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Arsenic et vieilles tambouilles

Publié le 11 octobre 2009 par Jlhuss

1201719681_img_0016_edited.1255200588.jpgD’abord le nom du plat, « votation ». Joli coup de marketing : le mot étonne, puis  rassure. Ça fait vieux terroir, « ça sent la soupe et le bébé dormant », l’heureux temps de la tournée du facteur à bicyclette jusqu’au dernier hameau doté de l’eau à la pompe, du lait au pis et du fumier devant le perron… « Mais je n’y suis plus, cher ami : nous parlons bien de la Poste en 2009 ? la banque que chacun sait ? avec ses petits salons moquettés pour conseils dynamiques en nouveaux produits  ? ni plus ni moins que chez Paribas ou Picsounet ? »

Entendu de la bouche de je ne sais plus quel socialiste interviouvé : « Bon d’accord le mot votation est un peu barbare, et même suisse » (sic). Barbare ? un mot tout ce qu’il y a de plus latin par la racine ! Et pires que barbares, donc, les Helvètes ? un petit peuple qui non content de braver César, avait su malgré le manque d’iode porter à la perfection le chocolat, l’horlogerie et le blanchiment ! Bref, va pour « votation » . Surtout quand elle est « citoyenne », ce qui fait pléonasme mais vous nappe le ragoût d’une sauce sans-culotte, j’vous dis qu’ça !

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Pas mal non plus, le service : on s’est fendu de boîtes un peu partout, à la fortune du pot, pour que des tas de gens viennent donner leur non, mais par leur nom : « Signez Gertrude ou Clovis, on n’en a rien à secouer. Non, non, gardez vos papiers, on n’est pas des flics. »  Ce qui compte, c’est l’élan populaire, la liesse bon enfant du déboutonnage moules-frites au bord de l’eau. Moyennant quoi, ça donne deux millions de non et des poussières : chaque voix compte…Sarko n’a plus qu’à se mettre à table et rengainer ses projets posticides.

Besancenot s’est aussitôt réjoui qu’on ait bien mangé. Se pourlèche avec lui qui voudra ; moi non, ni ceux qui gardent à l’esprit toutes les franches lippées de l’Histoire, tous ces maîtres queux du régal des peuples, de Lénine à Armaninedjad. « Vous voulez de la démocratie ? du suffrage populaire ? Vous en aurez, à la louche, et ne venez pas chipoter sur l’assaisonnement. »

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Vous faites  remarquer au préposé de Neuilly, et aux autres cuistots de la fête, que leurs marmites ont au mieux un parfum de congrès de Reims ; que les deux millions deux cent  mille suffrages et des patates pourraient bien ne faire qu’un million cent vingt moins le navet ; et que de toute façon, selon les organisateurs ou la police, ce nombre en déroulé emplirait tout juste les Champs-Elysées , voire un petit bout de la Grande-Armée. Nos marmitons s’enflamment : «Tu préfères peut-être le saccage d’une sous-préfecture ? la séquestration d’un PDG ? Jamais contents, ces bourges ! On leur donne des urnes sympas et ils font la fine bouche !»

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Un mot de la viande quand même : du conservatisme premier choix taillé dans la bête à l’ancienne, à traçabilité SSS (Syndicalisme Subventionné SUD) et labellisé « progressiste ». Vous faites poliment observer qu’on a dépassé l’an 2000 d’une décennie, que le courrier électronique aura bientôt totalement relégué le papier timbré, comme jadis la vapeur la voile. N’importe, vous répond-on-patapon, il faut sauver le bureau de Poste du grand méchant loup libéral, et ce jusqu’à la dernière carte de voeux de l’ultime petite vieille du dernier bourg de Corrèze. C’est l’honneur du service public : « Touche pas à ma Poste ! » Bon. Mais vous êtes français, c’est-à-dire un peu teigne ; vous flairez, et vous le dites, que le beau slogan unanimiste en cache d’autres moins immaculés, corporatistes : « Touche pas à mon poste », ou syndicalistes militants-boutique : « Touche pas à ma base ».

Votation citoyenne, taxe carbone, que de recettes à veiller couché, ces temps-ci !  Nomination culturelle flonflon rue de Valois d’un vieux pétard à retardement ; chèques-cadeaux aux cancres chieurs pour qu’ils reprennent le chemin des cours, c’est-à-dire reviennent pourrir l’ambiance dans la classe où leur absentéisme était une bouffée d’air ; j’en passe et des meilleures…

Donc même dans l’Hexagone, temple de la gastronomie, les vieilles tambouilles relookées light peuvent avoir, de droite ou de gauche, un relent de beurre rance, voire d’arsenic. Mais courage ! au pays de Descartes et de Desproges, les pires poisons sont rarement définitifs : on  ne meurt que d’en rire.

Arion


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