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Les fables de Clément Gignac

Publié le 04 octobre 2009 par Politicoblogue
Clément Gignac

Clément Gignac

« Ce sont les plus riches qui profitent du gel des tarifs d’électricité », affirme Clément Gignac, ex-banquier récemment converti en robin des bois modernes. Un peu plus et il fait de la lutte des classes et de l’émancipation des prolétaires sa plus grande priorité! Vous y croyez, vous, à un parachuté du monde des affaires qui prendrait le parti de la classe moyenne et des plus démunis en augmentant leur facture d’électricité? Moi, je n’y crois pas du tout.

En effet, la logique derrière cette affirmation est très faible: les plus fortunés subiraient plus durement la hausse des tarifs parce qu’ils consomment davantage d’électricité. Ils possèdent une grosse maison, un garage chauffé, un spa, ont des lumières partout, des planchers chauffants; l’augmentation des tarifs leur coûterait donc plus cher qu’à des gens ayant un revenu moins important. Fable attrayante, mais fausse. La donnée véritablement importante n’est pas l’augmentation des coûts d’électricité à un niveau brut, absolu, mais plutôt la hausse en fonction de la capacité de payer du citoyen.

Ainsi, prenons pour exemple deux citoyens. Pierre, habitant un 4 1/2 non-chauffé et ayant un salaire de 30 000$ et Michel, possédant une maison en banlieue et gagnant 75 000$ par année. Pierre paie 100$ d’électricité par mois, et Michel 150$. La clef pour bien comprendre cette situation est dans cette différence: la maison de Michel peut être deux fois plus grande que l’appartement de Pierre, mais sa facture d’électricité ne constitue pas le double pour autant. C’est simple à comprendre: Michel ne prend pas deux fois plus de douches que Pierre, ne mange pas deux fois plus de nourriture cuite, n’a pas deux fois plus de réfrigérateurs, etc.

Maintenant, si on augmente les frais d’électricité de 20%, Pierre voit sa facture passer de 100$ à 120$, tandis que Michel la voit passer de 150$ à 180$. En apparence, Michel est davantage pénalisé que Pierre par cette hausse de tarifs, ce qui confirmerait l’hypothèse de Clément Gignac.

Or, la vérité est toute autre. La hausse de 20$ par mois de Pierre représente, sur son salaire mensuel de 2500$ (30 000$ / 12 mois), une charge de 0,8%. Le 30$ de Michel, lui, sur un salaire mensuel total de 6250$ (75 000$ / 12 mois), représente une augmentation de la charge réelle de 0,48%. En clair, le fardeau imposé à Pierre est légèrement inférieur au double de celui de Michel. La taxe – car c’en est une – le touche ainsi bien davantage que pour Michel. Pour Pierre dans son 4 1/2, le 20$ constitue peut-être l’argent d’une sortie bien méritée à la fin de la semaine; pour Michel dans sa maison, ce 30$ ne constitue peut-être que de l’argent de poche. Notons que dans la vraie vie, l’impôt progressif contribuerait à réduire un peu cette inéquité, mais le fait demeure: la personne ayant un revenu inférieur subit plus fortement les hausses que la personne jouissant d’un revenu plus élevé.

On le constate, l’argument voulant que ce soient les plus fortunés qui fassent les frais de ces hausses de tarifs ne tient pas la route. En haussant les tarifs d’électricité, ce sont les moins bien nantis qui écopent, car ce sont eux qui ont à subir la charge la plus élevée en fonction de leurs revenus. Ces hausses constituent une flat tax, c’est-à-dire qu’elles annihilent le pouvoir redistributeur de l’État; elles imposent le même poids financier à deux catégories de citoyens n’ayant pas la même capacité de payer.

Bref, plutôt que d’avoir le courage politique d’annuler les baisses d’impôts de la dernière décennie ayant surtout profité aux mieux nantis et privant l’État québécois de près de 10 milliards de dollars par année, Gignac propose la facilité: faire payer tout le monde, indépendamment de la capacité de payer, pour le gros party que se sont octroyés les plus fortunés.

Si on désire réellement utiliser les tarifs d’électricité pour renflouer les coffres de l’État, qu’on fasse comme pour l’impôt et qu’on impose des tarifs différents en fonction du revenu. On pourrait créer trois ou quatre classes de tarifs, s’assurant ainsi que chaque personne, peu importe son revenu, supporte sensiblement le même fardeau. En faisant cela, non seulement s’assurerait-on de respecter la capacité de payer des citoyens, mais on inciterait les mieux nantis à y penser un peu avant de gaspiller l’énergie. Car le projet de hausse actuel, quoi qu’en disent les Alain Dubuc de ce monde, réduit le niveau de vie de la classe moyenne et des plus démunis tout en assurant la continuité de l’orgie de kilowatts des mieux nantis – dont font évidemment partie les éditorialistes du réseau Gesca.

Nous avons la chance, au Québec, de payer des tarifs d’électricité beaucoup moins élevés qu’ailleurs. Il ne s’agit pas d’un déshonneur, mais d’une véritable fierté, attachant le citoyen du Québec au puissant symbole que représente Hydro-Québec et constituant un important rempart contre tous les vautours du privé qui aimeraient démanteler la société d’État. On ne doit pas tout mêler: si le problème est le gaspillage, qu’on fasse payer le kilowatt/heure plus cher à ceux qui en ont les moyens. Et si le problème est financier, qu’on augmente les impôts de ceux qui ont profité de baisses trop généreuses. Ce n’est pas en faisant croire que le fait de jouir de tarifs avantageux devrait constituer une tare à éliminer sur l’autel du déficit zéro qu’on participe constructivement à la recherche des réelle solutions.

Profiter de difficultés financières pour s’attaquer encore une fois à la classe moyenne et aux plus démunis, c’est moche. Mais de devoir prendre jusqu’à l’argent de l’épicerie pour payer l’électricité et se faire dire que ce sont ceux qui sont les plus fortunés qui sont les plus pénalisés, c’est carrément indécent.

Clément Gignac aurait peut-être dû rester dans le privé. Il ne semble pas avoir compris qu’on ne gère pas une société comme une entreprise. Quand l’État est dans le rouge, on ne peut pas simplement donner son 4% aux employés du bas et refiler le problème à quelqu’un d’autre. Il faut tenir compte des moins bien nantis et d’une classe moyenne de plus en plus écartelée, fruit de politiques créatrices non pas de richesse, mais d’inégalités sociales.

http://louisprefontaine.com/2009/10/01/clement-gignac-tarifs-electricite

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