Cornélie : une belle histoire de solidarité (sans oublier la picole !)

Par Eric Bernardin

C'est l'histoire d'un gars qui trime dur dans les vignes depuis son adolescence. Qui a réussi à devenir régisseur d'un beau domaine du Médoc à force de travail. Mais dont le rêve est de faire son propre vin. En 2005, il loue quelques hectares de vignes, un modeste chai à 20 km de celles-ci, et démarre l'aventure tout en continuant à travailler au château Sénéjac. Son premier millésime est une réussite. Mais il fait encore meilleur en 2006, puis en 2007. En 2008, il décide de franchir le pas et de se consacrer entièrement à son domaine. Non seulement il faut s'occuper des vignes et du vin, mais il faut chercher le client, participer à des dégustations, etc. Bref, un boulot à plein temps. Il envisage aussi de construire un chai sur un terrain pas trop loin des vignes et de la maison. Car les allers-retours sont usants.

Les dépenses s'accumulent. Les recettes diminuent (il n'y a plus de salaire qui rentre). Sans parler des clients qui tardent à payer leurs factures. Et de sa femme qui choisit ce moment pour le quitter. Rien ne va plus. D'autant que les vendanges arrivent et qu'il n'a pas de trésorerie pour se payer une troupe de vendangeurs.
Il envoie alors à ses clients un mail qui leur annonce la situation et propose une promotion sur les magnums du Château Cornélie le temps d'un week-end. La magie du net opère : ce mail se répand plus rapidement que le virus de la grippe H1N1. Entre autres sur le forum la Passion du Vin. Aux différents coins de France, de Suisse et de Belgique, des groupements d'achats se constituent pour faire des commandes de magnums de Cornélie. Le stock est épuisé en deux jours!

Mais l'histoire n'est pas finie : certains membres du forum se sont mobilisés pour participer à un week-end de vendanges. C'est l'opération Cornélie'd Beef. C'est cette troupe que j'ai rejointe samedi dernier en milieu d'après midi.

On a commencé par trier les raisins vendangés

par une partie de la troupe.

Puis nous sommes partis sur les parcelles pour vendanger à notre tour.

Retour au  chai pour un nouveau tri. Puis il a fallu tout nettoyer.

Une fois fait, nous avons pu boire et manger chez Patrick ! Le repas fut simple, mais bon : grillades et fromages (très bonne tome de Savoie). Pour arroser cela, quelques bouteilles...

D'abord l'apéro : un vin à la belle robe dorée. Un nez sur l'abricot, le beurre et la vanille. Une bouche moelleuse manquant un peu de suavité à mon goût, mais aussi de tension, d'allonge. Bref, je trouve ça bon, mais sans trop de caractère. Mes commensaux sont moins durs que moi. Ils aiment bien, voire beaucoup. Je lui trouve un faux-air d'Yquem, même si je n'ose croire que c'en est un. Patrick lâche que c'est un 2001 : " ne me dis pas que c'est un Yquem 2001???" m'exclamai-je. " ce n'est pas possible!". Oui et non. Le vin a bien été fait par Yquem ... mais n'en a pas le nom. C'est un lot d'Yquem qui a été vendu par erreur (???) à un négociant bordelais : Johannes Boubée. Ce Sauternes s'appelle "Grand moment" 2001.

Pour rincer le gosier, un deuxième vin blanc, sec celui-ci. Le nez est la sur pomme, les agrumes. La bouche est fraîche, un poil trop acide avec des notes un poil déviantes (genre cidre fermier). Ca sent le "vin nature". Pas surpris que ce soit du Schueller. C'est bien du Schueller. Riesling 2007 "cuvée particulière".

Le troisième vin, je le connais bien. J'en ai parlé ICI. La bouteille servie a une drôle d'histoire. L'ami qui l'a amenée l'a achetée à une vente aux enchères d'un caviste bordelais en faillite. C'est donc moi qui lui ai vendue il y deux ans. Ca ne m'étonne pas plus que ça qu'il lui en restait. Il y en avait une palette entière ! C'est donc la Bette 2005 by Jeff Carel. Un mélange de syrah, carignan et grenache vendangées le même jour et vinifiées dans la même cuve. Le résultat est atypique et ne permet pas de reconnaître un seul des cépages. Ca sent le cassis à donf, ce qui est plutôt rare pour un vin du roussillon. En bouche, c'est rond, frais, très fruité, avec des tannins bien fondus. La finale est marquée par une certaine  acidité un peu trop marquée pour certains.

Avec la viande, on passe à Cornélie 07. Je ne l'avais encore jamais bu (uniquement 06 et 05). Ben c'est vachement bien. Nez de fruits noirs bien mûrs et d'épices grillés (avec une touche de moka). Bouche ronde, dense, mûre, gourmande, avec une fraîcheur remarquable qui donne une grande buvabilité à ce vin. Comme je le disais à Patrick, c'est pour moi un archétype de ce que devrait être un vin de Bordeaux ! Bravo chef !

Puis la catégorie au-dessus nous est servie (à l'aveugle) : nez noble sur des notes de cassis mêlées à des notes tertiaires (humus, cigare). La bouche est ample, solide, charnue, avec une trame tannique serrée se durcissant en finale. Je me dis que le vin devait être sacrément costaud dans sa jeunesse. Je pars sur Saint-Estèphe. Pas de réaction de Patrick. D'autres propositions arrivent, mais plus je le bois, plus je me dis Saint-Estèphe. La bouteille est découverte : Montrose 2001, Saint Estèphe. J'avions point rêvé...

Pour continuer, le vin du domaine où Patrick travaillait avant : château Sénéjac 1998. Curieusement, le vin est moins évolué que le précédent. Le nez est encore sur les fruits noirs frais. La bouche est beaucoup plus souple, presque fluide (le terroir est nettement plus sableux). Je lui trouve pas mal de charme.

Un dernier rouge pour la route ! Rien que le nez, c'est du bonheur : liqueur de mûre, benjoin, épices... Et en bouche, c'est intensément fruité, soyeux, avec une belle fraîcheur. Une véritable gourmandise ! Un vin que le fanatique professeur Got devrait faire interdire en priorité, car il provoque des effets terriblement addictifs (tiens, je m'en ressers un verre, pour la peine). Ah oui, je n'ai pas dit ce que c'était : les pampres 2008 du Mas Laval (Languedoc).

En guise de digestif, un champagne de Venoge 1990. Le nez est superbe, mêlant les fruits secs grillées et la brioche toastée. La bouche est d'autant plus décevante. Elle a un côté strict, austère, monolithique, et manque de rondeur et de sensualité. Je n'aurais pas voulu le boire dans sa jeunesse, car il n'y avait même pas l'aromatique tertiaire pour le sauver.

Après cela, nous sommes parties nous coucher car demain ... re-vendanges !

Tout le monde avait l'air frais et dispos

Comme quoi, quand on boit bon...

Et voilà le travail !

Et la récompense !

Du pain, du vin..

Et du pâté !!!

(y avait des grillades après)

Et puis surtout de la bonne humeur, de la complicité.

Et puis il a fallu replier la tente. Le WE était fini !

Moi, je suis parti 40 kms plus au Nord découvrir Soulac...

Mais c'est une autre histoire ;o)

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