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Du bon usage du populisme

Publié le 10 octobre 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Il aura fallu un mois* en sarkozie pour découvrir à quel point ce pays avait basculé dans le fatras idéologique. À quel point aussi l’élite, parée d’atours progressistes, maniant le verbe communicationnel se protège derrière une cohorte de plumitifs. Un cordon sanitaire déployé autour de l’aristocratie républicaine qui ferraille, usant de tout son talent, de son érudition et de son aura médiatique pour sauver des eaux et de la vindicte ses généreux bienfaiteurs. Le maillage informel entre les intellectuels de palais, les journalistes de bouche, et les décideurs de canapés montre toute sa puissance en période de crise. Bien au-delà des convictions, ces bataillons zélés qui pensent à géométrie variable, protègent une nobilitas grégaire en survie perpétuelle.

populisme
C’est du peuple dont il faut se prémunir. Avec ses réactions reptiliennes qui troublent la béate tranquillité des prescripteurs d’opinion. A. Finkielkraut adepte du don de soi, s’est sacrifié pour la démocratie. Dans une intervention d’anthologie le 9 octobre 2009 sur l’antenne de France Inter, il prend, bravant périls et interdits, fait et cause pour les puissants. Au menu de sa croisade antiobscurantiste, le lynchage instrumenté par le web, la dépravation inexorable de l’occident et l’irrespect pour les patriciens. Pour ces « nouveaux » penseurs du conservatisme chanci, le coup de savate venu de la toile est intolérable. Plus possible de penser entre-soi, la pression des nouveaux médias est devenue trop forte. Dans le cas de F. Mitterrand, le web n’a qu’une contribution relative à son obligation de justification au « 20 heures » de TF1. M. Le Pen, dignitaire du Front National exsangue, car pillé par l’UMP, fait « tapis » en reprenant des passages vils d’un récit autobiographique pendant un spectacle politique télévisé. Quelques caviardages plus tard, c’est sous la houlette de L. Ferrari que le ministre de la Culture se refait une virginité. Le lendemain, les manchettes sont unanimes, il y eut « erreur, mais certainement pas faute, encore moins crime ». Les instituts de sondages donnent aussi un verdict sans appel ; absolution totale par le peuple. À l’UMP, la stratégie de communication est limpide. Mimer les progressistes sur l’homosexualité, même touristique et tiers-mondiste tout en louant la franchise, le courage du ministre, qui soutint R. Polanski lors de son arrestation en Suisse pour pédophilie. Les pères la rigueur de la droite française qui condamnent pour racolage passif, qui infligent des peines plancher, qui pratiquent la justice d’abattage en comparussion immédiate pour la petite délinquance sont beaucoup moins « populistes » quand il s’agit de proximité d’intérêts. Pour faire la morale aux racailles lors de vols de matériel et infliger des sanctions sévères, toutes les outrances sont permises. La victime fut le thème de prédilection du candidat Sarkozy. Il fustigeait les juges qui relaxaient les bourreaux et qui ne pensaient pas aux persécutés. Mais quand il faut morigéner un semblable du panthéon, c’est une tout autre affaire. On aborde le sujet de manière bien moins emphatique. Ce n’est plus une gamine, mais une Lolita, ce n’est plus un gosse transformé en esclave sexuel, mais un éphèbe…

Le pathétique A. Finkielkraut ne sort pas de sa torpeur pour prendre la défense des nécessiteux, des soutiers que l’on affublent dans la grande presse de sobriquets péjoratifs (du type « concubins » ou « maîtresse »). Il n’emploie sa science que dans les grandes occasions. Là, un ministre de la Culture couplé d’un réalisateur césarisé, une immanquable brochette. Et dans sa mission, les journalistes dont les plus sérieux comme N. Demorand l’aident doucettement. Le dispositif se répète en fractale sur tous les médias nationaux selon un processus inévitable. Reprise des moments d’anthologie du larmoyant « 20 heures » de la veille, journalistes installés qui passent les plats, et invités de circonstance qui tempèrent. Le remède anesthésiant le plus efficace pour contenir le populisme et la réactivité brutale des foules.

C’est aussi un accablement politique. Là où est attendue la gauche égalitariste pour remettre les puissants face à leurs faciles destins, c’est le parti de la peine de mort, de la xénophobie, de la haine qui met le nez des dominants dans leur fange. Un citoyen qui trouve inacceptable la copulation avec une gamine, même consentante et délurée se retrouve « ami » du Front National et catalogué fasciste. Idem pour la villégiature libidinales dans les contrées orientales. À gauche B. Hamon, porte parole du PS s’est risqué à une sortie, bien solitaire sur le sujet. Au ressac, seul avec le Front National il a dû rétropédaler, question d’image.

Le régime sarkozien relève de la prestidigitation. Il n’y a pas de magie, seulement des trucs entre initiés. Le sarkozisme est un « populisme » car il use et abuse des grosses ficelles poujadistes : une descente sécuritaire avant chaque élection, des propos racistes distillés régulièrement, la sempiternelle référence au pragmatisme et au bon sens (populaire). Il mobilise aussi la fine fleur de la pensée hexagonale pour justifier les écarts de l’oligarchie. Pour un résultat à front renversé. Les conservateurs se transforment en hédonistes libres penseurs. Les jouisseurs** d’antan trouvent timidement à redire. Et finalement, piteux, ils se taisent. Sous les miradors de l’intellectualisme de confrérie, la droite obtient victoire à tous les coups. Le régime sarkozien adapte habilement la pensée de ses zélateurs et affidés aux intérêts d’une minorité. Des intellectuels de revirement qui s’émancipent dans un contexte idéologique ruiné par la paresse et le spectacle.

*Les épisodes : B. Hortefeux, R. Polanski, F. Mitterrand entre septembre et octobre.
** D. Cohn-Bendit reste opportunément fidèle à ses idéaux.

Vogelsong – 9 octobre 2009 – Paris

  • Sujet connexe – Reversus

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