J’ai reçu récemment deux communiqués de presse de NEC Display et Toshiba qui lancent des programmes Green IT. Entre greenwashing et intentions louables, leur positionnement n’est pas clair.
La campagne « Green Vision » de NEC Display Solutions synthétise les engagements de la marque sur le long terme, en matière d’environnement. Elle est basée sur deux piliers :
- la « Green Productivity » (productivité verte) qui repose sur une augmentation de l’efficacité des utilisateurs alliée à une réduction de la consommation électrique, plus de transparence sur l’impact écologique des produits, et le respect de certains éco-labels (TCO 5.0, Energy Star 5.0 et EPEAT),
- la « Green Sustainability » (durabilité verte) se traduit par la non utilisation de substances nocives pour l’environnement, l’utilisation croissante de bio plastiques, plastiques et métal recyclés, la réduction de la taille et du poids des emballages des écrans Public Display, et l’amélioration de la chaîne logistique.
Voilà ce que dit en substance le communiqué du fabricant.
L’engagement d’un acteur d’envergure mondial comme NEC Display est une bonne nouvelle. Produire des écrans économes en énergie est un réel progrès. Réduire les emballages et utiliser des matières recyclées est un réel progrès.
Cependant, un point me choque. Dans son communiqué, NEC Display indique qu’en Europe, “25 % des déchets électroniques sont actuellement recyclés (…) Face aux quantités de déchets générés, les constructeurs ont une part de responsabilité et ils doivent faciliter le recyclage autant que possible. NEC Display Solutions l’a compris depuis longtemps et assume sa responsabilité”.
25% cela signifie que 3 écrans sur 4 partent purement et simplement à la poubelle, avec des conséquences désastreuses pour l’environnement et la santé des hommes*. Dans ces conditions, pourquoi insister sur le recyclage plutôt que sur le caractère “durable” du matériel ? Le geste le plus “durable” est d’utiliser le plus longtemps possible son matériel. Pourquoi NEC Display ne s’engage-t-il pas sur la durabilité de son matériel, en l’assortant par exemple d’une garantie plus longue ? Cela réduirait drastiquement le volume de déchets produits et le coût pour l’entreprise (les entreprises remplacent presque systématiquement le matériel qui n’est plus garanti).
Prime à la casse chez Toshiba
Le cas de NEC n’est pas isolé. Dans un autre communiqué reçu le même jour, “TOSHIBA préconise à ses clients une équation gagnante qui leur permettra d’imprimer de manière responsable et de faire des économies durables. Pour les encourager dans cette démarche inéluctable et les inciter à des achats responsables, le constructeur offre du 1er au 30 septembre 2009, une prime écologique allant jusqu’à 1000 euros sur l’acquisition d’un multifonction nouvelle génération. Ce nouveau matériel éco-conçu et innovant permet de réduire de 40% la consommation d’énergie (comparé aux multifonctions d’anciennes générations) avec seulement 1Wh en mode veille.”
Cette “prime à la casse” pousse les entreprises qui possèdent un matériel parfaitement fonctionnel à le remplacer. Donc à produire inutilement des déchets électroniques (le vieux matériel) et à produire de nouveaux futurs déchets (le nouveau matériel). Les économies d’énergie réalisées durant la durée d’utilisation du nouveau matériel ne compenseront jamais l’impact environnemental global de ce renouvellement, notamment la pression sur les écosystèmes, les émissions de CO2, et les pollutions liées à la fabrication de ce nouveau matériel ”éco-responsable”.
Quant au paramétrage éco-responsable, on peut très bien paramétrer un matériel existant.
Pourquoi ce double langage ?
NEC Display et Toshiba ne sont pas les seuls dans ce cas. L’industrie informatique dans son ensemble doit faire face à un paradoxe : le geste le plus responsable pour un particulier ou un responsable informatique est de ne pas acheter de nouveau matériel et de prolonger le plus possible la durée d’utilisation du matériel existant. Ce qui ne colle pas avec le modèle économique des fournisseurs qui repose sur l’accroissement de leurs ventes. Des ventes qui sont déjà mal en point.
L’industrie informatique dans son ensemble doit pourtant comprendre que l’écosystème planétaire - sur lequel repose la survie de l’humanité - ne peut plus s’offrir le luxe d’un renouvellement trop fréquent de matériel. Dans ces conditions, pourquoi ne pas changer de modèle économique ? En glissant par exemple de l’économie du produit à l’économie du service (économie de la fonctionnalité) ?
* L’écroulement de la biodiversité et le réchauffement climatique sont deux enjeux de survie pour l’humanité. Selon l’IUCN, sur 45.000 espèces suivies par l’étude, 16.928 sont menacées d’extinction, soit 1 oiseau sur 8, 1 mammifère sur 4 et 1 amphibien sur 3. La biodiversité s’effondre à un rythme 1.000 à 10.000 fois supérieur au rythme naturel. 21% des mammifères sont en danger.