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Europe : Un nouveau départ sans bonapartisme ?

Publié le 21 septembre 2009 par Unmondelibre

Europe : Un nouveau départ sans bonapartisme ?Sophie Quintin-Adali - le 21 septembre 2009. On peut dire de la présidence suédoise de l’Europe qu’elle mène un combat courageux contre une France qui veut dicter ses règles. Les relations entre la Turquie et l'UE sont un de ces champs de bataille d'influence parmi tant d'autres.

La bataille du « Non à la Turquie »

Lors d'une réunion entre les présidents des deux nations le 3 juillet dernier, la position française a été réaffirmée (probablement au cas où les Suédois n’avaient pas encore compris) : « La France ne sera pas contre l'ouverture de nouveaux chapitres... mais, bien sûr, ces chapitres devront permettre que la Turquie devienne un membre-associé de l'Europe et non pas un membre à part entière. » De l’explosion verbale du Président Sarkozy aux commentaires légitimes faits par le Président Obama en faveur de l'adhésion de la Turquie, à un boycott d'une réunion avec le ministre des affaires étrangères Carl Bildt a Stockholm, ou le mépris à peine déguisé dans la controverse politique pour la « saison turque » qui vient de commencer en France, la rhétorique anti-adhésion ne donne aucun répit.

En effet, il est clair pour ceux qui veulent bien le voir qu’il ne s’agit plus de faire connaître le point de vue du gouvernement français, mais plutôt d'imposer sa position sur l'élargissement comme seule façon de faire. La droite française est désormais unie par une culture commune « turcophobe » et la toute-puissante administration purgée de tout pro-Turc. L’exportation délibérée de « l’obsession du Turc » du gouvernement français sur la scène européenne par l’intimidation des présidences à respecter les limites fixées par Paris augure mal l'avenir sous le très français traité de Lisbonne (ou Constitution de l'UE à peine révisée, dont l'architecte principal fut l'ancien président Giscard d'Estaing, fervent défenseur du « non à la Turquie » et gardien de la tradition jacobine).

Réglementations et fiscalité

Fait préoccupant, ce « bonapartisme » n'est pas uniquement limité à l'élargissement. Il est aussi évident en matière d’économie. La Suède met en garde contre les excès de zèle de la réglementation sur les hedge funds. Pourtant, la tradition française jacobine de réglementation et de la centralisation semble être en train de gagner ce combat contre le gouvernement travailliste affaibli du Premier ministre Brown et ce alors que le Royaume-Uni aurait le plus a perdre. Avec l'approbation du « G et quelques » – on finit par perdre le compte – l'administration française mène une guerre sans merci contre les « paradis » fiscaux et les juridictions à faible fiscalité afin de mettre fin à la concurrence fiscale – lire : plus d'oppression fiscale. Il est ironique que ce soit la Chine communiste qui lors du Sommet de Londres ait empêché que la région administrative autonome (SAR) chinoise soit mise sur la « liste noire » (elle est première sur la liste de l'Heritage Foundation pour l'index de liberté économique, la France 64ème).

L'économiste Jacques Garello parle d’un « tsunami fiscal » provoqué par la vague de politique « verte » sur toute l'Europe à la suite de l'élection (la formation politique Europe-Ecologie est devenue le troisième parti avec 16%). Mais 400 milliards d’€ sont nécessaires pour la « révolution verte » promise par la classe politique pendant la campagne électorale. Avec des finances publiques dans le rouge, les fonds devront venir de quelque part. Cela signifie plus d'emprunt, une taxe sur les carburants fossiles touchant bien évidement les entreprises, voire une réglementation européenne de « droits négociables ». En d'autres termes, moins de liberté économique et plus de protectionnisme sous couvert d’objectifs verts vertueux. Voilà le « bonapartisme écologique » !

Une Hypocrisie

Les décisions prises sur la base de ce genre de bouffonneries politiques se moquent de l'idée que l'UE respecte les principes de droit ou de critères politiques objectifs d'adhésion. Les consensus lors de la prise de décision sur les questions sensibles ont été remplacés par la règle de l’État le plus fort. Les États « faibles » ou tout simplement moins intéressés se plient, trop occupés par leurs propres priorités. Malheureusement, la voix de la Suède est bien seule : silence assourdissant des autres États, signe de reddition ? Il est grand temps que les voix dissidentes se fassent entendre, ou le « bonapartisme » dans son expression politique du 21ème siècle, finira par dominer l'Europe...

Se profilent a l'horizon les derniers combats de la ratification de la Constitution/traité de Lisbonne (deuxième référendum irlandais prévu pour le 2 octobre et la ratification par le président de la République tchèque). Il est largement admis que, s’ils étaient été offerts un choix démocratique, les Euros-électeurs auraient rejeté la construction d’un super-État archi centralisé d'inspiration française comme ce fut le cas en France, en Hollande et en Irlande. L'Irlande a obtenu des concessions sur la fiscalité et la neutralité. Il n'est donc pas impossible que cette fois-ci, le « oui » l'emporte de justesse. Ce n'est pas une bonne nouvelle car le projet de l'UE a besoin d'être remis à plat et clarifié. Loin d'être un « scénario apocalyptique », il s'agit d'une étape nécessaire et saine.

Pour le moment, il faudra se contenter de se tourner vers l'histoire pour trouver un peu de réconfort. En octobre 1805, la conquête militaire de l'Europe par Napoléon prit fin grâce a un héros britannique à la bataille décisive de Trafalgar au large de la ville espagnole de Cadix. La victoire de l'amiral Nelson avait ainsi empêché le projet d'invasion des îles Britanniques. Les marins français et espagnols avaient fait preuve d’un incroyable courage, mais ils ne se battaient par pour la liberté. En 2009, dans la tourmente économique et la bataille d'influence, les dirigeants européens sous « commandement » français ont le vent en poupe pour imposer leur vision de l'Europe. Le président tchèque Vaclav Klaus se bat contre une « flotte » de dirigeants et de bureaucrates supérieure en nombre mais il pourrait bien être la dernière ligne de défense, et ainsi devenir le preux héros des peuples européens.

Sophie Quintin-Adali est consultante indépendante.


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