Réflexions

Par Anne Onyme

Comme vous le savez peut être un typhon Ketsana a traversé les Philippines, le Vietnam avant de se transformer en tempête tropicale la pire de ces 20 dernières années.

Elle a parcouru le Cambodge du Rattanakiri, Kampong Cham, Kampong Thom, Siem Reap.


Croisement de ma rue et de la rue longeant la rivière

Après une crise économique mondiale et donc une saison touristique désastreuse, Siem Reap est sous les eaux ainsi qu'une grande partie de l'économie de ce pays.

Même si nous sommes sous les eaux depuis plusieurs jours, vous avez probablement peu ou pas entendu d'info sur le Cambodge. Pourquoi ? Nous n'allons pas faire fuir les derniers touristes.

La saison des pluies n'est pas terminé, la saison touristique commence réellement dans une dizaine de jours.

L'analyse de la situation me met assez mal-alaise.

Après 6 mois très difficile pour la population, beaucoup ont perdu leur emploi (textile, tourisme, construction ...) dû à la crise économique mondiale, cette tempête détruit les plans de riz et les derniers dollars que les gens avaient encore.

Au Cambodge, tout le monde a un peu de terre pour planter du riz, avoir quelques animaux.

Le riz a été arraché par la force des courants, les rivières ayant débordées, déjà gorgées d'eau par la saison des pluies. Les animaux pour la plus part sont morts la deuxième nuit, l'eau est monté assez vite, de plus d'un mètre parfois.


Pont du vieux marché Psar Cha, au rond point du Martini

La population va donc être très exposée économiquement à l'après tempête surtout que la saison des pluies n'est pas finie, pas plus que celle des tempêtes hors en ce moment la région subit catastrophe naturelle sur catastrophe naturelle, tremblements de terre suivi ou pas de tsunami, typhon, tempête et donc coulée de boue, glissement de terrain, etc.

Concernant les emplois dans le textile ou la construction, la reprise économique permettra peut être au secteur de repartir mais les entreprises doivent diversifier leur offre, trouver de nouveau marché, surtout dans la région pour ne pas dépendre uniquement de l'économie américaine.

Pour la construction, le problème est plus complexe, à Phnom Penh, à Siem Reap, les nouveaux quartiers sont créés sans que personne ne sache qui vivra dedans. Les étrangers sont exclus puisque nous ne pouvons être propriétaire, les khmers de l'étranger reviennent à Phnom Penh mais peu dans les autres villes pour l'instant, les riches cambodgiens s'offrent plutôt de luxueuses villas au Cambodge mais aussi à l'étranger et la classe moyenne, grande cible, est attentiste depuis plusieurs mois.

En face de chez moi, 3 immeubles luxueux sont en construction depuis 2 ans dont 1 an de finition, des appartements, confort moderne.

Mais voilà à 800 USD le studio, je ne vois pas qui pourrait y vivre, pas les cambodgiens, et concernant les étrangers, finalement très peu ont un statut d'expatrié avec appartement payé, beaucoup comme moi, sont des volontaires avec une indemnité qui ne permettra jamais d'y vivre. Pour les entrepreneurs, ils ont souvent choisi des villas, avec jardin, piscine, pour un loyer autour de 700 USD, vous feriez la même chose !

Le secteur touristique, en plein boom avant la crise économique, va repartir, nous l'espérons tous avec la nouvelle saison.

Mais il faut que vous sachiez que la province de Siem Reap est l'une des plus pauvres du Cambodge et donc montre bien que la manne touristique ne profite pas à la population.


On ne distingue même plus le lit de la rivière, le trottoir, la chaussée

Mais pire le comportement des touristes, refusant de changer leurs Habitudes, leurs Attitudes, leurs Charités est un fléau. Je vous en ai souvent parlé sur ce blog, il ne faut jamais donner d'argent, à manger ou même acheter livre ou carte postale aux enfants.

LES ENFANTS N'ONT RIEN A FAIRE DANS LA RUE A VENDRE, QUÉMANDER, RÉCLAMER, TRAVAILLER

Que croyez-vous ? Que je suis devenue insensible à leur souffrance ? Non, vous créez cette pauvreté, vous créez les enfants des rues, le traffic de drogues, la prostitution, vous facilitez le traffic d'enfants, vous facilitez l'accès aux enfants par les pédophiles avec vos comportements.

En donnant de l'argent à un enfant, vous incitez les trafiquants a en mettre d'autres dans la rue dès le lendemain.

En apprenant aux enfants quelques mots d'anglais, de français, vous facilitez la tâche des pédophiles, cela permet d'aller plus vite, balade en vélo qui passera par un hôtel, une glace qui finira dans un coin sombre, quelques crayons de couleurs, cahiers d'école, etc.

IMAGINEZ LE PIRE ET VOUS SERREZ ENCORE LOIN DE LA RÉALITÉ DU TERRAIN

Changez vos comportements, parlez-en autour de vous

Le dernier point est pas le moindre les ONG.

Le Cambodge pour vous donner une idée est de la même taille que la Tunisie, le recensement de 2008 a compté 14 millions de cambodgiens, la pays est le plus financé au monde et celui qui accueille aussi le plus d'ONG.

De 1975 à 1979, le pays a vécu sous la terreur des Khmers Rouges, un tiers de la population est morte. de 79 à 89, le Vietnam présent dans la pays n'a pas rétabli la démocratie et les Khmers Rouges ont continué à gérer plusieurs provinces. Les infrastructures étaient détruites écoles, hôpitaux, administrations et la quasi totalité des lettrés étaient morts, les autres dans des camps en Thaïlande ou réfugiés en France, États-Unis, Canada.

En 1991, L'ONU est arrivé avec ses soldats, ses millions, sa corruption, provoquant des jalousies, des conflits entre chef de guerre, Khmers Rouges repenties, etc. Le siège du Cambodge à l"ONU a été occupé jusqu'en 1996 par un Khmer Rouge.

1998 le coup d'état, de nouveau un trou noir. Hun Sen deviendra et est l'homme fort du pays, il est aujourd'hui le Premier Ministre. Peu importe ce que vous lirez sur lui, entendrait sur lui, il est le seul à pouvoir tenir les reines. Alors entre la peste et le choléra, il faut faire un choix.


Le vieux marché

Oui mais le hic est là, rien de se passe, rien de se fait sans les ONG. L'état est "sans argent", dépassé.

La constatation des derniers jours est effroyable, aucun service de l'état, aucun service de la province n'était présent dans les rues, auprès de la population.

Aucune information fiable sur les prochains bulletins météo et donc les alertes

Aucune communication vers la population sur les dangers, les précautions.

Vous vous retrouvez dans une ville sous l'eau, avec des familles à 4 ou 5 sur une moto, avec enfants en bas âge, voir bébé, en balade dans les rues, de l'eau souvent plus haut que le moteur, POUR VOIR !

Les enfants profitant pour SE BAIGNER dans une eau infestée de sangsues, serpents et autres

MAIS RIEN N'EST GRAVE, DEMAIN LES ONG SERONT LÀ, POUR RÉPARER LES ROUTES, DISTRIBUER LES SACS DE RIZ, RÉOUVRIR LES ÉCOLES, LES HÔPITAUX

Les cambodgiens sont devenus des assistés

Voilà pourquoi je suis si mal depuis le début de ses inondations, non je n'ai jamais été en danger, mais heureusement car je ne peux pas compter sur l'état cambodgien et donc uniquement sur la solidarité entre étranger enfin la solidarité avec votre cercle d'amis, enfin il s'est sacrément rétrécis ce cercle d'amis depuis 5 jours !

Je suis venue la première fois en 2005, depuis nous avons des routes, nous avons des supermarchés, plus de 40 hôtels 5 étoiles, 2 golfs

MAIS CEUX-CI EST UN DÉCOR DE CINÉMA EN CARTON PÂTE, DERRIÈRE, RIEN N'A CHANGÉ, RIEN


En longeant la rivière vers la Wat

Le constat est amer, les cambodgiens vivent au jour le jour, comptant sur les étrangers pour faire, donner de l'argent. Rien n'a changé et surtout pas leur envie de s'en sortir. Ils sont assistés. L'état est lui même sous perfusion.

J'ai de jolies histoires à vous raconter, de belles initiatives mais si peu, si rare.

A quel moment les ONG doivent partir même si elles savent que derrière cela engendrera un cahot ?

Mais du cahot pourra renaître un pays, une bonne fois pour toute.

Je ne sais pas, je suis très perplexe depuis quelques jours, je n'ai pas vu la stagnation, j'ai moi aussi cru au joli décor en carton, j'ai bien voulu voir ce qui m'arrangeai.

Et puis finalement, vous êtes envoyés sur le terrain par des gens qui se donnent bonne conscience en sauvant tous ses petits nenfants pauvres.

Mais si le Cambodge doit évoluer, si les touristes doivent changer leur comportement, les ONG, elles aussi, doivent prendre conscience que l'urgence, n'ai pas le durable, que nous ne sommes pas en vacances ici, mais nous bossons, beaucoup. Nous vivons en tongs mais cela ne veut pas dire que le mythe de peace and love existe toujours, une autre génération, d'autres envies, une expérience professionnelle solide.

Il en ressortira certianement pleins de belles idées, de beaux projets, je l'espère.

PS :

- je n'ai pris aucunes photos d'enfants se jetant dans l'eau pour ne pas les inciter à continuer,

- je n'ai pris aucunes photos de famille essayant de sauver des eaux maisons, commerces, je n'aimerai pas qu'on me le fasse

- je n'ai pris aucunes photos de mes voisins en grande difficulté et désarroi

Je ne suis ni photographe de presse, ni journaliste, je trouve notre société suffisamment voyeuriste pour ne pas en ajouter une couche, je n'ai jamais souhaité vous faire pleurer avec des images chocs et ce n'est pas maintenant que je vais commencer.
Nous devons apprendre à réfléchir, à analyser, à changer, Nous devons construire l'avenir de nos pays, de notre société, nous devons vivre sur cette planète ensemble.