là pour le tirer d'affaire. Bien sûr je peux échouer, ça m'est arrivé. Trop souvent.


Parfois, le retard est tel qu'il est difficile de le combler...


A chaque fois que nous professeurs écrivons dans un carnet de notes "Manque de bases", nous voulons dire "Ce n'est pas de ma faute".
Mais ce qui compte c'est de savoir si ce gosse sera remis sur pieds quand il quittera ma classe. Je ne veux pas paraître péremptoire mais jusqu'en 3ème, je pense qu'un élève qui ne souffre pas d'un handicap lourd peut être facilement remis à niveau dans sa pratique de la langue.

Source: le JDD, dimanche 7 octobre 2007


Cela m'a fait une piqure de rappel:

1 / nous, enseignants, travaillons sur de l'humain, qui a ces états d'âmes, ses humeurs changeantes, un passé, une histoire. Ce n'est pas un objet posé, qui réagit mécaniquement à des stimuli
Ce qui est en jeu dans le triangle élève - savoirs - enseignants, c'est la relation interactive qui relit ces 3 variables. Je reconnais qu'il m'arrive de m'énerver, de pester contre les élèves qui ne travaillent pas, qui échouent y compris sur des questions qui me paraissent faciles. La tentation est grande de leur faire ressentir ma colère dans l'espoir de les faire réagir...mais souvent, c'est pris comme une humiliation personnelle, l'élève se sent dégradé et s'enfonce encore plus...

2 / Je suis entièrement d'accord avec Pennac sur le "manque de bases". J'utilise souvent une métaphore sportive. Nous devrions être des entraîneurs et non uniquement des sélectionneurs.
Sélectionner les élèves, tout le monde sait le faire: qui ne sait pas reconnaitre un bon élève ?
Entraîner les élèves, c'est déjà beaucoup plus difficile: cela suppose d'être des éducateurs donc de leur donner les fondamentaux (connaître les règles du jeu, maîtriser quelques compétences essentielles) pour qu'ils puissent jouer (produire eux-mêmes)

3 / Enfin, personne n'est dupe, il y a des élèves qui ont plus de difficultés que d'autres, qui mettent plus de temps à apprendre, que leur propose-t-on ?
François Dubet dans son livre "Qu'est-ce qu'une école juste ?" La République des Idées Seuil avait déjà posé le problème.
Certes, Daniel Pennac se rappelle ses souvenirs d'une autre école, celle de la fin des années 50 où il subissait des humiliations, où il existait des nombreuses voies de relèguations...Ce n'est plus le cas maintenant...^^

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Quelques autres cancres célèbres (merci François Guitef)
Albert Einstein :
Incapable de lire avant 7 ans, ses parents croyaient qu'il était « moins que normal ».
L'un de ses professeurs l'a décrit comme « lent d'intelligence ».

Michael Jordan: A été retranché de l'équipe de basketball de son école secondaire.
Il aurait déclaré : « J'ai échoué coup sur coup dans ma vie. C'est pourquoi je réussis. »

Ludwig van Beethoven: il s'est fait dire par son professeur de violon qu'il était
« nul comme compositeur ».

Charles Darwin: dans son autobiographie, il écrit : « J'étais considéré par tous
mes maîtres et mon père comme un garçon très ordinaire, plutôt sous la moyenne
de l'intelligence. »

Thomas Edison: il s'est fait dire par ses professeurs qu'il était « trop stupide pour
rien apprendre. » Il fut congédié de ses deux premiers emplois pour ne pas être assez
productif.

Louis Pasteur:
Élève médiocre, il a terminé 15e sur 22 élèves dans un
cours de chimie.
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