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Plan jeunes : Sarkozy rate son bac

Publié le 30 septembre 2009 par Juan

Plan jeunes : Sarkozy rate son bac Ces derniers jours, Martin Hirsch ne cachait pas sa satisfaction de voir Nicolas Sarkozy reprendre à son compte nombre de ses propositions en faveur des « jeunes ». La mesure phare est l’extension du RSA aux jeunes « travailleurs » de 18 à 25 ans. En juillet dernier, Martin Hirsch avait publié son Livre vert, un recueil de 57 propositions issues de 4 de débats au sein d’une commission «d’experts» (une de plus !). Certains journaux ont relayé l’histoire officielle : celle d’un « homme de gauche » qui a convaincu Nicolas Sarkozy d’agir enfin, quitte à froisser sa propre majorité. Depuis plusieurs mois, l'équipe présidentielle préparait le terrain. Il y a quelques jours, Raymond Sopubie confiait que Sarkozy allait s'inspirer de Jaurès, et ne pensait plus qu'aux jeunes.

A y regarder de plus près, les mesures annoncées évitent la question centrale de l’autonomie des jeunes. Le ton se veut décomplexé et ouvert : "Mon projet pour la jeunesse, c'est l'autonomie", « Au fonds, nous vous faisons confiance » « On va récompenser et aider celui qui prend la main qu’on lui donne »
Ce mardi 29 septembre, à Avignon, Sarkozy misait beaucoup : l’électorat de 18 à 25 ans lui est majoritairement hostile (à peine 42% des suffrages lors de l'élection présidentielle de 2007), et sa mandature a été largement occupée et brouillée par ses multiples mesures répressives (décret anti-cagoule, peines planchers, abaissement à 16 ans de la majorité pénale, loi « anti-bandes », etc). Sarkozy a divorcé depuis longtemps, et de son plein gré, avec la jeunesse. Il la craint également. En décembre dernier, il avait prudemment sur la réforme du lycée.
Seul sur l’estrade « obligatoire », des drapeaux français et européen sur sa droite, face caméra, Nicolas Sarkozy annonce son plan pour la Jeunesse. Il démarre son discours par un constat erroné, mais largement relayé : «Depuis plusieurs décennies, la France est l'un des pays d'Europe dont le plus grand nombre de jeune sont au chômage
Parler orientation et intégration plutôt qu’autonomie
L’importance du volume de mesures annoncées était sans doute censé masquer leur valeur réelle. Sarkozy a ainsi davantage insisté sur l’orientation scolaire et l’intégration professionnelle, plutôt que sur l’autonomie financière.

  • Les stages hors cursus deviendront « hors-la-loi ».
  • Les entreprises seront autorisées à pré-recruter des jeunes sous réserves d’en financer la formation.
  • La durée des cours universitaires sera allongée: «Je propose que dans toutes les filières que les universités portent à 10 mois la durée annuelle de formation.»
  • Un service public de l’orientation scolaire sera créé, avec un «livret de compétence» expérimenté "pour valoriser les activités extra-scolaires".
  • Sarkozy a enfin annoncé favoriser la «mobilité européenne» : « Moi, je veux un ERASMUS des apprentis»

  • Sarkozy ne veut pas non plus de jeunes « désoeuvrés » :
  • Une formation obligatoire pour les « décrocheurs », ces jeunes qui quittent avant 16 ans le système éducatif. En particulier, des plates-formes régionales d'orientation seront créées. Tous ces « décrocheurs » entre 16 et 18 ans seront répertoriés et suivis ; ils se verront proposer un emploi ou une formation.

  • La création d’un service civique, pour 10 000 jeunes dès 2010. A terme, Sarkozy vise 10% d’une classe d’âge, soit environ 70 000 personnes. Ce dernier serait réalisé dans une association, une ONG, dans l’aide aux personnes âgées. Sarkozy reste flou sur ses conditions « On va se débrouiller pour le valoriser » assure-t-il : « Franchement, notre système a bien besoin de mixité sociale. »

  • Le renforcement du CIVIS (contrat d'insertion dans la vie sociale) et de l’apprentissage, notamment dans la fonction publique : «Moins de 6.000 apprentis travaillent dans la fonction publique» , «C'est un scandale.» Mais qui dirige donc la France depuis 2002 ?
    La question oubliée
    Mesure centrale, Sarkozy confirme l’extension du Revenu de Solidarité Active aux moins de 25 ans : «Qui peut comprendre que le travailleur de 25 ans d'une entreprise a le droit au RSA et que le même travailleur de 24 ans dans la même entreprise depuis six mois n'y aurait pas le droit?». Cette seule mesure devrait concerner 120 000 jeunes, et coûter 250 millions d’euros par an.
    La question de l’indemnisation des jeunes inactifs n’est finalement pas traitée. C’est pourtant là que le bas blesse. La proposition sarkozyenne restreint l’attribution du RSA (environ 450 euros par mois) aux seuls jeunes justifiant ayant travaillé à temps plein pendant deux ans (ou à deux tiers de temps pendant trois ans) et qui se retrouveront au chômage ou réduiront leur activité auront droit au revenu de solidarité active (RSA). Faites le calcul : comment un jeune de 18 ans peut-il justifier de 3 200 heures de travail sur 3 ans (soit 2 années de travail sur 3) ? Combien d’entre eux seront éligibles au RSA nouvelle formule ? Comme le rappelle Hervé Nathan dans Marianne2, la mesure aurait été véritablement pertinente si le seuil avait été abaissé aux mi-temps, voire aux tiers-temps, des niveaux cohérents avec les pratiques d’un nombre croissant d’étudiants.
    On estime à 40% la proportion des 2,6 millions d’étudiants contraints de travailler à temps partiel pour financer leurs études et leur train de vie. La proposition de Nicolas Sarkozy ne concerne qu’une fraction ultra-minoritaire des jeunes. D’après le CEREQ, après trois années de vie « active », 77% des jeunes d’une classe d’âge travaillent, dont 33% en CDD et 13% à temps partiel. 50% de ces travailleurs gagnent moins de 1 300 euros par mois, un niveau proche du salaire médian national.
    Côté ressources, Sarkozy saupoudre quelques aides, évidemment bienvenues, mais largement insuffisantes, comme le versement d'un dixième mois de bourse sous conditions de ressources et d’assiduité en cours («Nous sommes prêts à renforcer les contrôles pour que ceux qui ont des études gratuites respectent l'assiduité»), le doublement à 200 euros par mois de l'aide versée aux jeunes pour bénéficier d'une assurance complémentaire santé, voire une expérimentation va être faite sur 8 000 jeunes en leur allouant une dotation d'autonomie de 3 000 euros par an sur deux ans.
    Nicolas Sarkozy cherche à éviter à tout prix d’être accusé de favoriser « l’assistanat », formule honnie à droite : "Le grand totem à droite, c'est le RMI qu'on donne au jeune à 18 ans sans jamais avoir travaillé. Là, je suis rassuré", a commenté Jean-François Copé, l’auteur de cette récente proposition de taxer les indemnités journalières versées aux accidentés du travail.
    Sans ressources, le jeune doit précipiter l’arrêt de ses études ou la recherche de boulots précaires.
  • Une main d’œuvre malléable et recherchée par les entreprises ?
    Globalement, le plan annoncé coûterait 460 millions d’euros : avec 250 millions d’euros par an pour l’extension du RSA, 80 millions d’euros pour l’augmentation du CIVIS, 150 millions d’euros pour le dixième mois de bourse universitaire, et 30 millions d’euros pour le doublement de l’aide à l’obtention d’une complémentaire santé. Les « jeunes » seront contents de savoir l’effort fiscal en leur faveur « pèse » pour 25% de celui accordé aux restaurateurs en juillet dernier avec la diminution du taux de TVA de 19,6% à 5,5%.

    C’est donc un micro-plan pour un maxi-problème.


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