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Le dilemme d’Obama : traité carbone ou guerre commerciale

Publié le 23 septembre 2009 par Unmondelibre

Le dilemme d’Obama : traité carbone ou guerre commercialeSallie James – le 23 septembre 2009. La législation sur les émissions de gaz à effet de serre est récemment passée au Congrès américain, avec un schéma de plafonnement et d’échange (cap and trade) similaire à celui de l’Union européenne. La loi Waxman-Markey suscite désormais des résistances au Sénat, ce qui déçoit les espoirs du Président Obama d’influencer la réunion sur le climat à Copenhague en décembre. De toutes les façons, il fait face à une réelle menace en termes de relations internationales du fait des effets de cette loi sur l’emploi et le commerce international.

« Rien de ce que les États-Unis peuvent faire n’est plus important pour le processus de négociation internationale que de passer une législation sur l’énergie propre qui soit solide, exhaustive, et ce, le plus tôt possible » pouvait déclarer Todd Stern, l’envoyé d’Obama sur le climat le 10 septembre.

Cette législation ferait cependant peu pour réduire les émissions carbone, mais beaucoup pour augmenter les coûts de l’énergie, détruisant des emplois et prolongeant une récession – avec de plus l’imposition de droits douanes sur les biens étrangers, qui initieraient une guerre commerciale. Loin de faciliter les négociations, une loi qui lierait les mains des négociateurs pourrait faire échouer un accord international.

Un des nombreux engagements de campagne d’Obama était de réduire les émissions carbone aux États-Unis au niveau de 1990 en 2020, mais après des mois de débat, la loi impose des restrictions beaucoup moins sévères mais toujours à un coût élevé pour l’économie.

Un problème supplémentaire a été le rajout de droits de douane sur les importations de pays n’ayant pas adopté des restrictions carbone similaires. Obama dénonçait les droits de douane protectionnistes lorsque la loi passait le Congrès en juin mais, en août, dix sénateurs démocrates annonçaient que leur vote dépendait du fait de conserver un « mécanisme d’ajustement à la frontière ».

Les sénateurs arguaient que des coûts d’énergie plus élevés aux USA du fait de la nouvelle législation allaient pousser aux délocalisations, détruisant les emplois locaux et sapant les efforts des USA à réduire les émissions globales. Ils veulent donc des droits de douane pour protéger les entreprises et les travailleurs américains : punir les importateurs devrait selon eux convaincre les autres États d’introduire des contrôles des émissions carbone.

Mais cette démarche comporte de sérieux problèmes. Premièrement, la plupart des importations intensives en énergie vers les USA – 80 % en fonction du produit – viennent d’autres pays « propres », la plupart desquels ont déjà des restrictions d’émissions. La Chine, qui fait l’objet de toutes les peurs en termes de délocalisations, ne représente qu’une faible part des importations américaines et seulement 17 % des importations d’acier. De plus, la Chine exporte seulement environ 1 % de ses biens les plus intensifs en énergie vers les USA selon une étude de l’administration américaine de juillet 2009. Dans ce cadre, les droits de douane « carbone » auraient peu d’impact sur la lutte contre les émissions globales.

Deuxièmement, les sénateurs protectionnistes oublient que les autres pays ont leur propre idée de qui devrait payer pour la réduction des émissions. Les émissions totales de gaz à effet de serre de la Chine ont dépassé celles des USA en 2006, mais les émissions per capita aux USA sont bien au-dessus de quiconque : environ quatre fois celles de la Chine et quinze fois celle de l’Inde. Si d’autres pays imposaient leurs propres droits de douane « carbone » en fonction des émissions per capita, les exportations américaines seraient très durement touchées.

Tout droit de douane présente en réalité un danger réel et immédiat : le protectionnisme de la Loi Smoot-Hawley de 1930 initia une série de représailles de la part des partenaires commerciaux de l’Amérique, transformant une récession en Grande dépression.

À l’évidence, une guerre commerciale au milieu d’une crise économique ne serait pas dans l’intérêt des USA ou de tout autre pays (bien que le président Sarkozy se soit obstiné à déclarer devant des syndicalistes récemment qu’« une taxe carbone aux frontières est vital pour nos industries et nos emplois »).

Imposer des droits de douane « verts » de manière unilatérale éloignera aussi des partenaires commerciaux qui pourraient être cruciaux pour les ambitions environnementales d’Obama à Copenhague et à Pittsburgh, où il doit convaincre les pays du G20 que sa politique du climat n’étouffera pas la reprise économique. De nombreux politiciens européens partagent cette vision. Le ministre suédois de l’environnement Andreas Carlgren, dont le pays préside actuellement l’Union, a déclaré récemment : « si le Sénat passait cette loi, il n’y aurait pas de raison pour la Chine de ne pas signer » une réduction d’émissions.

Mais en réalité, les dirigeants chinois et indiens ont condamné à plusieurs reprises l’idée de droits de douane « carbone ». Todd Stern a admis que « les pays en développement tendent à considérer cela comme un problème qui n’est pas le leur et qu’on leur demande de résoudre en étouffant leur capacité à tirer vers le haut leurs conditions de vie ». Obama devra fournir des efforts d’explication en novembre lors de sa visite en Chine, d’autant plus que sa récente décision d’imposer des droits de douane sur les pneus chinois y a soulevé une certaine animosité.

Le commerce est mutuellement bénéfique, il promeut la concurrence, l’innovation et le développement économique, c'est-à-dire plus d’argent pour la protection de l’environnement. Les droits de douane « carbone », que cela soit de la loi Waxman-Markey ou du Président Sarkozy, auront un impact mineur sur le climat mais causeront des dommages aux économies tout autour de la planète.

Sallie James est analyste au Cato Institute à Washington DC.


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