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Avaler la pilule

Publié le 24 septembre 2009 par Politicoblogue
Jean Charest

Jean Charest

Le gouvernement Charest envisagerait de hausser les tarifs de plusieurs services publics. Il faudra en effet s’y résoudre. La question est complexe, émotive et baigne dans la démagogie.

Personne n’aime payer plus. Nous sommes donc portés à nous fabriquer des échappatoires sur mesure : que le gouvernement cesse de gaspiller, que les riches fassent leur part, qu’on en finisse avec les paradis fiscaux et les subventions aux gras durs, etc. On connait la litanie. Ah, si les choses étaient si simples !

Comme j’ai participé à la rédaction du rapport Montmarquette, que le gouvernement nous avait commandé sur ce sujet, on me permettra de remettre quelques pendules à l’heure. Vous le trouverez aisément sur Internet… accompagné évidemment des habituelles jérémiades démagogiques et mal informées.

Un tarif n’est pas un impôt. L’impôt est ma contribution globale au financement des missions de l’État. Un tarif est le prix que je paie pour un service précis dont je peux, jusqu’à un certain point, choisir de moduler la consommation.

Au Québec, les tarifs sont généralement plus bas qu’ailleurs au Canada, alors que les services publics ne coûtent pas moins cher à produire. Ici, pour des raisons strictement politiques, on fixe les tarifs à des niveaux absurdement bas, qu’on gèle pendant des années, et on finance les services presque essentiellement par nos impôts.

Cette façon de faire est remplie de conséquences négatives. D’abord, plus les gels durent longtemps, plus les dégels sont brutaux quand ils doivent inévitablement survenir.

Cela explique aussi en partie la lourdeur des impôts chez nous. Si la production du service n’est pas financée par le tarif qu’on vous charge, il faut bien prendre l’argent quelque part.

En plus, comme on paie en bloc plutôt qu’à la carte, les gens n’ont aucune idée du coût réel des services qu’ils consomment. Le tarif qu’on vous charge ne couvre en effet qu’une infime fraction du coût des machines, du personnel, des matières premières, etc. requises pour produire et vous acheminer le service.

Cette perception décrochée du réel est encore plus forte chez ceux qui ne paient pas d’impôts, parfois pour d’excellentes raisons. Dans les faits, leur consommation est financée par les autres. Mais je le répète : dans bien de cas, ça se justifie.

Quand un service est tarifé très en dessous de sa valeur réelle, on le consomme aussi sans y faire attention et, si on en a les moyens, on gaspille. Des tarifs trop bas sont donc une subvention dont profitent ceux qui ont les moyens de gaspiller, qui sont les riches. Je ne suis pas sûr de voir ce que cela a de «progressiste».

Tout financer par l’impôt empêche aussi les gens de voir le lien entre la qualité à maintenir du service et la nécessaire contribution de chacun. Quand on paie un péage, on sait qu’on finance, si c’est correctement organisé, l’entretien du réseau.

Les exemples absurdes sont archi-connus. En dollars constants, le coût des études universitaires a baissé sur le long terme, sans aucun effet mesurable sur l’accessibilité. Le seul impact de la politique actuelle est d’affamer un réseau déjà sous-financé et de compromettre la qualité de l’éducation offerte.

Notre manière de gérer l’hydroélectricité, elle, revient à brader à vil prix la plus précieuse ressource du Québec. Les travaux de Jean-Thomas Bernard, Gérard Bélanger, Marcel Boyer, Pierre Fortin, etc. sont éloquents. Comme ils l’expliquent, les bons prix ne sont pas nécessairement les bas prix, mais ceux qui établissent un équilibre entre l’efficacité et l’équité.

Nous avons cependant été habitués à penser que parce que la ressource nous appartient et qu’un État n’est pas une entreprise à but lucratif, nous devrions payer le moins possible. Il suffit de regarder ailleurs pour voir que nous sommes l’exception et non la règle.

Je plaide évidemment coupable puisque j’ai fait partie d’un gouvernement qui a gelé les tarifs d’Hydro-Québec pendant de longues années. Une erreur…

Fondamentalement, il faut mettre la fixation des tarifs le plus loin possible des influences politiques, et tenir davantage compte du coût de production réel du service. Les gens doivent aussi connaître la vraie valeur de ce qu’ils consomment, ce qui ne veut pas dire qu’ils doivent payer le coût de production.

Les moins fortunés doivent être protégés par des mesures spécifiquement concentrées sur eux, et non par une politique de bas tarifs pour tous. Et bien sûr, les revenus de tarification doivent, autant que possible, aller au financement de ces services, et pas ailleurs.

Gouverner sérieusement, c’est parfois accepter de se rendre impopulaire. On verra bien. Fondamentalement, il faut se mettre en tête que le Québec ne se redressera pas si nous ne faisons pas un effort collectif auquel chacun d’entre nous devra contribuer. Chacun.

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