Mille et une solutions
Au premier plan de notre monde, cupidité et avidité ; suivies par leur cour ; frustration, jalousie, violence. Leur œuvre ; un modèle économique sur lequel ont glissé toutes les brides, le néolibéralisme, qui doit être mis en question. Depuis 40 ans, nous avons suffisamment étendu nos connaissances, scientifiquement ou empiriquement, pour infléchir radicalement notre manière de vivre : matériaux naturels, sains, locaux, renouvelables, solides et bon marché pour bâtir ;
sources d'énergies multiples et décentralisées (selon le terrain) ; agriculture à échelle humaine et semi direct ; voitures électriques, moteur pantone ; statut d'autogestion pour les entreprises qui le désirent; recyclage et consigne ; économie circulaire ; produits durables à faible taux de remplacement etc. Tous ces aspects qui sont autant de têtes de chapitres entiers, et d'autres encore, combinés, nous offrent certainement depuis plusieurs décennies la capacité à penser un monde qui ne perde rien de son confort mais qui abandonne le productivisme insensé devenu notre fil conducteur depuis plus d'un demi-siècle. Mis à part quelques passionnés géniaux ; selon les cas loués, récompensés et oubliés ou alors stigmatisés, ostracisés et caricaturés ; nous n'avons pas encore su en tant que société nous saisir de ces opportunités, et imaginer l'organisation nouvelle que pourrait offrir leur combinaison. La raison en est bien simple : toutes ces petites avancées prometteuses apportent comme corolaire à leur nouveauté technique une nouveauté mentale et émotionnelle, l'abandon ou la mise au second plan de la cupidité et du profit au profit d'autres valeurs et d'autres satisfactions non moins agréables mais moins perverses pour l'esprit humain, pour le tissu social, pour l'humanité.
Où l'on voit bien que la crise actuelle n'est pas du tout technique, elle est humaine. Où l'on perçoit que la Terre, par con courroux, nous renvoie à nous mêmes. Tant que nous n'aurons pas mené à bien la révolution intérieure qu'elle nous impose, nous ne parviendront pas à éviter l'écueil. Les flux de matière qui parcourent la Terre ne peuvent pas être considérés indépendamment des flux de pensées et d'émotions qui traversent l'humanité. Deux faces d'une même pièce. En cela notre époque est nouvelle, elle nous unit dans un destin commun, et, j'en ai l'intuition, toute régression se révélera impossible. Nous devrons nous transformer, nous adapter à cette nouvelle donne ou subir les affres de notre entêtement, peut-être jusqu'à la mort.
Mais aujourd'hui encore, remettre en question le néolibéralisme dans les faits, et non dans les paroles, reste tabou. Celui qui s'y risque sera traité de communiste, d'extrémiste, d'idéaliste. Dores et déjà, des spécialistes mettent au point les solutions qui devront s'imposer. Les choix ont déjà été faits. Voici, par exemple, comment il faudra gérer l'emblématique excès de CO2 dans l'atmosphère...
Pas d'alternative
Pas d'économie circulaire, ni d'écologie industrielle dans les cartons. Nous allons continuer sur le vieux modèle de l'économie linéaire, et nous allons continuer avec le libre marché. L'idée consiste à mettre en place un système de "droits à polluer". Une entreprise pourra émettre des tonnes de CO2 dans l'atmosphère à condition de "compenser" cette émission, par exemple en finançant la plantation d'une parcelle de forêt. Cette forêt absorbera l'équivalent du gaz émis... en à peu près cent ans. Il y aura donc toujours un retard, et la "compensation carbone", même si elle vaut mieux que rien, concrètement, ne résout rien.
Ce système, déjà en vigueur, instaure le principe du pollueur payeur. Si vous avez l'argent, vous pouvez polluer. Il ne s'agit pas tant de modifier en profondeur les structures économiques que de répartir le droit d'émission de CO2. Ce qui est encore à l'étude, et que préfigure déjà la "taxe carbone", c'est l'idée d'intégrer ce rationnement dans nos pratiques courantes de consommation, qui par ailleurs, ne sont pas censées changer.
Chaque citoyen aurait un capital carbone pour chaque année, fixé à un certain nombre de tonnes. Au-delà, il faudrait acheter le droit de pouvoir continuer à polluer. Et cet achat se ferait sur un marché "autorégulé", une nouvelle bourse, où les droits d'émission de CO2 seraient transformés en titres. Il s'avérerait donc possible de spéculer, de concevoir des produits dérivés et tout autre de type de montage financier déjà expérimenté par ailleurs... Ces marchés existent déjà pour certaines entreprises, bien qu'ils ne fonctionnent pas correctement pour le moment. Corruption, fausses réductions d'émission, spéculation... Qui plus est, ces multinationales, de part leur participation au marché du carbone, se voient exonérés de la taxe carbone que devront bientôt payer les PME et les citoyens... Presque une incitation à polluer...
Tout cela n'empêchera pas les entreprises de continuer à produire à des milliers de kilomètres de leurs points de vente, là où aucune réglementation ne les forcera à réduire leur pollution, et où la main d'œuvre demeurera sous-payée. Toutes les grandes entreprises militent ardemment en faveur d'une solution de marché à la crise climatique, c'est la solution qui leur permet de ne rien changer à leurs pratiques habituelles.
C'est dans ce contexte qu'elles financent, par exemple, des projets comme le film "Home" de Yann-Arthus Bertrand, qui évite soigneusement d'investiguer les causes du problème qu'il dénonce, tout distillant l'idée qu'une "régulation par le marché" s'avère incontournable... Diffusion mondiale, copies gratuites, Staline en rougit...