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Mais qui est donc vraiment Dominique de Villepin ?

Publié le 23 septembre 2009 par Hmoreigne

 Procès Clearstream Acte I. Dominique de Villepin joue de son physique et emprunte pour l’occasion la verve de Cyrano de Bergerac . Théâtral à l’excès, l’ancien Premier ministre s’est fait accusateur devant une nuée de micros et de caméras dans la salle des Pas Perdus du palais de justice. ” Je suis ici par la volonté d’un homme, je suis ici par l’acharnement d’un homme, Nicolas Sarkozy, qui est aussi président de la République française. J’en sortirai libre et blanchi au nom du peuple français“. La tirade est belle, la voix forte. La diction parfaite, l’effet réussi.

Élégant comme Céladon, agile comme Scaramouche je vous préviens, cher Myrmidon. A la fin de l’envoi je touche!” Par un simple effet oratoire voici donc Dominique de Villepin mué en victime. Au même moment pourtant deux papiers au vitriol sortent dans la presse et brossent un portrait peu flatteur de l’homme.

Deux articles signés par des anciens du quotidien Le Monde. Si Hervé Gattégno dans Le Point fait mine de s’interroger “Grand politique ou espion au petit pied ? Enquête sur un intrigant aux deux visages“, Jean-Marie Colombani ne prend lui pas de gants sur Slate.fr et donne le ton d’entrée  “Villepin et la basse police “. Retour sur une personnalité très controversée.

Dominique Galouzeau de Villepin, né en 1953 à Rabat (Maroc). Il est le fils d’un sénateur centriste puis UMP, et d’une première conseillère de Tribunal administratif. Il passe la majeure partie de son enfance à l’étranger spécialement au Venezuela. Enarque, il côtoie notamment dans la promotion Voltaire Renaud Donnedieu de Vabres, François Hollande et Ségolène Royal. En 1977, il adhère au Rassemblement pour la République (RPR) de Jacques Chirac. Professionnellement il entame une carrière de diplomate.

En 1993, il est nommé directeur de cabinet d’Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement Édouard Balladur. En mai 1995 Jacques Chirac accède à l’Elysée et fait de Dominique de Villepin le secrétaire général de la présidence de la République. Ce dernier obtient vite une réputation sulfureuse. Il anime au Palais de l’Élysée avec l’avocat Francis Szpiner une cellule juridique qualifiée par de nombreux observateurs comme un Cabinet noir. De fait sa mission première est de créér un cordon sanitaire juridique autour du président. En clair suivre et surtout étouffer les affaires liées au RPR et à la Mairie de Paris. Mission réussie Jacques Chirac ne sera pas inquiété.

Sur le plan politique en revanche, c’est la bérézina. Il est l’homme d’influence qui conseille en 1997 de procéder à la dissolution de l’assemblée nationale. Les élections législatives se traduisent par une défaite cuisante. De nombreux députés RPR y laissent leur mandat. Villepin y gagne des rancunes tenaces. Pas celle de Jacques Chirac qui en fait en 2002 son ministre des Affaires étrangères. A l’occasion de la guerre d’Irak il obtient une réelle notoriété avec un discours qui fait date devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies. En 2004 il succède à Nicolas Sarkozy au poste de ministre de l’Intérieur.

Le 31 mai 2005 c’est la consécration, il devient Premier ministre. Il le restera jusqu’en mai 2007. Joli parcours pour un homme qui n’a jamais eu de mandat électif et qui s’en vante.

Beaucoup d’observateurs n’hésitent pas à comparer Dominique de Villepin, à Fouché le redouté ministre de la Police de Napoléon. Hervé Gattégno va jusqu’à évoquer de la part de cet amoureux de la période napoléonienne une fascination pour le personnage. Le journaliste du Point étaye ses propos : “La chronique politico-judiciaire de la présidence Chirac regorge d’autres exploits semi-clandestins. A l’Elysée, Villepin s’impose en confident et en chargé d’affaires. A l’automne 2000, le témoignage filmé de Jean-Claude Méry, collecteur de fonds occultes à la mairie de Paris, fait vaciller Chirac. Villepin lance une diversion magistrale : informé de la remise de la cassette originale à Dominique Strauss-Kahn, il répand l’information-fausse-selon laquelle le ministre socialiste aurait obtenu la bande en échange d’un arrangement fiscal. La confusion qui en découle atténue l’impact des révélations de Méry. Peu après, le même Villepin fait prévenir Michel Roussin, jadis directeur du cabinet de Chirac et détenteur de lourds secrets, que son interpellation est proche dans l’enquête sur les marchés publics d’Ile-de-France. Un ami vous attend place Saint-Sulpice, lui dit-il au téléphone. Il vient de ma part. Ecoutez-le. » Le messager-l’avocat Francis Szpiner-recommande sans détour à Roussin de prendre la fuite ! Celui-ci n’en fait rien mais, quand la police surgit à son domicile, il se trouve en province pour une réunion. Aussitôt, les agences de presse annoncent qu’il s’est enfui, focalisant les soupçons sur lui. Roussin a vite su à qui il le devait. “

Avec Villepin, Fouché n’est jamais loin” confirme Jean-Marie Colombani peu enclin pourtant d’habitude aux propos virulents. Revenant sur l’affaire Clearstream l’ancien directeur du Monde partage l’analyse d’Hervé Gattégno selon laquelle Dominique de Villepin aurait deux facettes. Ce que Hervé Algalarrondo du Nouvel Obs résume dans la formule Dr Dominique et Mr Villepin :”Ceux qui le connaissent peuvent témoigner du double aspect de sa personnalité: porté très vite à l’exaltation, que reflète parfaitement son culte napoléonien; mais aussi sa fascination pour la basse police: Joseph Fouché n’est jamais très loin. A Matignon, sa mission politique était clairement d’«empêcher» Nicolas Sarkozy. Mission qu’il a sans doute aussi interprétée comme devant le conduire lui-même à incarner son mouvement politique. Mais c’est à l’intérieur de ce mouvement, et plus précisément dans sa mouvance chiraquienne, dont Dominique de Villepin, s’il était reconnu coupable, incarnerait la quintessence, que l’on trouve la tentation permanente du coup tordu.

De son côté, pour nous éclairer, Jean-Marie Colombani livre un troublant témoignage personnel. “C‘était pendant la cohabitation Chirac-Jospin, Dominique de Villepin étant Secrétaire général de l’Elysée.  Ce dernier m’avait convoqué au bar du Bristol, es-qualité. Et pendant une heure, j’eus droit à une série de menaces sur le thème: «nous savons tout ce que vous faites, à qui vous parlez, qui vous parle, ce que l’on vous dit, etc, bref on vous tient»! Méthodes d’intimidation classiques, dira-t-on? Il suffit en effet d’y résister et de passer son chemin. Ou plutôt de ne pas dévier de son chemin. Ce que je n’ai eu aucun mal à faire. Mais il n’empêche: j’avais aperçu ce jour-là, de très près, le goût de Dominique de Villepin pour ladite basse police….

Et le fondateur de Slate.fr d’ajouter: “Bien sûr, ce micro témoignage ne peut à aucun moment induire la culpabilité de Dominique de Villepin dans l’affaire Clearstream. On laissera donc les juges juger. En espérant que la lumière soit vraiment faite. Car si l’on pouvait à cette occasion, par la seule vertu de l’exposition des incivilités commises par ceux qui se parent des plus belles qualités, séparer le bon grain de l’ivraie et disqualifier celui ou ceux qui doivent l’être, on rendrait un grand service à notre vie démocratique.

En 2004 déja, Hervé Algalarrondo décrivait déjà Dominique de Villepin comme un”obsédé des affaires de basse police” et concluait son article de façon prémonitoire en évoquant le risque de voir le ministre “dévoré par sa part d’ombre“. La présence de Dominique de Villepin dans un tribunal, au banc des accusés, n’est donc pas une surprise pour tout le monde.  

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