La thèse est intéressante et nous la suivons à moitié :
- oui pour la baisse des marchés, nous en avons évoqué les fondamentaux dans notre note précédente ;
- non au krach du dollar, pour une raison bien simple qui est « par quoi le remplacer » ?
- Le yuan chinois n’est pas convertible et nous avons énuméré les déséquilibres intérieurs chinois, qui laissent mal augurer de sa stabilité politique à moyen terme si les tendances se poursuivent.
- L’euro n’est qu’une monnaie de gestion, pas une monnaie puissance, car seule la Banque centrale européenne est indépendante – mais ni la politique économique, ni la fiscalité, ni le droit du travail, ni les budgets ne sont en commun…
- Le yen ? Le pays dépend trop de la Chine, à l’étroit sur son île et sans matières premières, avec une population vieillissante, pour remplacer le dollar.
- La livre sterling ? le franc suisse ? le rand sud-africain ?
Ma position diffère de celle de M. Belkhayate parce que nous exerçons chacun un métier différent :
- Lui est trader, attaché à l’analyse technique ; il constate un risque et chercher à l’expliquer en fondamental par des théories qui courent les marchés.
- Moi suis stratège pour la gestion, attaché au fondamental ; j’analyse les forces en présence et les rendements/risques relatifs en m’appuyant aussi sur l’analyse technique mais comme outil parmi d’autres.
- sur le prochain mouvement : probablement à la baisse ;
- de même sur la tendance du dollar : un probable effritement continu.
Mon analyse est géopolitique (la puissance américaine, qui reste inégalée malgré les 8 ans désastreux des néoconservateurs sous George W. Bush) et fondée sur les cycles (la rencontre du Kondratiev de 60 ans – 1929-1999 – qui poursuit ses vagues, avec le Juglar de 8 ans – 1999-2007 – qui rééquilibre les bilans et la dette, et le cycle saisonnier psychologique qui fait prendre ses bénéfices à l’automne quand les performances ont été inespérées et restent fragiles). La Chine est trop jeune et trop fragile monétairement pour se libérer brutalement du dollar : elle en a besoin pour acheter son pétrole et ses matières premières comme pour investir dans les entreprises de technologies occidentales à vendre. Pourquoi vendre la branche sur laquelle elle est assise ? Les Chinois ne jouent pas au poker mais sont experts en go : leur politique n’est jamais la confrontation du tout ou rien mais le patient investissement du terrain par contournement. Pourquoi croire que sa mentalité est calquée sur l’américaine ? La Chine réclame que l’étalon-dollar soit remplacé par les Droits de tirages spéciaux du FMI, soit un panier des quatre monnaies principales du monde – mais il s’agit de diplomatie, de montrer ce vers quoi l’on tend. Pourquoi imaginer que tout soudain, au prochain G20, le monde entier serait unanime pour larguer le dollar et faire confiance à un « machin » international – contrôlé par les Occidentaux ?
Seul le marché, bien sûr, aura raison car nul ne le contrôle – surtout pas les traders - et la somme des acteurs rationnels ne fait pas un marché rationnel, mais chaotique.
Pour en savoir plus :
Mostafa Belkhayate, société Belkhayate Asset Management : sur le dollar, sur la reprise.
Alain Sueur, Les outils de la stratégie boursière, Eyrolles 2007, analyse du dollar et de l’économie-monde.