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Si cet été tu te sens le cœur caraïbes, la funky house peut constituer une bande-son de choix pour tes vacances. Levons une ambigüité majeure : on ne veut pas parler d’un énième décalque des Masters At Work (quoique) mais du mouvement musical qui émerge depuis 2007 au Royaume-Uni et qui devrait probablement tout péter au carnaval estival de Notting Hill. La scène funky house ou uk funky trouve son origine dans l’underground anglais, principalement londonien, et particulièrement au sein des courants post uk garage que sont le grime et le dubstep dont elle constitue une tendance schismatique. En effet la plupart des acteurs du genre, tels les djs Marcus Nasty, Footloose ou Supa D, ont un solide background grime. Idem pour des producteurs comme Donaeo ou Geneeus, tous deux vétérans uk garage qui indiquent plus de 10 ans de bons et loyaux services au compteur.
En clair la funky house reprend l’infrastructure anglaise hardcore existante (disquaires, radios, promoteurs, clubs, magazines, blogs) mais se veut en rupture générationnelle, sexuelle et musicale avec les courants précédents, principalement pour des raisons économiques. L’explication en est relativement simple (et funky) : les scènes grime et dubstep s’étant musicalement virilisées à outrance (infrabasses in your face, mcs gérant mal leur accès de violence verbale, absence de mélodies et de groove), les filles sont tout simplement parties danser ailleurs. Or pas de filles dans les clubs, c’est, à terme, pas de mecs, donc plus personne (dure loi des établissements de nuit). Les cadors du grime l’ont bien compris depuis un moment mais beaucoup ont opéré trop précocement un étrange virage vers une sorte de house/electro/r’n’b totalement indigeste mais commercialement payante (c’est le cas par exemple de Wiley, Roll Deep ou Tinchy Stryder). Seul Dizzee Rascal a réussi pour l’instant sa reconversion electro avec son énorme Bonkers.
Par ailleurs pour certains jeunes djs et producteurs il devient plus profitable économiquement de créer une nouvelle scène à mesure que les existantes deviennent plus compétitives et verrouillées par quelques acteurs clés et donc au sein desquelles il est plus difficile de percer. D’où la volonté de nombre d’aspirants djs de féminiser et rajeunir leur audience afin de l’augmenter ce qui passe naturellement par une reconfiguration de leur mixture sonore.
Enfin un autre facteur clé met en lumière la cristallisation funky. Il s’agit d’une réaction à la scène post uk garage du Nord de l’Angleterre, où les Londoniens grimey n’ont jamais véritablement percé, unifiée autour du son bassline house qui a connu son heure de gloire dans les charts britanniques à l’été 2007 grâce à des producteurs comme T2, TS7 ou D-Explicit. Musicalement la bassline house sonne comme une version scaly et girly du gabber hollandais, finalement pas très éloignée de l’eurodance. Londres a donc tenté de retrouver sa primauté créative face au reste du pays en ripostant funky.
Ironie du sort, le premier vrai tube estampillé funky en 2008 ( DJ Paleface Ft Kayla – Do You Mind) est en réalité un remix (par Crazy Cousinz) de… bassline house. Le morceau, même imparfait, contient à peu près tous les gimmicks du genre : ne reniant pas pour la plupart leurs racines hardcore, les producteurs funky ont donc étudié la concurrence à savoir la house us (Karizma se retrouve playlisté par la quasi totalité des djs funky), le broken beat (idem pour Simbad), le dancehall et toutes les musiques « chaudes » caribéennes, d’où une étrange mais bienvenue influence soca : des bongos à foisons, des vrais vocaux et des beats plus policés susceptibles de satisfaire la gente féminine. Le résultat est bien sûr contrasté et nombre de morceaux sonnent beaucoup trop populistes pour receler un intérêt autre que commercial.
Néanmoins ce qui intrigue dans le meilleur de la funky house, souvent des tracks instrumentaux, c’est sa curieuse capacité à créer un tropicalisme froid, une moiteur cryogénisée, un fantôme de soca comme on peut le constater chez Apple, l’un des pionniers du genre avec son morceau Siegaliezer.
Apple - Siegaliezer (Slimting Recordings / 2008)
Autre producteur incontournable, Hard House Banton est l’auteur en 2008 du tube underground Sirenz que l’on ressort ces temps-ci compte tenu de son potentiel crossover.
Hard House Banton - Sirenz (Spoilt Rotten / 2008)
Démarche similaire chez Lil Silva, dont les tracks peuvent se rapprocher de certaines productions ghetto bass.
Lil Silva - Funky Flex (DDJs Productions / 2009)
Donaeo est le seul artiste à avoir déjà sorti un album, très inégal mais qui contient un anthem énorme, Party Hard.
Donaeo - Party Hard (My-Ish / 2009)
Roska, lui, réalise des morceaux minimalistes dans un esprit assez proche des premiers tracks de labels us comme Strictly Rhythm.
Roska - Holograph (Not On Label / 2009)
Enfin deux artistes à suivre, NB Funky et Ill Blu, qui remixe ici Shystie issue de la scène grime.
NB Funky - The Leak (UK Funky Records / 2009)
Shystie - Pull It (Ill Blu Funky Mix) (It's Funky / 2009)
De façon dialectique, la funky house se trouve donc être une réappropriation par la scène hardcore de la house latino/afro la plus traditionnelle, quand le mouvement concomitant de la fidget procède avant tout d’une relecture du hardcore par des producteurs provenant initialement de la house (à l’instar de Switch, Jesse Rose ou Fake Blood aka Dj Touché).