Est-ce que le bâillon décrété par le gouvernement libéral provincial est un geste relevant quelque peu de l’autoritarisme politique ou purement un acte astucieux et même prévoyant pour les intérêts supérieurs du Québec ? Cela peut sembler quelque peu simpliste comme interrogation pour le spécialiste de la politique québécoise, mais le Chien de garde du Québec croit tout de même qu’il s’agit de LA QUESTION LÉGITIME à se poser comme contribuables et citoyens. « Monsieur-madame-tout-le-monde » qui pait ses impôts et tous les tarifs reliés aux services publics, tout en essayant de joindre les deux bouts en payant tout le reste, aimerait peut être savoir si le geste du gouvernement Charest est un acte de foi envers les intérêts supérieurs du Québec ou une entorse aux principes parlementaires ? Ce projet de loi permet au gouvernement du Québec « d’être dans le rouge » pour les 5 prochaines années tout en n’ayant pas l’obligation de couper dans les autres secteurs des services publics pour maintenir l’équilibre budgétaire.
Pour tenter d’obtenir une réponse à cette interrogation, il faut savoir dans quoi on s’embarque avant… En premier lieu, le Québec a déjà une dette cumulative dépassant les 120 milliards de dollars et prévoit, avec l’adoption de cette loi, d’y ajouter plus de 11 milliards en 5 ans provenant des futurs déficits annuels du gouvernement provincial. En deuxième lieu, rien ne garantit que la conjoncture économique sera revenue en période de prospérité dans 5 ans, date butoir selon le document législatif pour un retour à un équilibre budgétaire. En troisième lieu, cet équilibre qui est aujourd’hui considéré comme un standard politique n’a pas toujours eu ce statut auprès des gouvernements provinciaux puisque nombre d’entre eux ont contribué à nous endetter afin de payer ce que l’on pourrait nommer la facture d’épicerie du gouvernement, soit les dépenses courantes. En quatrième lieu, les sciences économiques et politiques s’entendent pour dire que lorsqu’il y a crise économique, il est recommandé aux différents États de s’endetter afin de stimuler leur économie nationale pour une reprise rapide. Par contre, les mêmes sciences nous disent aussi que lorsque la reprise prend le pas sur l’état de crise, les gouvernements sont censés revenir à l’équilibre budgétaire, voir même en période de surplus financiers. En cinquième et dernier lieu, ce projet de loi a été déposé pour adoption par le gouvernement pour lui donner une porte de sortie légale et acceptable, de même qu’une marge de manœuvre politique et financière, afin de pouvoir continuer à dispenser tous les services actuels à la population sans les couper en cas d’entrées d’argent moins grandes que prévu.
L’adoption de ce texte de loi, somme tout essentiel pour l’état économique de notre province, peut être considérée comme une bonne et mauvaise chose en soi. Sous son aspect positif, le gouvernement s’arrange pour se donner les moyens nécessaires afin de stimuler son économie pour une reprise durable et rapide. Lorsque tous les investisseurs habituels sont soient trop « frileux » pour des investissements ou soient trop « cassés » pour les réaliser, il ne reste plus que les gouvernements qui ont la latitude financière pour y arriver. Il est donc de leur devoir et dans leur intérêt d’y veiller afin que les entrées d’argents en taxes et impôt reprennent un rythme de croisière satisfaisant pour leur redistribution dans les services à la population. Sous son aspect négatif, l’adoption de ce projet de loi pourrait annuler tous les sacrifices réalisés jusqu’à présent pour maintenir l’objectif du déficit zéro. Si le gouvernement Bouchard à la fin de la dernière décennie à fait adopter cette loi, c’était avant tout parce que la situation financière du gouvernement de cette époque et d’avant était rendu intenable pour les générations actuelles et futures. Depuis la Révolution tranquille, tous les gouvernements ont contribué à l’endettement provincial, et ce, peu importe la couleur au pouvoir. Cet argent ne nous appartenant pas n’a pas toujours été utilisé de façon efficace et intelligente puisque de nombreux gouvernements y ont eu recours puisqu’ils étaient dans l’impossibilité de présenter un budget respectant leur propre capacité de payer, donc la nôtre ! C’est un peu comme si « Monsieur-madame-tout-le-monde » se faisait un budget pour vivre de 1000 $ par mois, mais qu’il n’aurait que 700 $ d’entrées financières pour y arriver. Vous conviendrez vous-même qu’il y a quelque chose de malsain à long terme dans la poursuite de cette voie. En somme, l’adoption de ce projet de loi se défend aussi facilement dans un sens que l’autre et, de cette constatation, le simple citoyen n’est pas plus en mesure d’établir si sa légitimité et sa pertinence sont toujours présentes. Le problème en soi ne vient peut-être pas de son adoption, mais bien d’ailleurs ?
Si le malaise provenait plutôt de l’impression que les élus provinciaux laissent à la population en ne s’entendant pas et en faisant en sorte que le gouvernement du Québec ne puisse fonctionner qu’en bafouant les principes à l’émergence de sa démocratie ? Cela pourrait être une bonne piste de réflexion que d’y réfléchir quelque peu… Ce projet de loi a été soumis aux partis d’opposition en chambre à la fin de la dernière session parlementaire, soit au printemps dernier. Depuis, les députés ont parlementé plus de 50 heures en différentes instances afin de parvenir à un compromis favorisant l’adoption de ce texte législatif, mais sans toutefois y parvenir puisque seulement le premier article du document a été approuvé par tous. C’est à se demander combien de temps faut-il pour qu’une mesure économique qualifiée d’urgente soit adoptée par le parlement québécois ? Dans ce cas-ci en particulier, tous les députés devraient comprendre l’urgence de la situation et cela devrait, en théorie, apparaître dans leurs façons de travailler¸. Tout le monde le sait… la politique, c’est avant tout l’art du compromis et ce dernier n’est sûrement pas au rendez-vous avec les députés en ce moment. Le gouvernement refusant de façon presque systématique de diluer sa proposition afin de trouver une solution plaisant aux partis d’oppositions et ces derniers n’en concèdent pas plus pour ce qui est de donner au gouvernement la latitude nécessaire pour la bonne gestion des intérêts québécois. Certes, il est tout à fait normal pour une mesure exceptionnelle comme celle-ci que les partis d’opposition ne donnent pas un chèque en blanc au gouvernement, mais encore faut-il que ce dernier puisse agir en temps opportun.
L’urgence d’agir ne s’est toutefois présentée qu’au parti au pouvoir puisque les autres formations politiques, bien que mécontentes d’être parvenues à ce résultat de cette façon, n’ont rien fait dans les temps impartis pour l’en dissuader. Pourquoi leur solution de couper le texte de loi en deux (soit une partie permettant au gouvernement d’agir dans l’immédiat pour stimuler davantage l’économie provinciale et une autre à propos du chèque à lui donner) n’est sortie que le matin même de l’application du bâillon ? Pourquoi le gouvernement, en prenant conscience de cette proposition, n’a pas décidé d’y réfléchir sur une courte période de temps afin de jouer le jeu parlementaire de la démocratie ? Une solution similaire ou presque identique aurait pu être trouvée suite à ces débats entre formations politiques si chacun avait accepté de jouer le jeu selon les règles et conventions en place. Que cela plaise ou non aux partis d’opposition, le gouvernement a la responsabilité d’agir afin de veiller aux intérêts de la population québécoise. Par ailleurs, que cela plaise ou non au gouvernement libéral de Jean Charest, le jeu politique de notre système implique que les partis d’oppositions sont là pour surveiller ses faits et gestes et que l’adoption de lois se fait avec des discussions en commissions ou en chambre avec les autres formations politiques élues et non pas de la façon dont il s’est pris encore une fois… Dans ces deux cas de figure, nous nous retrouvons en face d’individus qui n’ont pas rempli leurs fonctions telles que dictées par les conventions en place. Les règles politiques existent pour une raison bien simple et c’est pour assurer la survie du système tel qu’il a été bâti à l’origine et au fil du temps. L’utilisation d’un bâillon parlementaire pour le gouvernement et le refus de collaborer et le retard inacceptable dans le constat qu’il faut trouver un compromis pour les partis d’oppositions ne sont aucunement inclus dans ces règles.
Finalement, l’adoption du projet de loi 40 était avant tout essentielle afin de donner la latitude légale d’action au gouvernement pour nous sortir du marasme économique actuel. Cependant, son adoption ne doit surtout pas faire retomber le gouvernement actuel et les futurs dans le même schème vicieux qu’autrefois où on dépensait sans compter et sans penser à notre capacité réelle de payer. Par ailleurs, l’adoption de cette loi et le chèque venant avec doit se faire en restreignant le plus possible les possibilités non prévues d’actions du gouvernement. Les leçons du passé nous faisant remémorer que souvent les oublis techniques et administratifs ont permis des tours de « passe-passe » de la part d’anciens gouvernements et qu’il vaut mieux essayer de prévoir le plus possible toutes les éventualités afin d’éviter une telle boîte de Pandore. Pour ce qui est de l’utilisation du bâillon, la faute n’est pas uniquement à pointer sur le gouvernement puisque les partis d’opposition en ne faisant pas accélérer efficacement les débats y ont contribué largement. Par ailleurs, si la mesure était aussi urgente que le gouvernement l’a prétendu lors de l’annonce de la suspension des règles parlementaires, pourquoi les députés de la chambre ne se sont-ils pas réunis en séance spéciale durant tout l’été pour parvenir à un accord satisfaisant ? Pourquoi aussi une suspension des règles après seulement trois jours de session parlementaire ? Ce sont là des questions qui font douter quelque peu de la légitimité et de la pertinence d’une telle mesure, mais sans toutefois rien enlever à l’importance du texte adopté qui lui est primordial pour les intérêts du Québec. En fait, pour répondre à la question de départ, le Chien de garde est d’avis que le geste libéral d’imposer ledit bâillon serait finalement une astuce autoritaire qui a sa raison d’être selon le contexte actuel, mais qui ne l’aurait probablement pas dans un monde où chacun ferait son travail de façon efficace. À savoir maintenant dans quel monde le gouvernement se situera lors de l’application à la lettre de cette Loi 40… Telle est l’opinion du Chien de garde du Québec à ce sujet.
Pour plus d’articles sur cette nouvelle, vous pouvez cliquer sur les liens suivants :
- Projet de loi 40 – Un bâillon dès le deuxième jour – http://www.ledevoir.com/2009/09/18/267558.html
- Québec force l’adoption du projet de loi 40 – http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/200909/18/01-903273-quebec-force-ladoption-du-projet-de-loi-40.php
- Lettre d’opinion d’un lecteur de cyberpresse « Augmenter plutôt mes impôts! » – http://www.cyberpresse.ca/opinions/forums/200909/22/01-904382-augmentez-plutot-mes-impots-.php
- Québec force l’adoption du projet de loi 40, malgré l’opposition – http://www.google.com/hostednews/canadianpress/article/ALeqM5ixSnjLoWlKRMTfOH67bQC6a_zSZA