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Roman Polanski: enfin en prison?

Publié le 28 septembre 2009 par Nemo
Roman Polanski: enfin en prison?Roman Polanski a été appréhendé en Suisse dans le cadre de l'affaire de viol pour laquelle il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis 1978. Il a été placé en"détention provisoire en attente d'extradition". Alerté par le billet de Disparitus à ce sujet, et invité à poursuivre mes développements, je complète donc mon analyse juridique ici qui tend à démontrer que cet événement n'a rien d'inacceptable juridiquement ni moralement.
1. Il ne faut pas confondre prescription de l'action et prescription de la peine.
D'un côté, celle-ci a pour conséquence d'éteindre l'action lorsqu'aucun événément n'est venu suspendre la prescription au-delà d'un certain temps après la commission des faits.
L'objectif est de ne pas monopoliser inutilement la justice lorsque l'ancienneté des faits est telle qu'il est sinon impossible du moins extrêmement ardu d'obtenir les preuves, témoignages, et analyses nécessaires au procès.
De l'autre, il s'agit simplement d'abandonner la mise en exécution d'une décision judiciaire parfaitement valable.
2. S'agissant d'une procédure judiciaire américaine, il convient de réfléchir selon le droit de l'Etat où a eu lieu le procès. (Californie) Le Code Pénal français (art.113-6 et suivants) prévoit une possibilité d'application du droit français à l'espèce mais les tribunaux n'ayant pas été saisis de la question, celle-ci ne se pose plus, l'action publique étant ironiquement prescrite.
3. Le droit de l'Etat de Californie reconnait une prescription de l'action (10 ans pour un viol cf.Code Pénal Californien art.801.1) mais pas de prescription de la peine ! Rappelons que Roman Polanski a plaidé coupable de relations sexuelles avec une mineure de 13 ans et qu'il a été dûment condamné pour cette raison. Il n'a échappé à la prison qu'en raison de sa fuite vers la France. Que 5 ans ou 50 ans se soient écoulés n'a pas d'incidence sur la validité de la peine aux Etats-Unis.
4. La sanction étant toujours effective aux Etats-Unis, rien ne permet de comprendre pourquoi la France n'a jamais extradé au titre du mandat d'arrêt international régulièrement renouvelé jusqu'à aujourd'hui. Le fait que les autorités helvètes n'aient pas été plus zêlées jusqu'à présent dans la recherche du cinéaste n'est en rien un argument juridiquement valable pour s'opposer à son extradition. Pis encore, le silence de la France est assourdissant à cet égard. Si défaillance sur le fond il y avait, la diplomatie française aurait dû permettre par la médiation de faire cesser le renouvellement du mandat international. Tout semble aller plutôt dans le sens d'une volonté d'enterrer l'affaire. La France donne ainsi une image déplorable à notre société. Nous ne sommes apparemment pas tous égaux devant la loi.
5. Il existe des voies de recours lorsque l'on estime avoir été lésé par une procédure judiciaire inéquitable, même au pays de l'Oncle Sam. S'il n'est en principe possible que de réviser le quantum de la condamnation en appel d'une décision sur plaider-coupable, il est toujours possible de revendiquer le droit à un procès traditionnel au moyen du Writ Of Habeas Corpus.
En d'autres termes, même après avoir reconnu sa culpabilité, on peut avoir droit à un nouveau procès.
La fuite n'est pas une réponse juridiquement valable, pas plus ici que là-bas. Elle a même interdit à l'intéressé de dûment faire valoir ses droits. Dès lors, on ne va tout de même pas reprocher aux américains de mettre en oeuvre les moyens d'exécuter une condamnation pénale.
6. Rien ne permet en outre d'affirmer véritablement que Roman Polanski ait fait l'objet d'un acharnement particulier de la part des autorités californiennes quant au renouvellement du mandat international. En aurait-il été différent s'il s'agissait d'un quidam? Peu probable, les américains étant peu enclin à la tolérance en la matière, surtout pour des abus sexuels.
7. Le désintéressement tout comme le désistement de l'action civile de la part de la victime n'a pas d'incidence sur l'exécution de la condamnation pénale. Un gros chèque ne change rien à l'affaire.
Hors le débat juridique, sur le fond, certains évoquent un procès inéquitable dans une amérique puritaine des années 70. Répondons que:
  • Les arguments du type "dans les années 70, il y avait d'autres moeurs" sont juste nauséabonds. Réfléchissons un instant s'il s'était agi d'un quidam. Personne n'aurait été choqué des faits. Ou plus exactement, chacun aurait été choqué que ce quidam n'ait pas été extradé auparavant.
  • Il faudrait savoir, elle était puritaine ou dévergondée l'amérique des années 70? Dévergondée pour justifier une approche de la sexualité quelque peu ordurièremais puritaine lorsqu'il s'agit de répondre de tels actes devant la justice?
  • On parle des années 70 et de la Californie. En matière de puritanisme, on a fait pire...
  • Roman Polanski a plaidé coupable mais des voies de recours existent. La fuite n'est pas une réponse adéquate à cela. De la même manière qu'il est normal que Bertrand Cantat ait été jugé, condamné et emprisonné en Lituanie, le procès depuis l'enquête jusqu'à l'exécution de la décision aurait dû avoir lieu en Californie. Seule la question de l'exécution de la peine en France aurait eu une pertinence.
  • Le système américain n'est certes pas parfait mais il est moins imparfait quand on a les moyens financiers de se défendre.
  • Le système français a lui aussi ses imperfections. La France n'a pas à héberger des criminels reconnus coupables dans un pays qui défend au moins aussi bien les droits de l'Homme que la France.
  • Le débat ne porte pas sur les qualités d'artiste de Roman Polanski, juste sur l'immunité de fait d'un individu reconnu coupable d'abus sexuels conformément à une procédure judiciaire présumée valable.
Edit de 18h00: Après quelque recherches et plusieurs avis contradictoires, il semblerait bien que la condamnation soit acquise mais le quantum de la peine indéterminé, suspendu jusqu'au retour de Roman Polanski devant un tribunal californien. Pour un suivi chronologique de l'affaire, suivez le lien.

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