Dan Ikenson le 5 octobre 2009 - Malgré tous les points de tension, à la fois réels et imaginaires, les relations commerciales sino-américaines ont remarquablement bien tenu jusqu'ici. En effet, il y a eu l'interdiction du porc, l'interdiction de la volaille, les droits antidumping et une enquête sur les mesures compensatoires, les décisions de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), des accusations de manipulation des devises, des objections américaines à la croissance Chinoise basée sur les exportations et des plaintes de Pékin quant à l'impact des dépenses incontrôlées à Washington sur ses titres de dette publique américaine.
En effet, que ces conflits n'aient pas dégénéré en problèmes plus grands témoigne d’une maturité croissante des relations bilatérales.
Mais même des relations matures ont leurs points de rupture. Comme la décision court-termiste du président Barack Obama d'imposer des droits de douane de 35 % sur les pneus chinois en vertu de l'article 421 du Trade Act de 1974 — modifié par la directive dite de « sauvegarde spécifique à la Chine ».
En fait, cette décision représente le test le plus sérieux pour le moment. Même si l'imposition des tarifs ne viole pas d'accords commerciaux — et même si le gouvernement chinois n'a pas recours à des représailles au sein des règles de l'OMC — il ne devrait y avoir aucun doute sur la possibilité d’une escalade de guerre commerciale.
La décision sur les pneus marque la première fois, depuis bien avant que la Chine ait rejoint l'OMC en 2001, qu'un président américain ordonne personnellement des restrictions sur les importations en provenance de Chine. Bien sûr il y eut des droits imposés en vertu des accords antidumping et des mesures compensatoires à de nombreuses reprises, ainsi que des restrictions quantitatives imposées sur le textile ou l’habillement chinois.
Mais aucune de ces procédures n’a nécessité la participation du président des États-Unis — et aucune n'a été perçue comme reflétant ses désirs personnels.
Imposer des droits de douane sur les pneus chinois, en revanche, est venu directement du Président Obama lui-même, après qu'il avait eu deux mois pour évaluer l'impact de la décision.
Qu'il ait choisi de lever un droit prohibitif de 35 pour cent est perçu comme un signe de manque de respect au gouvernement et au peuple chinois qu'il représente — en particulier en comparaison à l'ancien président George W. Bush. L'ancien président avait rejeté des possibles restrictions commerciales à quatre reprises quand de telles recommandations de la Commission américaine du commerce international (CACI) arrivèrent sur son bureau.
Selon la loi, qui a pris effet comme condition d'entrée de la Chine dans l'OMC, les industries américaines peuvent demander des restrictions commerciales temporaires dans les cas où les importations en provenance de Chine sont en augmentation et entraînent des perturbations sur le marché US. Le seuil dans ces cas est assez bas – comparé à la norme appliquée dans les procédures antidumping, mesures de compensations, et les procédures de sauvegardes en général.
Ainsi, le président américain se voit accorder le pouvoir discrétionnaire de rejeter la recommandation de recours de la CACI, s'il décide que les restrictions à l'importation auraient un impact négatif sur l'économie américaine nettement supérieur à ses avantages, ou s'il décide que ces mesures risquent d'entraîner des dommages graves pour la sécurité nationale des États-Unis.
Le coût du protectionnisme pour l'économie toute entière dépasse toujours les avantages, concentrés sur des groupes d'intérêts restreints en quête de protection, et une guerre commerciale pourrait compromettre la sécurité nationale américaine. Aussi, les restrictions en vertu de cette loi devraient toujours être rejetées.
Mais la décision du président d'Obama a été, uniquement guidés par des considérations politiques égoïstes : il sentait qu'il devait quelque chose aux syndicats américains pour leur soutien continu, quelles que soient les retombées économiques et diplomatiques.
Juste un jour après la décision d'Obama sur les pneus, le gouvernement chinois annonçait de nouvelles enquêtes sur les recours commerciaux des exportations américaines d'automobiles et de la volaille. Que ces affaires soient fondées sur des preuves de dumping ou de subvention résistant à l'évaluation formelle n'est pas ici la question. Le gouvernement chinois peut toujours harceler les exportateurs américains avec des menaces de nouvelles enquêtes et jeter d’autres obstacles sur leur route.
Mais la simple perspective de tensions commerciales accrues — sans parler de mesures réellement protectionnistes — produit le type d'incertitude qui mine le commerce et l'investissement, et ralentit la croissance économique.
Ces coûts se font sentir le plus profondément dans le pays qui impose des restrictions, et la Chine devrait ainsi faire de son mieux pour éviter des représailles.
Bien sûr, faire preuve de modération pourrait s'avérer difficile pour les autorités chinoises. Les barrières américaines pourraient bien conduire à des restrictions sur les pneus chinois dans d'autres pays — afin de « protéger » leurs propres producteurs de la diversion de l'approvisionnement du marché américain.
En outre, la décision d'Obama sur les pneus chinois représente un désaveu flagrant de l'engagement américain au sommet du G20 d’avril à Londres pour éviter de nouvelles mesures protectionnistes jusqu’à 2010. La tentation des autres gouvernements du G20 de se livrer aux pressions protectionnistes similaires dans leurs pays à des fins politiques pourrait se révéler irrésistible — surtout maintenant que les États-Unis ont abdiqué de leur rôle de leader dans les échanges commerciaux.
Et puis il ya le danger très réel que d'autres secteurs américains, encouragés par les résultats du cas des pneus, aillent déposer leur propre procédure « Section 421 », conduisant à de nouvelles restrictions sur de nouveaux produits et créant des pressions similaires à l'étranger — tout en provocant des appels à représailles en Chine.
C’est un tableau peu glorieux. Mais le gouvernement chinois pourrait héroïquement prévenir une guerre commerciale en s’élevant au-dessus de la mêlée, et en faisant de son mieux pour éviter d’accroitre la dispute avec ses propres mesures de provocation.
La coopération sino-américaine en matière de commerce et d’investissement a été trop fructueuse et prometteuse pour permettre à un petit nombre de domaines problématiques de redéfinir la relation plus générale entre les deux puissances.
Dan Ikenson est analyste au Cato Institute.