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Peut-on laisser la démocratie entre les mains des gueux?

Publié le 16 octobre 2007 par Frednetick
A l’occasion d’un accrochage entre l’un de mes poulains, Gnouff et un dénommé Off Topic sur le blog du capitaine et d’une anicroche amicale entre deux Kiwis (Pierre C et Lettrevolée) je m’en vais répandre la bonne parole en ce qui concerne la démocratie et les gueux.

   D’un côté donc nous avons les élititistes, au rang desquels l’ami Gnouff et l’ami Pierre C, leur point commun étant qu’ils fréquentent une certaine école rue Saint Guillaume qui commence par science et qui finit par Po. N’en tirez pas d’hatives conclusions, le mal est bien plus large qu’un certain complexe de supériorité qui toucherait les élèves de cette fière et centenaire institution. Non le mal se répand.

   De l’autre côté les gueuzistes, tels Off topic qui osent avancer dans des termes peu idoines des idées des plus subversives et se livrent sans honte au dénigrement des futures élites. Jugez en par vous même

  Ce discours élitiste qui consiste à prétendre que seuls certains sont en mesure de comprendre ou de décider devrait me faire rire. En fait, il m’attriste.

C’est grace à ce discours qu’un grand nombre de pays sont dirigés par des incapables ou des mécréants. […] Quelle médiocrité. C’est minable.

   Qu’est ce qui agite donc le ciboulot de nos amis blogueurs et commentateurs? Mais la capacité des gens à comprendre. Comprendre quoi? Dans la version hardcore, un peu tout, dans la version soft l’inintelligible enchevêtrement et fonctionnement institutionnel, préalable incontournable à la compréhension des mécanismes démocratiques.

   La démocratie qu’est-ce donc? Premier sur la ligne de départ, Abraham Lincoln sur le champ de bataille de Gettysburg

   Puissions-nous, par notre détermination, faire en sorte que ces morts ne soient pas morts en vain, que cette nation, à l’ombre de Dieu, puisse renaître dans la liberté…et que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ne disparaisse pas de la surface de la terre

   Pour JL Quermonne, c’est le Gouvernement de la majorité dans le respect de la minorité, fondé sur des élections libres au rythme régulier de l’observance de l’état de droit, soit un mélange assez finement dosé de doctrine des élections et de la pyramides des normes Kelsénienne.

  Dans un cas comme dans l’autre apparaît un acteur incontournable, le peuple. Soit qu’il gouverne soit qu’il élise, les deux faces géméllaires de la démocratie, représentative ou directe, le peuple joue un rôle central.

  Reste que son aptitude à appréhender la complexité du monde n’est pas sans faire débat, et ce depuis un sacré bout de temps. Aristote avait une vision très limitée de la confiance que pouvait inspirer le choix d’une foule guidée par sa passion plutôt que par sa réflexion. La démocratie athénienne était ainsi élitiste sans que l’on puisse affirmer qu’elle n’a pas donné naissance à de magnifiques outils de démocratie.

  Le peuple est-il en mesure de comprendre la compléxité du monde? Non. Sans rien d’élitiste dans cette réponse, non, le peuple n’est pas en mesure de comprendre le monde dans sa complexité, dans sa finesse, dans son enchevêtrement de fils techniques longuement tissés par des spécialistes soucieux de maintenir leur hégémonie sur les choses.

  Il ne l’est pas pour de nombreuses raisons. Retenons-en trois si vous le voulez bien.

  Tout d’abord, le moteur intellectuel, pour avancer doit être nourri. D’informations, d’analyses, de points de vue. Or cette nourriture n’est pas facilement accessible. Soit qu’elle soit payante, soit qu’elle soit trop technique pour être immédiatement compréhensible, soit enfin qu’elle soit incomplète.

  Ensuite, pour avancer le moteur intellectuel doit être manipulé par quelqu’un qui maîtrise la technique de la conduite. Une technique que l’on n’apprend malheureusement pas aux conducteurs. Si l’on dispense des cours d’instruction civique, ils ne sont pas liés aux cours d’économie et encore moins aux cours de culture générale. Présenter les éléments séparement est le meilleur moyen de fragmenter la vue et donc de biaiser l’analyse.

  Enfin le peuple est con. C’est comme ça il faut bien l’admettre, les gueux sont incapables de prendre de la hauteur pour regarder une question politique par un autre bout que le petit de la lorgnette.

  Et pourtant, rien de tout cela n’est vraiment sa faute.

  Bien entendu les gens ne sont pas égaux devant l’intelligence mais à qui la faute? Qui rabâche sans cesse les mêmes conneries? Qui a maintenu les français dans cette douce torpeur d’ordres et d’injonctions venues d’en haut pendant des décénies, au motif qu’ils n’y comprennent rien? Qui a transformé les référundums en plébiscites? Qui a transformé l’info en spectacle? Qui a sciemment fermé toutes les portes d’accès à la compréhension des choses complexes au profit d’un ersatz de “La chose publique pour les nuls”?

  Se poser la question ne résoud rien. Le temps qu’il faudra pour ré-impliquer les gens dans la vie publique, leur donner les clés de la compréhension, leur parler pour de vrai sans éluder ni les responsabilités ni les défis ni les sacrifices à faire, est une tâche d’autant plus compliquée qu’elle doit faire le ménage sur 50 ans de lavage de cerveau et sur la sclérose qui s’est peu à peu installée.

Cela prendra du temps, assurément. Mais ceux qui veulent aujourd’hui ignorer la volonté populaire sous prétexte qu’elle n’est pas à même de s’exprimer en toute connaissance de cause ont presque raison. Pour le moment le peuple ne dispose pas des outils et des clés. Rien n’empêche pourtant aux élites de les leur rendre, petit à petit, en faisant oeuvre de pédagogie.

Mais elles, les huiles, ne peuvent pas se raidir sur leurs positions en avançant des raisons dont la naissance leur incombe en partie.

Comme le dit l’adage latin Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude…


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