Night Watch... Day Watch... Just
Watch
Considéré comme beaucoup comme un film à effets spéciaux vide de sens, dénué d'intérêt dramatique ou à la morale trop discutable, Wanted, s'il s'est avéré un sacré bon coup au box-office, divise au sein du public.
Alors, que se cache-t-il vraiment derrière cette apparente débandade d'action survitaminée et de gunfights stylisés?
Que font Angelina Jolie et Morgan Freeman au beau milieu de tout ça?
James McAvoy a-t-il l'étoffe d'un action-hero?
Timur Bekmanbetov est-il complètement cintré?
Me, myself & I ont enquêté...
"Pose ton cerveau et installe-toi 5 minutes..."
Pour beaucoup de films, il faut avoir le cran de patienter que l'histoire démarre - ce qui peut s'avérer assez long - et que le scepticisme de départ se dissipe peu à peu, dissout dans la trame
narrative, estompé par l'image captivante. C'est d'autant plus vrai dans le cas de
Wanted. Si vous passez outre l'explication abracadabrante du début, relatant la création d'une confrérie d'assassins par un conglomérat de
tisserands, vous tiendrez le bon bout. Si, après cela, vous survivez à l'incroyable saut entre deux buildings d'un type louche en quête d'un fabricant de douilles mystérieuses, vous serez
parés pour le reste du film. En effet, passées les premières invraisemblances, on se fait à l'idée que Wanted
ne va pas donner dans la philosophie ni la délicatesse, et on accepte de se focaliser sur l'essentiel pour ce genre de films: la photographie, plutôt superbe, et l'action, plutôt inventive.
Wanted est un film appelant à une jouissance immédiate, celle d'un dérouillage brute de décoffrage, débordant
de fun, et évitant le cas de conscience au maximum. La crédibilité, on s'assoit joyeusement dessus, avec des séquences écrites pour tester les limites du possible plutôt que pour favoriser
l'adhésion d'un public qui réfléchira trop (la séquence du train est cependant réellement invraisemblable). C'est bourrin, c'est loin d'être fin, mais ça se mange sans faim... pour peu que
l'on est envie de steak et pas de salade verte. Vous voyez le tableau?
Ah bon? C'est un comic-book?
Si on ne me l'avait pas dit - et si je ne l'avais pas vu noir sur blanc - jamais je n'aurais pu dire que Wanted est inspiré d'un (récent) comic-book de Mark Millar. Encore que, après coup, il est assez évident que le
film contient nombre d'ingrédients qui ont fait la réputation des comics: la société secrète, l'initiation du héros, la cible, la morale équivoque, les
personnages somme toute très stéréotypés (ils n'ont pas de
superpouvoirs, mais de super-aptitudes quand même). Et il est vrai qu'à plusieurs reprises, j'ai eu des réminescences de 300 ou de Watchmen, dans la traitement graphique essentiellement.
Ralentis stylisés, éclaboussures de sang figées dans l'espace, semblants d'arrêt sur image... L'action, décortiquée, trouve sa substance dans chaque plan, justifiant autrement que
scénaristiquement son existence à l'écran. Le mouvement se fait ample, révélant des détails qui auparavant seraient passés inaperçu. En fait, avec cette nouvelle façon de filmer, on prend le
temps de savourer l'action, de bout en bout, comme si l'on avait enfin pris conscience que l'appréciation de ce genre n'est pas nécéssairement synonyme de plans saccadés et de vitesse entêtante.
A l'instar d'un Zack Snyder ou des frères Wachowski, Bekmanbetov sublime la portée
brute des événements, et donne à contempler plutôt qu'à percevoir l'action en cours.
Côté intrigue, si le début peut donner des sueurs froides, ça s'étoffe - toutes proportions gardées - par la suite, avec l'ébauche d'un vrai rite initiatique pour l'anti-héros, qui s'inscrit dans
un contexte bien plus grand que lui, celui de la société secrète qui produit des assassins professionnels depuis des lustres. Ceux qui n'auront pas tout à fait renoncé à réfléchir à la question
trouveront impensable que ce "club" de tueurs se croient réellement investi d'une mission - celle de rétablir l'équilibre dans le chaos (c'est beau!) - en se basant sur la seule lecture d'un
bout de tissu (rapport aux tisserands du début, si vous voulez en savoir d'avantage, voyez le film). Ni qu'ils n'en demandent pas d'avantage sur leurs "cibles". En fait, on réduira aisément ces
faucheurs professionnels à une secte de fondus de la gachette, galvanisés par un métier à tisser censé dérouler la trame du destin, confortés dans l'idée qu'ôter la vie à quelques-uns peut en
sauver des milliers d'autres, encouragés à s'adonner à leur hobby tant que cela sert la volonté du "destin". Oui, certains d'entre vous trouveront la pilule difficile à avaler. Mais il
serait idiot de réduire à ce concept réducteur un film qui ne se prend, au demeurant, pas vraiment au sérieux. Et puis, quand on y réfléchit, le postulat de départ, à savoir la confrérie
d'assassins, ça ne date pas d'hier... Du coup, dans le contexte, ça passe. Même si l'idée pêche par manque d'exposition, perdant en crédibilité. Mais, comme je le disais plus haut, l'intrigue se
rattrappe sur l'évolution de son personnage principal. Et, en définitive, c'est là que réside tout l'intérêt de Wanted.
Wanted: James McAvoy
Je me souviens qu'à la sortie du film, l'été dernier, beaucoup redoutaient le choix de James McAvoy pour le rôle de Wesley Gibson. Et pour cause: plus habitué
aux rôles dramatiques purs ou aux compositions de jeune premier, on se le figure a priori assez mal dans la peau de l'action-hero en devenir... Et on se trompe. McAvoy justifie à lui seul de voir
le film (comme je l'avais déjà pressenti à l'époque). J'avoue, avoir un faible pour le jeune homme dés le départ est un atout indéniable. Mais nier l'évidence devant Wanted est tout simplement peine perdue: c'est bien simple, il crève l'écran. Et confère un intérêt non négligeable à
l'histoire de ce pauvre hère dont la vie bascule du tout au tout du jour au lendemain. C'est un peu comme si McAvoy se révélait en même temps que Wesley. Au début du film, on le retrouve dans la
peau du personnage type qu'on l'imagine incarner: celui du pauvre type maladroit, victime de sa propre existence, trop bon (donc trop con), sans cesse en train de s'excuser, régulièrement
terrassé par des crises d'angoisse impressionnantes. Le gentil gars pour lequel on compatit, et auquel on souhaite mieux. Et puis, brusquement, tout s'emballe, et monsieur tout-le-monde se
retrouve embarqué dans une histoire dont les engrenages le dépassent. Si l'on peut décemment s'interroger sur la santé mentale du jeune homme, et sur ses motivations (qui irait se fourvoyer dans
une usine à assassins quand on a sur son compte en banque 3 millions de dollars, hum?), on ne retiendra que sa ténacité. Et la prestance de plus en plus évidente de McAvoy dans toutes les
situations. Il est juste, dans tout ce qu'il interprète. Et porte les trois quarts du film sur ses épaules. Ni Angelina Jolie et sa vertigineuse chute de
reins, ni Morgan Freeman et son flegme toujours classe, n'y changent quoi que ce soit. Le point de mire, c'est lui. Et le contraste entre les premières
minutes du film et la toute fin de celui-ci est éloquent. Si d'aventure, James McAvoy envisage de (re)donner dans le registre de l'action-hero, qu'il y aille,
les yeux quasi fermés. Car s'il se dépatouille comme un chef avec un gun à chaque poing, il n'aura jamais rien d'un Rambo. Trop subtil pour ça...
"Choisis ton destin"
Au coeur de cet action-movie dopé à la testostérone et excité à l'oestrogène, on a quand même droit à une morale finale (après un twist sympatoche qu'on nous avait aimablement gardé au
chaud) qui, elle, n'est pas discutable: sois tu subis, sois tu agis. En clair, il faut savoir prendre son existence en main, plutot que de la regarder passer en regrettant de ne pas savoir
prendre le train en marche. Et, pour le coup, ça a quand même de la gueule, au beau milieu de tout ça.
Bref, Wanted s'avère, au-delà des apparences, d'une solide efficacité. C'est divertissant, c'est suffisamment
prenant pour ne pas paraître indigeste, c'est bien mené, et bien interprété, dans l'ensemble. Le tout est de savoir comment le regarder. Pas au premier degré en tous cas.
EN BREF:
*Indice de satisfaction:
*1h50 - Américain - by Timur Bekmanbetov - 2008
*Cast: Angelina Jolie, James McAvoy, Morgan Freeman, Thomas Kretschmann, Konstantin Khabensky...
*Genre: Tire plus vite que ton ombre
*Les + : La photographie, le second degré, quelques trouvailles bien senties, James McAvoy.
*Les - : Formellement déconseillé à ceux qui sont incapables de se mettre en mode "off", ou aux réfractaires au second degré.
*Liens: Fiche film Allocine
Site officiel
*Crédit photos: © Paramount
Pictures France