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Les Impromptus Littéraires - il fallait bien que ça arrive!

Par Sandy458

Avec les impromptus littéraires, c'était fatal... il fallait bien que ça arrive!
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Les Impromptus Littéraires - il fallait bien que ça arrive!
"Abejita"  une illustration de "MielDeAbejas", wikimedia commons, domaine public.
J’avais tout prévu.

J’avais mis toute ma concentration et tout mon art pour réussir ma Sortie Volontaire.

Jusqu’au choix de la date, des plus symboliques s’il en était.

Le 13 novembre.

Novembre, car c’était mon mois de naissance et parce que cette année j’allais avoir 40 ans, belle date butoir, milieu de vie, bilan d’existence et tutti quanti…

Le 13, parce que c’était la date exacte de mon anniversaire.

Et cette année, il tombait un vendredi.

Je ne pouvais pas rêver meilleur présage de réussite ni choisir de me placer sous un augure plus favorable.

J’avais tout prévu, disais-je, jusqu’à la lettre rédigée toute la nuit et qui m’avait valu un sacré mal de tête carabiné et une insomnie fébrile.

Penché sur la table de la cuisine, j’avais raturé, chiffonné, réécris, tempêté sur mes feuilles blanches à petits carreaux.

Au petit matin, le quadrillage de la toile cirée blanche et rouge ne faisait plus qu’un avec celui de ma missive mais j’étais parvenu à y coucher deux lignes concises mais incisives.

« La vie est insupportable pour les gens comme moi, je m’efface comme une gomme effacerait un trait raté de crayon à papier. Adieu. »

J’avais tout prévu enfin, dans les moindres détails avec un minutage parfait des différentes opérations.

La corde à nœud coulant était solidement fixée à une poutre du plafond.

Les quatre pieds du tabouret, où je devais prendre place, étaient reliés par une longue ficelle de cuisine à la gâchette d’une carabine.

Dès que le siège basculerait, la ficelle actionnerait l’arme. Imparable.

L’ouverture du canon, orientée après de savants calculs et essais successifs, devait permettre au projectile de m’atteindre pile dans le cœur. J’avais testé mon mécanisme sur une silhouette en papier arborant une suite de cercles rouges concentriques dessinés au compas.

J’avais vraiment tout prévu et j’étais plutôt fier de moi en grimpant sur mon tabouret ce matin-là.

Impressionné par cette dernière réalisation macabre, j’avais pris une profonde inspiration en passant la corde autour de mon cou. Mes doigts tremblants peinaient à l’ajuster. De toute façon, je n’avais jamais été très habile à nouer mes cravates alors celle-là…

En face de moi, l’œil du cyclope me contemplait, impatient de m’envoyer ad patres dans un clignement de ses paupières métalliques.

Encore un mauvais moment à passer sur cette terre et j’accomplissais ma dernière pirouette : la sortie de l’artiste dans un magnifique saut de l’ange.

J’avais tout prévu, oui, tout sauf l’imprévisible.

Par la fenêtre ouverte, je n’avais pas prévu qu’un insecte vrombissant allait pénétrer et se poser sur moi.

D’un geste agacé, j’ai tenté de le chasser mais il est revenu à l’attaque, le bougre !

Le tabouret a cédé dans un grand fracas et la corde a comprimé ma trachée. Au milieu des étoiles qui clignotaient devant mes yeux, j’ai senti le lien se défaire petit à petit.

Au même moment, le chat qui faisait sa toilette sur la table de la cuisine au milieu de mes lettres chiffonnées, a bondi toutes griffes dehors. Sur sa trajectoire, il a croisé le canon de l’arme qui me tenait en joue et l’a dévié.

La balle est partie, elle m’a frôlé au-dessus de l’épaule gauche pour se ficher dans la canalisation d’eau qui s’est mis à répandre son liquide à grands jets puissants.

Affolé, le chat s’est planté au sommet de mon crâne…enfin, il a planté ses griffes dans mon tendre occiput. J’ai gargouillé ma douleur, la trachée toujours compressée et la corde s’est arrachée du plafond nous précipitant violemment sur le sol.

Je me suis retrouvé allongé, une douleur lancinante à la cheville m’informant qu’elle était probablement fracturée, baignant dans une mare d’eau froide, un félin paniqué feulant et crachant en guise de couvre-chef.

Mon nez avait triplé de volume.

L’insecte vrombissant était une abeille qui, agacée par mes moulinets, avait décidé qu’elle répliquerait.

Il fallait bien que ça arrive.

A moi.

François Pignon


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