Depuis sa création en 1921 sur le circuit allemand du Nürburgring (victoire de l’italien Alfredo Binda), le Championnat du monde a toujours eu lieu sous la formule des équipes nationales qui consiste à rassembler sous un même maillot, celui de la formation nationale, les meilleurs coureurs d’un pays. Au début, bien que les marques soient omniprésentes dans le cyclisme et surtout le fassent vivre, l’affaire ne suscite que peu de problèmes. Mais au fil du temps, sont apparus les conflits de personnes, puis les conflits d’intérêt.
Les conflits de personnes sont apparus avec le dualité, en Italie, Coppi-Bartali, suivis peu après par les problèmes nés de la cohabitation en Belgique entre Rik Van Looy et certains de ses « équipiers » puis en France le duel Anquetil-Poulidor et ensuite en Belgique le refus de donner à Eddy Merckx les pleins pouvoirs quant à la sélection de l’équipe théoriquement mise à sa disposition.
A ces problèmes concernant les relations entre des personnes sont rapidement venus s’ajouter les conflits nés de l’importance accrue des marques dans l’organisation du cyclisme. Telle firme qui employait à longueur d’année le coureur X voyait d’un mauvais œil que ce coureur X, le temps d’un Championnat du monde, collabore avec le coureur Y, adversaire notoire tout au long de la saison.
L’histoire des Championnats du monde fourmille de faits démontrant combien parfois la lutte fut vive non seulement au sein du peloton entre les équipes mais encore au sein même des équipes ou la notion d’entraide n’avait plus aucune signification. En 1977, au Venezuela, par exemple Eddy Merckx, pourtant trois fois champion du monde, était tellement banni de la formation belge qu’il prenait tous ses repas avec la délégation française et partageait même l’entraînement des tricolores. D’ailleurs, pour ce qui fut son dernier Championnat du monde, il termina volontairement à la dernière place.
Depuis, la situation a évolué. En règle générale les membres de la même formation font bloc autour de leurs leaders désignés et l’on entend de moins en moins parler de course achetée ou vendue.
En France, dès 1976, le colonel Richard Marillier, alors Directeur Technique National, a réussi sans doute le premier à donner une signification à l’équipe de France. Ancien militaire, habitué à commander les hommes, il a crée un véritable esprit commando qui a abouti en 1980 à la victoire de Bernard Hinault, à Sallanches, au terme d’une épreuve qui restera pour toujours dans les mémoires tant elle fut acquise de magnifique façon.
Cette année, en raison des mauvais résultats des coureurs français dans les grandes épreuves internationales, l’équipe de France n’est forte que de six unités. Laurent Jalabert, le sélectionneur national, a porté avec juste raison son choix sur six volontaires aptes à supporter les embûches d’une telle épreuve. Sa sélection ne souffre d’aucune discussion. Christophe Le Mevel, Christophe Riblon, Pierrick Fedrigo, Sylvain Chavanel, Thomas Voeckler et Dimitri Champion ont tous accepté de jouer la carte équipe de France. Ils ont souvent conversé avec Jalabert durant les semaines précédant l’épreuve. Ils se sont préparés individuellement, chacun suivant son instinct mais sont présents à Mendrisio depuis le début de la semaine pour des entraînements en commun, ce qui était loin d’être le cas il y a peu.
On peut donc espérer que cette équipe de France, qui ne peut influencer le déroulement de la course en raison de son infériorité numérique, saura jouer un rôle intéressant au cours des derniers tours de l’épreuve, là ou se joue toujours le titre mondial.
Affaibli par son manque cruel de grands coureurs, le cyclisme français peut à l’occasion de ce Championnat du monde se refaire une petite santé comme il le fit lors du dernier Tour de France.
Jean-Paul