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Vincent Message, les veilleurs

Publié le 26 septembre 2009 par Castor

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Vincent Message est né en 1983. Il est normalien et enseigne la littérature comparée à Paris 8. Il propose avec les Veilleurs (Seuil) son premier roman: un pavé de plus de 600 pages qui nous entraîne dans les dérives psychologiques d'un assassin, Oscar Nexus.

Son crime ? Avoir abattu froidement et à bout portant, dans la rue, 3 personnes puis s'être endormi à leur côté. Qui est-il ? Quels sont les mobiles de son crime ? Est-ce un crime politique comme le soupçonne le gouverneur Drake ?

Alors que Nexus est resté muet durant son procès, l'association d'un officier de police, Rilviero, et d'un médecin, Tramfreud, va reprendre l'enquête et tenter de comprendre l'assassin.

Etait-il conscient ? A-t-il été manipulé ? Pour cela, ils s'enferment dans un bâtiment de pierre à l'architecture audacieuse, perdu dans les hauteurs montagneuses. Rilviero et Tamfreud observent Nexus, l'isolent  puis l'écoutent et découvrent un monde parallèle, celui des rêves, de Seabra. Le récit est alors fait de méandres. La psychanalyse, l'investigation et le rêve se mélangent. Et rendent cette lecture parfois ardue.

L'intrigue progressivement devient secondaire et on se perd dans la description d'un monde parallèle. Nexus est-il un affabulateur, un manipulateur ? Les chapitres composés de ses monologues intérieurs sont à la fois dérangeants et fascinants. C’est sans doute un moyen pour l’auteur d’inciter le lecteur à s’identifier à l’assassin et d’ainsi l’impliquer dans le récit.

Jusqu'où le policier et le médecin sont-ils prêts à aller pour mener à bien leur mission ?

J’ai erré dans ce livre, m’y suis perdu, parfois ennuyé tout en reconnaissant l’érudition de son auteur et la maîtrise d’une intrigue qui n’a pas peur de dévier sans cesse. Il m’a fallu me concentrer, relire certaines phrases dont le sens m’avait échappé à la première lecture, me motiver à continuer d’avancer dans ce récit. Et au final, le sentiment bizarre d’être entré dans un univers, d’avoir partagé avec l’auteur ses visions, déliré avec lui sans trop savoir pourquoi, le simple plaisir de la lecture s’était perdu dans les méandres du récit. Ce sentiment bizarre est peut être celui du rêve.

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Les librairies Virgin et le magazine Lire ont primés ce livre à l'atmosphère parfois proche d'un film de David Lynch.

Extrait :

À en croire la très bonne parole, il faut que je sois fou. Ils ont réfléchi toute la nuit derrière des portes closes, et maintenant que la fatigue a fini par les mettre d'accord, ils peuvent le dire sans aucun risque de se tromper: c'est ça. L'un d'eux monte au créneau pour défendre cette position. Le pauvre est mal barré. Pour rien au monde je n'échangerais nos places. Il se racle la gorge, toussote d'un air qu'il voudrait compétent. Moi je regarde l'auditoire et les filets de salive suspendus à ses lèvres. Du coup le diagnostic m'échappe, ou peut-être je n'y comprends rien, et la Juge doit lui demander d'articuler encore une fois. Alors, en détachant mieux les syllabes : per­pétuité. Après qu'il a lâché ce mot, son visage pris de vertige se décompose ; il se retourne vers ses collègues, guettant un signe d'approbation, mais les autres ont disparu dans leurs cols de chemise et ne sont plus en état de hocher la tête. Il se met à chercher un appui dans la salle, un point quelconque où fixer son regard ; il ne trouve pas ; partout le bois travaille et bouge, les lattes craquent sous le poids de ceux qui sont morts. Il s'égare plusieurs heures, puis ajoute d'une voix qui me paraît manquer de conviction : «Car s'il est difficile de juger de la personnalité de l'accusé ou des raisons de son acte, étant donné sa mauvaise volonté évidente et son refus de coopérer avec la justice, les faits du moins sont clairement établis. »

On en revient donc aux faits : je me suis trouvé mêlé à une affaire de meurtre. Par un beau matin de février, un peu froid mais lumineux, je suis descendu dans la rue armé d'un pistolet et j'ai tué trois personnes. C'étaient apparemment des gens que je ne connaissais pas, et qui ne m'avaient rien demandé. Ils étaient des êtres humains, moi aussi peut-être, et ça ne se passait pas trop mal.


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