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La semaine des 4 jours. Réponse à monsieur Tréhet, maire de Brécey

Publié le 25 septembre 2009 par Grainedesoleil
Le 21 septembre, je recevais sur mon blog le commentaire de Bernard Tréhet ( ci dessous), suite à un article écrit à propos du  point de vue de Philippe Mérieu sur les réformes scolaires.( vous pouvez retrouver l'article initial ici:  http://grainedesoleil.over-blog.com/article-25695922.html) Le commentaire m'ayant interpellé j'entreprends ici de répondre à monsieur Tréhet. Brécey, le 21 septembre 2009     Bernard TREHET Vice président du Conseil général de la Manche Chargé des affaires économiques Président de la Communauté de communes du Canton de Brécey Maire de Brécey   Votre article sur la semaine de 4 jours met du baume au cœur d’un élu local dont la commune est la seule du département de la Manche à avoir maintenu la semaine de 9 demi-journées pour son école primaire, son école maternelle et l’école privée. Ce maintien a été décidé par les conseils d’école qui l’ont voté à l’unanimité de leurs membres.   Tous les chronobiologistes avec lesquels j’ai eu l’occasion de travailler voici une dizaine d’années ainsi que Philippe Meyrieu, professeur, bien connu en sciences de l’éducation ont plaidé sans succès la cause des 9 demi-journées. L’Etat a-t-il eu d’autres objectifs que ceux de l’intérêt des enfants lorsqu’il a décidé de permettre une organisation pédagogique sur quatre jours ?   Une telle organisation est anti sociale et anti éducative parce qu’elle ne prend pas en compte les difficultés des familles souvent représentées par des parents privilégiés dans les conseils d’écoles.   Les écoles de Brécey ont choisi de travailler le mercredi matin. La journée s’arrête à 15h45 en primaire et les enfants sont pris en main ensuite par la commune pendant que leurs camarades qui éprouvent des difficultés scolaires reçoivent des cours de soutien de 15h45 à 16h30, trois fois par semaine.   Pourquoi ce choix et cette organisation ? pour les raisons que vous évoquez dans votre article mais aussi pour éviter les inégalités sociales. La fracture scolaire est en effet liée à la fracture sociale. Tout d’abord, le revenu moyen des familles dans la Vallée de la Sée indique une certaine précarité qui oblige les deux parents à travailler. Que deviendraient alors les enfants de ces familles le mercredi matin ?   Ils seraient tout simplement obligés de venir au centre d’accueil de la commune dès le départ des parents au travail alors que les enfants de familles plus aisées pourraient se reposer. Ajoutons également le fait que cette garderie est payante dans beaucoup de communes.   Ce système est en réalité l’ouverture sur une éducation à deux vitesses. Qui plus est, là où la garderie n’existe pas, la mère de famille ou le père de famille doit rester à la maison à moins qu’ils ne laissent les enfants seuls avec les risques de déviances ou d’accidents. Ainsi aux orphelins de 16 heures, s’ajoutent ceux du mercredi ou du samedi matin. Ce n’est pas tout à fait le cas dans la Vallée de la Sée ; la commune de Brécey a ouvert son centre de loisirs le mercredi matin pour donner une solution aux familles des communes de la Vallée de la Sée concernées par la semaine de quatre jours.   Enfin, la discrimination a également lieu au niveau du soutien des enfants qui le subissent soit le midi, soit le soir, soit le mercredi matin lorsque leurs camarades sont en récréation… Tout se passe comme si les enfants en difficulté avaient une capacité d’attention plus grande que les autres.   Bien entendu, l’Etat aura tôt fait de se rendre compte de ces disparités. Deux choix s’offriront alors à lui. Soit de revenir à la semaine des 9 demi-journées soit de supprimer le soutien et de récupérer quelques heures d’enseignement susceptibles d’entrainer la suppression des postes…     Bernard TREHET   PS : Il semble que, sur internet, les parents seraient en majorité pour la semaine de quatre jours. Internet n’est pas un sondage. Il faut avoir du temps pour utiliser internet. Les parents qui travaillent et reviennent le soir chez eux après le travail ont souvent d’autres chose à faire que de s’exprimer sur internet. Monsieur,   Votre commentaire à propos du rythme scolaire et du choix de la commune de Brécey à rester sur l'organisation d'un rythme scolaire hebdomadaire de 9 demies journées, à son tour m’interpelle. Certes, le sujet est de taille et pour ceux qui sont de fervents défenseurs de l’éducation populaire et de l’épanouissement de l’enfant, il est toujours à re questionner. D’autant que rarement l’enfant est placé au coeur des préoccupations. En effet, les grands points de polémiques à ce sujet évoquent surtout des préoccupations économiques et l’organisation de la vie des parents. " Les rythmes scolaires ont été fondés selon les pays sur des considérations économiques ou religieuses mais jamais en fonction de l’enfant ", explique Hubert Montagner (Directeur de recherche à l’INSERM, Directeur de recherche en psychophysiologie et psychopathologie du développement à l’Université de Bordeaux II ).   Les professionnels qui sont les plus savants à ce sujet ( dits " les scientifiques ") se nomment les chronobiologistes. La discipline est assez récente. L’idée principale est que les performances physiques et/ou intellectuelles de chacun (enfant comme adulte) varient tout au long de la journée, de la semaine, de l’année. Les recherches permettent aussi de comprendre que personne n’est programmé pour faire une seule et même tâche durant de longues heures. Les conclusions insistent sur le rythme Veille/sommeil, qui est le premier régulateur individuel et bien sur aussi sur l’alternance jour/nuit. En se référant aux recherches du Professeur Montagner ou encore du Professeur Testut, il semble que la France n’est pas choisi, et ce depuis bien longtemps, de privilégier les performances de l’enfant par le choix du rythme scolaire mis en place.   L’avancée des recherches permet de savoir que la journée de 6 heures scolaires que nous proposons en France (dont 30 minutes de récré et la plus longue journée de scolarité au monde) est bien trop lourde a supporter pour prétendre à la concentration des enfants tout au long de la journée. Ce rythme engendre même nervosité ou désintérêt de l’enfant. De plus on connaît " les créneaux de  décrochage " les plus certains dans une journée: avant 9 heures le matin, entre midi et 15H l’AM et après 16h30. Ces horaires sont à titre indicatifs et à moduler avec l’environnement et surtout l’alternance Veille/sommeil de chaque individu. Or, " pour comprendre la nature des contraintes qui pèsent sur l’enfant à l’école, on doit s’intéresser à son vécu, ses conditions de vie, ses rythmes et notamment son rythme veille/sommeil ", souligne le chercheur.   La plage de temps à partir de 16h.00-17h.00 se caractérise par une augmentation du métabolisme, de la température corporelle et de la force musculaire, et une optimisation des coordinations motrices. Elle se prête donc bien aux activités physiques et sportives. " L’idéal étant une semaine de 5 jours, avec des horaires plus souples : de 9h30 à 12h, et de 15h à 17h", conclut Hubert Montagner. C’est donc une véritable ré organisation pédagogique qu’il faudrait entreprendre !   Du point de vue des chronobiologistes, la semaine de 4 jours est un faux problème. En effet, le rythme scolaire ne s’envisage pas seulement en fonction d’un rythme hebdomadaire établie, mais pour prendre en compte le rythme de l’enfant il faudrait pouvoir retisser toute l’organisation, de la journée d’école jusqu’à l’année scolaire. Une vraie révolution du rythme de vie de la société se réaliserait si on mettait au cœur de la problématique la priorité du respect du rythme de vie de l’enfant ! !   On sait aussi que pour se réadapter à chaque nouveau rythme de vie, il faut au moins 15 jours à chaque individu. Ainsi, à chaque vacances de 15 jours, l’enfant vient juste de s’adapter à son rythme de vacances et il doit se ré adapter à nouveau au rythme scolaire ! Contradictoire ? Ce qui détermine aujourd’hui le débat de la semaine de 4 jours est donc essentiellement le lien économique et social, l’environnement de l’enfant, le rythme de travail des parents, les moyens de la Commune et des parents.   En effet, vous avez raison de dire qu’en fonction de la situation familiale les élèves ne sont pas égaux. Ils y a des familles où les deux parents travaillent et de plus en plus, d’ailleurs. Dès lors, comment faire pour que l’enfant puisse au mieux vivre un rythme qui lui est plus adapté ?   Qu’il y ait école ou non le mercredi matin, si les deux parents travaillent, ne change rien. L’enfant devra se lever, soit pour aller à l’école soit pour aller au centre de loisirs. A moins d’avoir une nounou à domicile ( et pourquoi pas après tout, dans le cadre des chèques emploi/service, une aide peut être octroyée.). Ceci dit, la famille la plus pauvre n’aurait toujours pas les moyens de se financer la nounou. C’est alors à l’école ou au centre de loisirs de savoir adapter l’organisation de la journée, par des aménagements par exemple qui permettent la détente à l’accueil et lui permettre d’émerger donc, malgré la contrainte du lever… En partant du même principe, c’est la journée scolaire qui est à revoir, en l’occurrence le temps du début d’AM, où nous sommes tous en période de somnolence. D’ailleurs le milieu de l’entreprise l’a compris et certaines d’entre elles mettent à disposition aujourd’hui des salles de détente, pour les salariés. Mais enfin et surtout le taux horaire quotidien et scolaire. Pourquoi tant d’heures ? Sans parler des devoirs à la maison le soir. Ainsi on impose aujourd’hui à nos enfants des journées de 7 à 8 heures de concentration quotidienne. Quant à la matinée du samedi matin travaillée ou non, on reconnaît facilement que cela permet à toute la famille de partir en week-end, et donc de consommer !   La chronobiologie a permis de comprendre que les adultes demandent à l’enfant de s’adapter à un rythme qui est contradictoire avec leurs performances physiques et intellectuelles.   A mes yeux, les temps de loisirs sont la continuité du temps scolaire, dans l’éducation de l’enfant, et je serai partisante d’une éducation nouvelle ? un vrai partenariat éducatif entre l’école et les loisirs qui permettrait de ré organiser l’activité de l’enfant….Un rythme différent prenant d’abord en compte le respect du rythme de l’enfant et la sollicitation des motivations de l’enfant dans l’expérimentation de son apprentissage : aménager des plages d’apprentissages fondamentaux à des horaires adéquates, créer de réelles plages d’expérimentation et d’observation de terrain, avec comme cadre pédagogique, le projet.   Elle est bien isolée cette petite semaine dans le vaste chantier des rythmes de vie et scolaire. Quelles sont les réelles motivations autour de ce débat ? A chacun d’y réfléchir et de se faire son opinion.   Pour terminer, je glisserai juste un mot sur le choix de l’horaire des aides aux enfants le plus en difficulté dans votre commune. Regrettable que l’heure de soutien se situe à l’heure où le métabolisme est le plus excité. La concentration en fin d’AM pour les disciplines intellectuelles, est presque à son minimum. En revanche c’est un temps pour se dépenser dans une activité physique : pourquoi ne pas créer les cours de sports à ce moment là ? Les clubs de sports l’ont compris et c’est tant mieux…En revanche je plaint les enfants qui doivent faire leurs devoirs après !  A mes yeux, vous l’aurez compris, la semaine des 4 jours soulève intrinsèquement la plus vaste question de l’organisation pédagogique de toute une année scolaire! Mais aussi des réflexions autour du rythme de vie des adultes. Une révolution?   Monsieur Tréhet, je vous remercie de votre commentaire sur mon blog, qui aura permis l’échange et le débat. Je vous invite à venir nous faire partager votre point de vue, dès qu’il vous sera gré de le faire. Bonjour chez vous! Catherine Lormant. Animatrice socioculturelle. 

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