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SDRIF, enquête publique et négociations privées…

Publié le 17 octobre 2007 par Jean-Paul Chapon

Voilà, malgré les menaces du gouvernement et les mises en gardes, l’enquête publique sur le SDRIF, le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France est ouverte depuis hier, jusqu’au 8 décembre de cette année. Tout un chacun est donc invité à donner son avis sur un texte dont il n’a en général pas entendu parler, et dont il y a fort à parier qu’il ne le lira pas, vu la taille du document et le peu d’engouement des médias à le faire;-) C’est dommage car il serait intéressant de recueillir l’avis de tous sur un projet qui est censé orienter l’avenir de la région Ile-de-France sur les 30 ans à venir, plutôt que de limiter le débat aux seuls experts et politiques. Non pas que je sois un fanatique de la démocratie directe, mais avec le SDRIF, on arrive au comble du jeu politicien et de l’instrumentalisation d’une question importante, si ce n’est vitale, directement pour 11 millions d’habitants, et presque aussi directement pour la France entière.

Dans Le Monde du week-end, Jean-Louis Andréani titrait sur Les non-dits du débat sur le « Grand-Paris ». Le journaliste citait Jean-Paul Planchou, président du Groupe PS au conseil régional pour qui il s’agissait d’une « bataille politique frontale » entre deux « visions de la région ». Si c’était vrai, ce serait un moindre mal. Il y a en effet des « visions » différentes, mais qui ne recoupent pas forcément les lignes politiques, car il n’y a pas d’unanimité de « vision » ni à droite et encore moins à gauche, il s’agit surtout d’une « bataille frontale politique » tout court, dans laquelle la vision de la région a souvent du mal à prendre le pas sur les calculs électoraux. Jean-Louis Andréani note à juste titre que « le débat sur le « Grand-Paris » s’imbrique dans celui sur le SDRIF et le complexifie encore un peu plus. », On se souvient du discours de Roissy de Nicolas Sarkozy en juin dernier, de son attaque sur le SDRIF, et son pavé dans la mare en forme de Grand-Paris. Depuis, les choses suivent leur cours, et chacun essaie de trouver ses marques. Sarkozy essaie d’opposer Delanoë et Huchon, à coup de Grand-Paris et finalement les rapproche involontairement. Bertrand Delanoë, le maire de Paris plutôt favorable au Grand-Paris ne veut pas trop le montrer, mais le montre tout de même. Le président de la région Ile-de-France, opposé au Grand-Paris et qui le montrait bien, le montre moins. Car un troisième élément rajoute une couche à la complexité du débat : le calendrier, c’est à dire les élections municipales ! Et comme l’écrit Jean-Louis Andréani, « en s’opposant au SDRIF, il s’agit bien sûr de décrédibiliser la gestion socialiste », Nicolas Sarkozy jugerait Paris acquis à Bertrand Delanoë en 2008, mais la prise de la région un peu plus tard serait un objectif réaliste. Et du coup on peut se poser cette question : peut-on être de gauche et critiquer le SDRIF, objectivement, sur le fonds ?

Le projet de SDRIF peut appeler des réserves, mais ne saurait être rejeté dans son ensemble comme le demande à droite, gouvernement et certains conseils généraux, à commencer par « les 3 défis et les 5 objectifs pour un développement durable » présentés dans l’introduction du document. « Favoriser l’égalité sociale et territoriale et améliorer la cohésion sociale ; Anticiper et répondre aux mutations ou crises majeures, liées notamment au changement climatique et au renchérissement des énergies fossiles ; Développer une Ile-de-France dynamique maintenant son rayonnement mondial. » pour les défis, et pour les 5 objectifs de développement : « Offrir un logement à tous les Franciliens, avec un objectif central : construire 60 000 logements par an pendant 25 ans et viser un taux de 30% de logement social à terme ; doter la métropole d’équipements et de services de qualité : préserver, restaurer, valoriser les ressources naturelles et permettre l’accès à l’environnement de qualité ; accueillir l’emploi et stimuler l’activité économique, garantir le rayonnement international : promouvoir une nouvelle politique de transports au service du projet régional. »

Qui pourrait ne pas être d’accord ? Et j’ajouterai un élément clé, qui devrait pourtant séduire la droite et Sarkozy : la reconnaissance du fait spécifique de la zone dense et du cœur d’agglomération, après beaucoup de réticences, une façon sans le nommer de reconnaître l’existence d’un Grand-Paris.

Donc si les élus de droites ont tendance à s’opposer au SDRIF, lorsqu’on écoute ceux de gauche parler du SDRIF, on entend un chorus assez magnifique autour du projet, à l’exception, par moment, de quelques voix discordantes, comme en juillet, Gilbert Roger, maire PS de Bondy et Bertrand Kern, maire PS de Pantin, qui disait que « La Seine-Saint-Denis, dirigée par le PCF, ne doit pas continuer à supporter seule la demande croissante de logements sociaux dans la région…» En fait, on obtient des réponses différentes sur le SDRIF, suivant que l’on est off ou on. Version on, s’il n’est pas parfait et manque de priorités claires, le SDRIF marque un grand travail de concertation, une grande avancée démocratique, victoire de la décentralisation….Version off, à force de vouloir répondre aux demandes de chacun le SDRIF a multiplié les priorités jusqu’à les atomiser, il manque une véritable grande priorité pour en faire un vrai schéma directeur clair et fort. La consultation des différentes cartes du projet est un révélateur de ce manque de hiérarchie. Que l’on compare par exemple l’impressionnisme des cartes relatives au transports au détail de celle des réseaux cyclables… Et comment par exemple ne pas reprendre à son compte le reproche adressé par le Préfet de la Région Ile-de-France lorsqu’il écrit « une primauté indiscutable devrait être donnée à la rocade de métro dite « Arc Express » alors que celle-ci est simplement figurée dans le projet de SDRIF, sans que la logique, ni les fonctions, de cette infrastructure en soient énoncées et sans qu’apparaisse sur la carte de destination générale des sols une logique préférentielle de développement et de densification liée à son tracé. Or, celle-ci induit nécessairement le choix de la distance avec Paris, certains prolongements de lignes radiales, la situation relative du tracé par rapport au territoire, et surtout, par rapport aux projets stratégiques. »

Alors que peut-on attendre de ces deux mois d’enquête publique. Que Parisiens et Franciliens au-delà de toutes idées politiques préconçues s’approprient le débat et se fasse entendre ? Qu’ils soient capables de dépasser les intérêts locaux pour avoir une vision plus générale ? On peut en douter, vu la façon dont les politiques dont se devrait être le rôle ont déjà du mal dans ce domaine.… Mais finalement, au-delà de l’enquête publique, c’est une intense période de négociation qui doit s’ouvrir. Les jeux ont été distribués, les cartes sont sur la table. Le gouvernement après ses critiques et ses menaces ne bloque plus le processus. Bertrand Delanoë continue discrètement mais efficacement à tisser sa toile grand-parisienne. Les nouvelles sur l’extension de Vélib’ en petite couronne, montrent qu’au-delà d’un réseau de bornes, c’est un réseau de maires qui est aujourd’hui intéressé au dialogue avec lui. Le jeu de Sarkozy autour de Grand-Paris tel que présenté par le Canard Enchaîné d’aujourd’hui, n’est pas gagné d’avance. Il faut un Grand-Paris, tout le monde (ou presque) en convient, mais les calculs de découpage évoqués pour donner à la droite un Grand-Paris est une vision étroite et dépassée. N’oublions pas qu’un Paris géographiquement inchangé a élu successivement un Jacques Chirac et un Bertrand Delanoë ! Laissons une fois n’est pas coutume le dernier mot au président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon qui déclare dans le JDD « moi, je veux bien rediscuter certains points ». Certains points si on les choisit bien, ce sera peut-être finalement l’occasion, après les trois ans de travail sur le SDRIF, le moment de déterminer à travers des accords politiques, au bon sens du terme, d’établir cette hiérarchie entre projets pour donner sa chance à la Région et au Grand-Paris pour les années à venir ;-)

Plus que jamais, à suivre…

Jean-Paul Chapon


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